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Mise aux normes électriques et énergétiques d’une habitation : quelles obligations pour le bailleur ? Par Edouard Chauvaux, Avocat.
Parution : lundi 20 juin 2022
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Dans le double contexte écologique de lutte contre le dérèglement climatique et économique de hausse du prix de l’énergie, il convient de faire un rapide tour d’horizon des obligations pesant sur le bailleur d’un local à usage d’habitation en matière de conformité électrique et énergétique.

Il appartient naturellement au bailleur d’assurer à son locataire la jouissance paisible de locaux correspondant à l’usage contractuel prévu. Ces deux obligations principales figurent à l’article 1719 du Code civil, commun à tous les contrats de louage.

En matière de bail commercial, la conformité des locaux à leur usage contractuel retient une large partie du contentieux locatif. En revanche, en matière de bail d’habitation, l’article 1719 du Code civil oblige le bailleur de délivrer au preneur, « s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent ».

Cette obligation de délivrance d’un logement décent est reprise à l’article 6 de la loi n°89 462 du 6 juillet 1989, qui prévoit depuis sa formulation du 14 décembre 2000 que le bailleur « est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé ».

Cette obligation est complétée par l’article 3-3 de la même loi, qui prévoit la remise au locataire, à la conclusion ou au renouvellement du bail, d’un diagnostic technique comprenant notamment un diagnostic de performance énergétique et un état de l’installation électrique intérieure.

L’ensemble de ces dispositions sont applicables aussi bien aux logements nus qu’aux logements meublés et aux baux mobilités, par l’effet des articles 25-3 et 25-12 de la loi susvisée.

Les réformes successives ont développé et précisé la teneur de ces obligations, en fonction de l’émergence de nouvelles problématiques économiques, écologiques et sociales. Il convient donc de nous intéresser successivement aux obligations du bailleur en matière de conformité électrique (I) puis en matière de conformité énergétique (II).

I. Sur les obligations du bailleur en matière de mise aux normes électriques.

En matière de mise aux normes électriques, l’obligation du bailleur est double : il est en effet tenu de délivrer un bien satisfaisant certaines caractéristiques (A), à défaut de quoi le locataire peut agir en justice afin de faire respecter les dispositions légales en vigueur (B). À cet égard, le bailleur doit ainsi fournir un état de l’installation intérieure d’électricité évaluant les risques de l’installation (C).

A. Sur les caractéristiques de l’installation d’électricité du bien.

Comme exposé ci-avant, l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 impose au bailleur de délivrer à son locataire un logement décent. Cette obligation, créée par la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000, s’applique à tous les contrats de bail soumis à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, sans distinction en fonction de la date de conclusion du contrat.

À cet égard, le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002, précise les caractéristiques de ce « logement décent ». L’article 3 de ce décret dispose ainsi qu’il comporte « un réseau électrique permettant l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne ».

Sans surprise, le logement doit donc comporter un réseau électrique, et on ne saurait envisager de louer à usage d’habitation un bien qui ne comporterait aucune installation électrique.

Ce même décret prévoit en outre, en son article 2, que « les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ».

Ainsi, le bailleur doit délivrer un bien comportant un réseau électrique en bon état et conforme aux normes de sécurités en vigueur.

Reste cependant à s’interroger sur les normes de sécurité visées par cet article : doit-il s’agir des aspects techniques (détaillées par la norme NF C 15-100) en vigueur au moment de la conclusion du contrat ? Le propriétaire bailleur doit-il au contraire tenir constamment l’installation électrique des logements loués en conformité avec ces normes ?

Une telle solution paraîtrait pour le moins délicate à mettre en œuvre, obligeant l’ensemble des bailleurs d’habitation à (i) suivre avec attention l’ensemble des modifications des normes techniques et (ii) intervenir régulièrement dans l’ensemble des logements pour procéder à leur mise en conformité constante

La réponse ministérielle n°73576 du 6 mai 2002 vient préciser l’esprit du décret susvisé. Interrogée sur la teneur des obligations de mise aux normes électriques des logements, la secrétaire d’État au logement a en effet précisé que « l’état de l’installation électrique doit s’apprécier en fonction du risque apparent qu’elle peut présenter pour un non-technicien sans qu’il soit nécessaire de procéder, si l’installation, bien qu’ancienne, n’est pas dangereuse, à une quelconque mise aux normes. Seuls les travaux qui seraient exécutés sur cette installation devraient être conformes à la réglementation en vigueur au moment de leur réalisation ».

Le bailleur n’est donc pas tenu de remettre en permanence l’installation ancienne en conformité avec les normes techniques, tant que cette installation ne présente pas de danger.

Au regard de tout ce qui précède, le bailleur doit délivrer un bien comportant un réseau électrique en bon état et conforme aux normes de sécurités en vigueur ; il n’est cependant pas tenu de maintenir en permanence l’installation en conformité avec les normes techniques, sous réserve qu’elle ne présente pas de danger.

