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Quels outils juridiques pour protéger les majeurs vulnérables ?
Parution : lundi 20 décembre 2021
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Selon l’INSEE, d’ici 2050, le nombre des plus de 65 ans devrait atteindre les 20 millions d’individus. Parmi ceux-ci, 5 millions de seniors pourraient être confrontés à une situation de dépendance ou de perte d’autonomie. Quelles mesures existantes pour protéger les majeurs vulnérables ainsi que leur patrimoine ?

La sauvegarde de justice, une mesure de protection temporaire.

Mesure de court terme, généralement prise dans l’urgence, la sauvegarde de justice [1] est définie dans le Code civil par les articles 433 à 439. Destinée à pallier une situation de vulnérabilité, elle est généralement prononcée avant une mise sous tutelle ou sous curatelle, plus contraignantes.

La mesure concerne les personnes majeures touchées par une altération psychique ou physique en lien avec une pathologie ou l’avancée en âge ainsi que celles se trouvant dans l’incapacité d’exprimer leur volonté.

Il existe deux formes de sauvegarde de justice :
- La sauvegarde médicale : Elle intervient suite à la déclaration d’un médecin (avec avis conforme d’un psychiatre) auprès du procureur de la République et vise à protéger les intérêts d’une personne confrontée à de lourds problèmes de santé,
- La sauvegarde judiciaire : Ordonnée par le juge des contentieux et de la protection, elle peut être demandée par le majeur concerné, l’un de ses proches (famille ou amis) ou un tiers (directeur d’EHPAD par exemple).

Mesure temporaire, la sauvegarde de justice ne peut excéder un an renouvelable. Elle vise à protéger le patrimoine du majeur vulnérable. Ce dernier conserve le droit d’accomplir les actes de la vie civile mais il lui est interdit d’ouvrir un compte bancaire, de gérer son patrimoine, de céder ou de vendre ses biens ou encore de demander le divorce.

Un ou plusieurs mandataires spéciaux sont susceptibles d’être nommés par le juge parmi les proches du majeur ou bien via une liste départementale de professionnels détenue par le préfet afin de réaliser certains actes spécifiques (placements financiers, vente immobilière…).

Anticiper sa protection grâce au mandat de protection future.

Mesure d’anticipation, le mandat de protection future [2] permet à un individu (le mandataire) de désigner une personne physique ou morale (le mandant) pour le représenter dans le cas où il ne disposerait plus des facultés nécessaires pour exprimer sa volonté (dépendance, coma, état végétatif…).

La mesure permet d’organiser la protection de la personne mais aussi celle de ses biens. En fonction de ce qui a été défini, le contrat permet au mandataire de décider des actes d’administration et de disposition mais aussi du logement ou de l’hébergement du mandant, du maintien de ses relations avec ses proches ainsi que de ses occupations (loisirs).

Le mandat peut être établi sous plusieurs formes :
- Le mandat notarié : Rédigé et mis en œuvre par un notaire, cet acte permet de confier des pouvoirs étendus au mandataire (actes patrimoniaux). Les legs et donations restent toutefois soumis à l’autorisation du juge des contentieux de la protection,
- Le mandat sous-seing privé : Limité aux seuls actes d’administration, le document doit être contresigné par un avocat. Les actes de dispositions doivent être autorisés par le juge des contentieux de la protection,
- Le mandat de protection future peut être établi pour soi-même, que l’on soit majeur ou mineur émancipé mais aussi pour autrui. Le contrat est, dans ce dernier cas, généralement établi à la demande de parents pour leur enfant malade ou en situation de handicap.

Le contrat prend effet sur présentation du mandat et d’un certificat médical attestant de la détérioration de l’état de santé du mandant au greffe du tribunal judiciaire.

La curatelle, une mesure d’assistance renforcée.

Régime d’assistance, la curatelle [3] permet de protéger un majeur vulnérable ainsi que son patrimoine. Cette mesure permet à la personne concernée d’être accompagnée dans la réalisation des actes importants tout lui accordant l’autonomie pour réaliser les actes dits « simples ».

La demande de curatelle peut être effectuée par un proche (famille ou ami), un tiers (médecin, directeur d’EHPAD…) ou le procureur de la République auprès du tribunal judicaire. Si la demande est recevable, un ou plusieurs curateurs sont nommés par le juge des contentieux de la protection parmi les proches de la personne concernée. Le cas échéant, il désigne un mandataire judiciaire.

La protection assurée dépend du régime choisi par le juge. On note toutefois que le majeur conserve son autonomie dans de nombreux actes de la vie courante (déménager, changer d’emploi, droit de vote…).

Les différents niveaux de curatelle :
- Définie dans l’article 440 du Code civil, la curatelle simple permet à la personne protégée d’assurer les actes d’administration (souscrire une assurance, administrer ses comptes bancaires…). Un curateur doit cependant l’assister dans la réalisation des actes de disposition (souscrire un emprunt, faire une donation, vendre ou acheter un bien immobilier…). Il s’agit du régime de curatelle le plus souple,
- Prévue par l’article 441 du Code civil, la curatelle aménagée permet quant à elle de personnaliser les mesures en fonction de la situation du majeur. Le juge définit les actes que le majeur protégé est à même d’effectuer seul ainsi que les actes requérant l’accompagnement du curateur,
- Introduit dans l’article 440 du Code civil, la curatelle renforcée constitue le régime de curatelle le plus protecteur. Cette mesure dite « aggravée » assigne la gestion des comptes bancaires et du budget au curateur.

Limitée dans le temps, la curatelle ne peut dépasser 5 ans. La mesure peut toutefois être renouvelée une fois ou être étendue sur 20 ans dans le cas d’une altération de l’état de santé du majeur protégé.

La tutelle, une protection juridique complète.

Visant à pallier l’altération des facultés mentales ou l’incapacité d’une personne à exprimer sa volonté, la tutelle [4] des majeurs est définie dans les articles 440 et 492 à 507 du Code civil. Régime de protection le plus lourd, la tutelle permet de protéger une personne vulnérable ainsi que son patrimoine en lui subrogeant un tuteur dans les actes de la vie civile (actes d’administration et de disposition).

Si le majeur est considéré comme « incapable » au regard de la loi, il conserve toutefois la possibilité de réaliser certains actes personnels (mariage, filiation, droit de vote, autorité parentale…) en informant au préalable son tuteur.

Le juge dispose également de la possibilité d’alléger le régime de tutelle en autorisant la personne vulnérable à effectuer certains actes spécifiques avec l’assistance (ou non) de son tuteur.

La demande de mise sous tutelle peut être adressée au juge des contentieux de la protection par la personne concernée, l’un de ses proches, un mandataire juridique ou le procureur de la République. Le magistrat désigne le tuteur dans l’entourage du majeur vulnérable. Ce dernier est chargé d’administrer les comptes bancaires, les assurances, le patrimoine immobilier ainsi que les biens mobiliers. Un inventaire de ces biens est effectué en début de mesure et peut être effectué en cours de tutelle.

La mise sous tutelle est limitée à 5 ou 10 ans et ne peut excéder 20 ans. Il est par ailleurs possible de l’interrompre à tout moment sur décision du juge, en cas de départ du territoire national ou en cas de décès.

Claire Viel, Responsable éditoriale de Bonjour senior.fr
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