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Cadeaux et événements d’affaires : une pratique courante parfois risquée. Par Lilas Sansa Umba, Juriste.
Parution : mardi 8 février 2022
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Pour manifester son attachement à certaines traditions, optimiser son image ou fidéliser ses clients, une organisation est souvent amenée à offrir un bien ou une prestation sans contrepartie sous forme de cadeaux ou événements d’affaires. Cette pratique courante et banalisé dans certains secteurs d’activité, peut exposer aux risques de corruption.

1) Les cadeaux et événements d’affaires, un acte ordinaire de la vie des affaires.

En offrant un bien ou une prestation sans rechercher une contrepartie, une organisation peut ainsi vouloir manifester son attachement à certaines valeurs ou tradition, optimiser son image, se démarquer de ses concurrents, attirer des prospects, fidéliser ou reconquérir des clients.

Les cadeaux d’affaires peuvent prendre des formes variées : invitations au restaurant, à un salon professionnel, à un événement sportif ou culturel, etc.. Ils peuvent être offerts ou reçus par l’organisation elle-même ou l’un de ses employés.

Les cadeaux et invitations à divers événements s’inscrivent bien souvent dans la stratégie de promotion commerciale et marketing.

Ils font partie de la vie courante des affaires et ne constituent pas, en tant que tels, des actes de corruption.

2) Les cadeaux et événements d’affaires, risque de corruption.

Cependant, de telles libéralités peuvent dans certaines circonstances, constituer un acte de corruption, notamment lorsqu’elle a pour finalité de déterminer l’accomplissement ou le non-accomplissement d’un acte par une personne, en méconnaissance de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.

Constitue un délit de corruption active le fait d’offrir un cadeau ou une invitation à :
- un agent public pour qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat (corruption active d’agent public, national ou étranger) ;
- une personne exerçant une fonction privée pour qu’elle accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de son activité ou de sa fonction en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles (corruption active dite privée) sanctionné à l’article 445-1 du Code pénal.

La corruption passive est caractérisée par l’acceptation ou la sollicitation de ces cadeaux et invitations, pour soi-même ou pour autrui, par un agent public ou par une personne exerçant une fonction privée, dans le même dessein.

Par ailleurs, constitue un acte de trafic d’influence actif le fait de proposer à un agent public, pour lui-même ou pour autrui, de tels cadeaux et invitations, pour qu’il abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

Le trafic d’influence passif est caractérisé par l’acceptation ou la sollicitation aux mêmes fins de tels cadeaux et invitations par un agent public.

Dès lors que cette pratique peut, dans certaines circonstances, aboutir au versement d’une contrepartie d’un acte de corruption, elle constitue un risque. Il appartient à l’organisation d’identifier ce risque et, le cas échéant, de gérer.

3) Une politique cadeau et événement d’affaires, un outil de maîtrise du risque de corruption.

Il est indispensable pour les organisations de mettre en place une politique interne pour maîtriser les risques de corruption.

Les articles 3, 3° et 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 n’imposent pas aux organisations concernées l’adoption d’une politique cadeaux et invitations,

Lors de la mise en place de cette politique interne de cadeaux et invitations, l’organisation peut identifier et évaluer le risque de corruption que représentent pour les offres, sollicitations ou acceptations de cadeaux et invitations au regard notamment de ses activités, de son implantation géographique et des processus ou fonctions à risque.

Ainsi, la politique cadeaux et invitations est déterminée en cohérence avec cette cartographie et constitue, pour l’organisation, un instrument de maîtrise du risque de corruption identifié.

La politique cadeaux et invitations pourra être révisée le cas échéant en fonction de la réévaluation de ce risque.

Exemples de bonne pratique.

- Les organisations peuvent décider d’interdire les cadeaux et invitations ou d’encadrer cette pratique,
- Elles peuvent également privilégier l’envoi d’un cadeau en fin d’année, moment le plus courant pour ces pratiques,
- Les organisations peuvent prévoir que l’offre d’un cadeau ou d’une invitation, par exemple au regard de sa valeur, ne peut être acceptée qu’après l’autorisation du supérieur hiérarchique ou de toute autre personne désignée à cet effet,
- Certaines organisation utilisent un outil informatique ou des formulaires-types pour traiter les déclarations ou les demandes d’autorisations,
- D’autres organisations mutualisent certains cadeaux reçus. Il est possible de prévoir certains cadeaux puissent être soit reversés à des œuvres caritatives soit partagés entre les collaborateurs d’un service,
- Il est possible de prévoir que le code de conduite puisse inclure ou reprendre des éléments de la politique cadeaux et invitations,
- Si elle le juge opportun, l’organisation peut mettre en place un registre des cadeaux et invitations dans lequel sont consignées les informations relatives aux cadeaux et invitations reçus, auquel le responsable de la conformité peut participer,
- L’organisation peut choisir de diffuser la politique cadeaux et invitations à l’ensemble des personnes auxquelles elle s’applique (publication sur son site intranet, diffusion par courriels, affichage dans des espaces communs,
- Une formation des personnes les plus exposées au risque de corruption peut être envisagée (par exemple, les collaborateurs disposant d’une délégation de pouvoir ou de signature et les acheteurs),
- L’organisation peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle pouvant comprendre plusieurs niveaux : un contrôle hiérarchique, un contrôle comptable, le contrôle et l’audit internes,
- Il est également possible d’articuler la politique cadeaux et invitations avec les autres procédures : ex la politique relative aux notes de frais, mécénat, sponsoring.

Exemples de pratique risquée.

- Faire une proposition de nature corruptrice (promettre un cadeau ou une invitation en échange d’un accord commercial ou de renégociation de contrat par exemple) ;
- Pour les cadeaux à haute valeur (voyage, restaurant gastronomique, bijou…), il est préférable de vérifier la valeur du bien, celle bénéficiant ou sollicitant cet avantage (corruption passive) ;
- Les cadeaux ou invitations offerts à un proche de la personne avec qui une relation d’affaires est envisagée ou nouée ainsi que ceux offerts préalablement à une prise de décision sur l’attribution ou le renouvellement d’un contrat, notamment dans le cadre d’un appel d’offres représentent des situations à fort risque de corruption.

Lilas Sansa Umba Juriste spécialisée en Droit des affaires / banque/ finance Présidente fondatrice LIDDFC
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