B. Sur la sanction du défaut de conformité de l’installation d’électricité.

L’article 20-1 de la loi n°89-162 du 6 juillet 1989 prévoit la possibilité pour le locataire de demander la mise en conformité du logement non décent à son propriétaire, sans atteinte à la validité du contrat de location. Cela signifie notamment qu’un bailleur de mauvaise foi ne pourrait pas se prévaloir du défaut de décence du bien loué par ses soins pour prétendre résilier le contrat de bail.

À défaut de mise en conformité dans un délai de deux mois, le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation. Cette saisine n’est pas obligatoire, l’article prévoyant la possibilité de saisir le juge afin de voir ordonner la réalisation des travaux et voir réduire, suspendre ou consigner le loyer.

Cette seconde possibilité est certainement la plus impactante à la fois pour le bailleur, contraint de réaliser les travaux s’il entend toucher le loyer contractuellement prévu, et pour le locataire qui peut alors se soustraire judiciairement à son obligation de payer les loyers.

Il convient de souligner que cette autorisation judiciaire est essentielle, le locataire ne pouvant pas unilatéralement pas réduire, suspendre ou consigner le loyer [1].

Il résulte de ce qui précède que le bailleur manquant de diligence dans la sécurisation de l’installation intérieure d’électricité court le risque de voir ordonner judiciairement la réalisation des travaux et de voir réduire, suspendre ou consigner le loyer dû par le locataire.

C. Sur le diagnostic à fournir par le bailleur concernant l’installation d’électricité.

Le locataire et le bailleur sont a priori profanes en matière d’électricité, de sorte que le législateur a prévu l’établissement par un professionnel d’un diagnostic détaillé du réseau électrique du bien donné à la location.

Comme exposé ci-avant, l’article 3-3 de loi n°89-462 du 6 juillet 1989 met à la charge du bailleur la réalisation d’un état de l’installation intérieure d’électricité du bien loué décrivant les caractéristiques techniques de l’installation et en évaluant les risques.
Cet article précise en outre que cet état est communiqué lors de la conclusion du bail et de son renouvellement. Il convient de souligner que le renouvellement visé par cet article n’est pas la tacite reconduction du bail : le bailleur n’est ainsi pas tenu de faire réaliser un tel état à chaque reconduction du contrat de bail.

Ce n’est ainsi que dans le cas d’une offre de renouvellement visant à modifier les dispositions contractuelles que le bailleur sera tenu de faire établir, le cas échéant, un nouvel état de l’installation intérieure d’électricité.

En outre, la loi n°2014-366, qui a créé l’article 3-3 susvisé, précise en son article 14 que les contrats de location déjà en vigueur lors de l’entrée en vigueur de la loi restent soumis aux dispositions qui leur étaient applicables.

Ainsi, depuis le 27 mars 2014, le bailleur doit établir et communiquer un état de l’installation intérieure d’électricité du bien loué lors de chaque conclusion et renouvellement de bail.

Ceci étant établi, on soulignera qu’au titre du décret n°2016-115 du 11 août 2016, l’état de l’installation intérieure d’électricité ne concerne que les locaux d’habitation comportant une installation de plus de quinze ans.

Au regard de tout ce qui précède, depuis le 27 mars 2014, le bailleur concluant ou renouvelant un bail comprenant une installation intérieure d’électricité de plus de quinze ans est tenu de communiquer, au sein du dossier de diagnostics technique, un état de l’installation intérieure d’électricité décrivant les caractéristiques techniques de l’installation et en évaluant les risques.

II. Obligations du bailleur en matière de mise aux normes énergétiques.

Outre les obligations relatives à l’installation électrique exposée ci-avant, et afin de lutter contre les « passoires énergétiques » entraînant notamment une hausse considérable du coût de chauffage des locataires, le législateur a œuvré à ajouter aux caractéristiques du logement décent le critère de performance énergétique du logement loué (A), contrôlé par l’établissement obligatoire d’un diagnostic de performance énergétique (B).

A. Sur le critère de performance énergétique du logement décent.

L’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, déjà mentionné plus haut, précise que le logement décent répond à « un critère de performance énergétique minimale ». Comme évoqué ci-avant, cette mention s’applique à l’ensemble des contrats de location, sans considération de leur date de conclusion.

Lors de l’ajout de ce critère en 2014, le législateur n’a pas précisé les seuils de performance énergétique, prévoyant expressément que ces éléments seraient précisés ultérieurement en vue d’une mise en œuvre échelonnée.

