Village de la Justice www.village-justice.com

La baisse de rémunération du salarié imposée par l’employeur. Par Arthur Humez, Etudiant.
Parution : lundi 15 juin 2020
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/baisse-remuneration-salarie-impose-par-employeur,35737.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La compagnie aérienne Ryanair va réduire les salaires de ses employés habitant en France. La compagnie laisse le choix aux salariés entre une baisse de rémunération ou un licenciement en cas de refus de leur part. Cette actualité va nous permettre d’analyser le cadre juridique français de la baisse de salaire imposé par l’employeur à ses salariés.

Le cadre juridique français général sur la baisse de rémunération :

La règle est l’interdiction de la baisse de la rémunération sans l’accord du salarié. Si l’employeur prend une décision contraire à cette règle, elle sera non seulement annulée, mais l’employeur s’expose également à des sanctions pénales.

Ainsi la cour de cassation dans un arrêt du 18 Octobre 2006 n°05-41643 FD a énoncé que la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans son accord ; qu’il en va de même du mode de rémunération prévu par le contrat.

Cette interdiction vaut pour le salaire de base, mais aussi pour les primes : les éléments de la rémunération qui figurent dans le contrat de travail ne peuvent pas être modifiés par l’employeur.

De même, les clauses du contrat de travail prévoyant que l’employeur pourra modifier la rémunération de façon unilatérale seront tout simplement sans effet.

Ainsi l’accord du salarié est néanmoins nécessaire. La chambre sociale de la cour de cassation a énoncé dans un arrêt en date du 12 Mars 2002 n°99-42993 que la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans son accord ; qu’il en va de même du mode de rémunération prévu par le contrat, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux.

Cela en est ainsi, même si une clause du contrat de travail le prévoit, cette clause du contrat de travail étant nulle juridiquement, le licenciement du salarié suite à son refus de se plier à cette modification est sans cause. Ainsi, c’est en ce sens que la chambre sociale de la cour de cassation a rendu un arrêt en date du 27 Février 2001 n°99-40219 BC V n°60.

Désormais il faut se focaliser sur les possibles sanctions de ce refus.

L’article L1331-2 du Code du Travail précise qu’il n’est pas possible de diminuer le salaire ou de faire payer une amende en raison de mauvaise exécution du travail ou en raison du comportement du salarié.

Néanmoins, il existe la rétrogradation disciplinaire.

En effet, en cas de manquement disciplinaire, l’employeur peut prendre des sanctions à l’égard de son salarié. Parmi ces sanctions existe la rétrogradation disciplinaire : le salarié est affecté à une fonction hiérarchique moins importante, accompagnée donc d’une perte de salaire.

Une rétrogradation ne peut être proposée que si elle est prévue dans le règlement intérieur, et la faute doit être assez importante pour justifier une telle sanction.
Comme il s’agit d’une modification du contrat de travail le salarié peut refuser, mais dans ce cas l’employeur pourra, à la place, prendre une autre sanction, pouvant aller jusqu’au licenciement.

L’employeur peut néanmoins baisser certains éléments de votre rémunération sans l’accord du salarié.

Certains éléments de la rémunération ne sont pas contractualisés, c’est-à-dire qu’ils ne figurent pas dans le contrat de travail mais résultent d’un usage ou d’un accord collectif. Par exemple il peut s’agir de primes, ou d’un 13ème mois.

Dans ce cas, l’accord du salarié ne sera pas nécessaire, mais l’employeur qui veut diminuer ou supprimer ces primes devra tout de même observer une procédure.

De plus, l’employeur peut aussi baisser le pouvoir d’achat du salarié indirectement.

S’il ne peut pas diminuer le salaire de façon unilatérale, il peut en revanche décider de ne pas l’augmenter, ce qui aura pour conséquence de diminuer le pouvoir d’achat du salarié, du fait de l’inflation. Ainsi, si l’employeur n’augmente pas le salaire du travailleur sur le long terme, avec l’effet de l’inflation cela aura pour effet de vous faire perdre indirectement du pouvoir d’achat et donc de l’argent au salarié.

La baisse de salaire pour raison économique.

Il faut d’abord rappeler l’article L1222-6 du Code du travail :

« Lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs économiques énoncés à l’article L1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.
La lettre de notification informe le salarié qu’il dispose d’un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire.
A défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée
 ».

Ainsi l’article L1222-6 du Code du travail nous présente la forme de la procédure de la baisse de salaire pour raison économique ainsi que la démarche à suivre.

Concernant le choix du salarié quant à un refus de sa part sur une proposition de baisse de salaire pour raison économique.

Lorsque la diminution de salaire est demandée pour raisons économiques, en cas de refus du salarié, l’entreprise peut en effet tout à faire mettre en œuvre un plan de licenciement. Les salariés qui n’auraient pas accepté de signer l’accord s’exposeraient ainsi à être licencié.

Le motif du licenciement invoqué sera alors le licenciement économique qui pourra se justifier, par exemple dans le cas de Ryanair, par une baisse considérable du chiffre d’affaires en raison de la crise sanitaire qui a touché l’entreprise.

Donc pour résumer, quand la cause de la proposition de l’employeur de diminuer le salaire est économique, l’employeur doit suivre une procédure particulière. Le salarié a le droit de refuser, mais il s’expose dans ce cas un licenciement pour motif économique.

En effet, si l’employeur ne réussit pas à reclasser le salarié, il pourra alors déclencher la procédure de licenciement pour motif économique.

Dans tous les cas, en cas de licenciement suite au refus du salarié de voir sa rémunération modifiée pour raison économique ou non, l’employeur devra justifier d’une cause réelle et sérieuse distincte du refus de modification car le refus d’une modification de son contrat de travail par un salarié ne peut légalement constituer une cause de licenciement selon un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 7 Juillet 1998 n°96-40256 BC V n°367.

Le motif du licenciement doit résider, en fait, dans la raison pour laquelle l’employeur veut modifier la rémunération.

Le licenciement est donc justifié si la modification elle-même est justifiée et licite comme l’a énoncé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt en date du 13 Octobre 1998 n°96-43247.

Jusqu’au jour du licenciement après un refus du salarié de voir modifier son salaire, la rémunération d’origine doit s’appliquer c’est-à-dire que jusqu’au licenciement le salarié a droit au maintien de son salaire selon un arrêt de la chambre sociale en date du 26 Novembre 2002 n°00-44517, BC V n°353.

De plus, si l’entreprise fait face à de grosses difficultés financières suite à la crise sanitaire du coronavirus, l’employeur peut proposer à ses salariés de diminuer leur salaire selon l’article L1222-6 du Code du travail.

L’entreprise peut donc proposer au salarié une modification d’un élément essentiel de son contrat de travail en raison d’un motif économique tel que des difficultés économiques selon l’article L1233-3 du Code du travail.

Elles peuvent être liées à une évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires ; des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Si le salarié donne son accord dans ce délai d’1 mois, l’employeur peut diminuer son salaire en signant un avenant au contrat.

S’il ne répond pas dans ce délai d’1 mois, le salarié est réputé avoir accepté la baisse de salaire.

S’il refuse dans ce délai d’1 mois, l’employeur ne peut toujours pas baisser son salaire , mais néanmoins l’employeur peut engager une procédure de licenciement économique à son encontre selon l’article L1233-3 du Code du travail.

Arthur Humez, Chargé d’études juridiques
Comentaires: