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Rappel sur la portée du devoir de mise en garde de la caution non avertie. Par Benjamin Blanc, Avocat.
Parution : mercredi 12 janvier 2022
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L’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 modernise le cautionnement et consacre la jurisprudence.
Pour une plus grande facilité de compréhension, les dispositions éparses qui s’attachaient à régir le cautionnement sont rapatriées dans le Code Civil aux articles 2288 à 2320.
Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2022.

Les cautionnements contractés avant cette date sont régis par la loi ancienne, à l’exception des nouveaux articles 2302 à 2304 qui concerne l’information de la caution qui sont applicables dès le 1er janvier 2022 aux cautionnements antérieurs.

Nous nous intéressons dans cette chronique plus particulièrement à la codification du devoir de mise en garde par cette ordonnance n°2021-1192.

Cette obligation jurisprudentielle se fondait à l’origine sur l’article 1147 du Code Civil devenu 1231-1 par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Désormais, cette obligation de mise en garde figure à l’article 2299 du Code Civil qui dispose que :

« Le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier.
A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci
 ».

Cette obligation, de création prétorienne, a vu le jour dans un arrêt rendu le 5 novembre 1991 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

Communément appelé l’arrêt Buon, la Haute Juridiction y a énoncé que « quelles que soient les relations contractuelles entre un client et sa banque, celle-ci a le devoir de l’informer des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance ».

Ce principe du devoir de mise en garde a ensuite été appliqué au cautionnement par deux arrêts de la Chambre mixte de la Cour de Cassation le 29 juin 2007 [1].

Il ressort de l’analyse de l’abondante jurisprudence de la Cour de Cassation, que le devoir de mise en garde de la caution a un double objet pour le banquier dispensateur de crédit, à savoir d’une part s’assurer que le financement de l’opération garantie n’est pas disproportionné aux ressources de la caution et d’autre part attirer l’attention de la caution sur l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

Si la première fonction du devoir de mise en garde ainsi développé peut être comprise comme faisant double emploi avec l’exigence de proportionnalité, sa deuxième fonction est bien parfaitement autonome.

Cela part du constat que

« la caution a qui est demandée une garantie devrait également être mise en demeure d’apprécier le risque qu’elle court. Si les informations ne lui ont pas été transmises par le débiteur et que les liens avec le débiteur principal ne permettent pas de présumer qu’elle sait tout ce que n’ignore pas ce dernier, l’on peut concevoir que le banquier qui décide de prêter alors que l’opération est très risquée (et qui tente précisément d’amoindrir ce risque en sollicitant un cautionnement), le fasse savoir au cofidéjusseur » [2].

La Cour de Cassation a rappelé ces principes en fin d’année 2021.

C’est ainsi que par un arrêt du 24 novembre 2021, la Cour de cassation a indiqué que :

« L’obligation de mise en garde à laquelle une banque est tenue à l’égard d’une caution non avertie, à raison des capacités financières de cette dernière et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, n’est pas limitée au caractère manifestement disproportionné de son engagement au regard de ses biens et revenus » [3].

Il est ainsi reproché à la banque d’avoir financé un projet économique qui n’avait aucune chance de prospérer en raison d’une analyse objective du capital social de la société, de ses charges courante hors mensualité de l’emprunt garanti et de l’absence d’apport du débiteur.

A la lecture de cet arrêt, il faut donc s’interroger sur la portée du devoir de mise en garde.

La banque doit-elle se prononcer sur les risques ou l’opportunité de l’opération qu’elle finance ?

La Cour de Cassation répond par la négative dans un arrêt du 29 septembre 2021 [4].

La mise en garde doit porter sur l’existence d’un endettement excessif et non sur les risques de l’opération financée, sauf si le banquier disposait d’informations sur la situation du débiteur que la caution ignorait.

Benjamin Blanc AARPI Rousseau-Blanc Avocat à la Cour [->bblanc-avocat.fr]

[1N° 05-21.104 et 06-11.673.

[2S. Pellet, Le banquier dispensateur de crédit face à l’impayé. Regards de droit civil, Ceprisca, coll. Essais, 2021, n°43.

[3Cass. Com. 24 novembre 2021, n°19-25195.

[4Cass. Com., 29 septembre 2021, n°19-11959.