Cette mise en œuvre a été organisée par le décret n°2021-19 du 11 janvier 2021 et par l’article 160 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021.
En apparence similaires, ces dispositions diffèrent cependant dans leur mode de mise en œuvre :
- Le décret n°2021-19 du 11 janvier 2021 prévoit la création d’un article 3 bis au décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 définissant les caractéristiques du logement décent. Ce nouvel article fixe à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré par an la consommation maximale d’énergie qu’un logement peut présenter pour être qualifié de décent. Cet article entre en vigueur au 1er janvier 2023 et uniquement pour les contrats conclus à partir de cette date.
- L’article 160 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 prévoit la modification de l’article 6 de la loi n°89-462 afin de préciser qu’en France métropolitaine, ne seront plus considérés comme décents les logements de catégorie G à partir du 1er janvier 2025, de catégorie F à compter du 1er janvier 2028 et de catégorie E à compter du 1er janvier 2034.
Cet article prévoit donc une entrée en vigueur progressive, sans distinction en fonction de la date de conclusion des contrats de location.

L’objectif final du législateur est donc l’arrêt de la location des logements présentant une performance énergétique E, par la mise aux normes de l’intégralité du parc locatif d’ici le 1er janvier 2034.

Par combinaison de ces deux articles, il est possible de déterminer un calendrier de mise en œuvre du critère de performance énergétique.

Pour être caractérisé de logement décent, le bien loué devra donc :
- À compter du 1er janvier 2023 : présenter une énergie finale par mètre carré par an inférieure à 450 kilowattheures pour les contrats conclus ;
- À compter du 1er janvier 2025 : Être de classe énergétique comprise entre A et F ;
- À compter du 1er janvier 2028 : être de classe énergétique comprise entre A et E ;
- À compter du 1er janvier 2034 : être de classe énergétique comprise entre A et D.

B. Sur la sanction du défaut de conformité au critère de performance énergétique.

On peut dans un premier temps rappeler qu’un bailleur ne pouvant en principe pas mettre en location un logement non décent, il sera en principe interdit pour les bailleurs de conclure un contrat de location sur un bien ne respectant pas le critère de performance énergétique exposé ci-avant.

À défaut, soit en cas de contrat préexistant, soit en cas de négligence d’un bailleur peu scrupuleux, il convient de se référer à l’article 20-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, dont le fonctionnement a été présenté plus tôt. Ainsi, tout locataire dont le bien ne respecte pas le critère de performance énergétique peut en demander la mise en conformité à son bailleur.

En l’absence de locaux conformes, le locataire peut voir ordonner judiciairement la mise en conformité des locaux ainsi que la suspension, réduction ou consignation de son loyer.

En tant que mesure incitative dans le cadre de la mise en place de ce critère de performance énergétique, le législateur a en outre prévu un gel des loyers pour les catégories énergétiques les plus basses. L’article 159 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 modifie ainsi la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 en empêchant toute indexation, majoration ou augmentation du loyer, même entre deux locataires, au terme d’un délai d’un an à compter de la publication de la loi.

Ainsi, à compter du 24 août 2022, les biens de classe F ou G feront l’objet d’un gel total des loyers, lesquels ne pourront plus être indexés, réévalués, majorés ou augmentés.

C. Sur l’établissement et la communication du diagnostic de performance énergétique.

Compte-tenu de l’importance de la détermination de la performance énergétique du logement, le législateur a prévu l’établissement et la communication par le bailleur d’un diagnostic de performance énergétique.

Ainsi, l’article 3-3 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 oblige depuis le 27 mars 2014 au bailleur de joindre un diagnostic de performance énergétique au dossier de diagnostics techniques lors de la conclusion ou du renouvellement du bail.

L’obligation d’établissement et de communication du diagnostic de performance énergétique est cependant antérieure à ces dispositions, dans la mesure où les articles R134-1 et suivants du code de la Construction et de l’habitation, désormais abrogés, prévoyaient dès le 15 septembre 2006 l’établissement de ce diagnostic.

Les articles L126-6 et suivants du Code de la construction et de l’habitation prévoient en outre sa communication lors de l’émission d’annonces de mise en location d’un bien à l’usage d’habitation.

Le diagnostic de performance énergétique est en principe valable dix ans. Il convient cependant de souligner que le contenu du diagnostic de performance énergétique a été modifié le 1er juillet 2021, avec expiration anticipée au 31 décembre 2022 des anciens diagnostics réalisés entre le 1er janvier 2013 et au 31 décembre 2017 des anciens diagnostics réalisés entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2021.

Au regard de tout ce qui précède, le bailleur est tenu de faire établir et communiquer le diagnostic de performance énergétique, non seulement lors de la conclusion et du renouvellement du contrat de bail, mais également lors de la diffusion d’annonces de vente.

Compte-tenu de l’expiration anticipée des diagnostics réalisés avant le 1er juillet 2021 et des mesures prévues pour la mise en œuvre du critère de performance énergétique, les bailleurs auront donc tout intérêt à faire établir sans tarder un nouveau diagnostic de performance énergétique, même en l’absence de renouvellement ou de conclusion de nouveaux contrats.

Edouard Chauvaux, Avocat au Barreau de Paris [->edouard.chauvaux@cha-avocat.com]

[1Cass. 3ème Civ., 5 octobre 2017, n° 16-19.614.