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Battues administratives : la nécessité écartée en présence de mesures alternatives. Par Andréa Rigal-Casta, Avocat.
Parution : mercredi 20 avril 2022
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Le Code de l’environnement impose que toute mesure de chasse ponctuelle hors période générale ou complémentaire, autrement dit une « battue administrative », soit nécessaire. La nécessité ainsi requise doit être démontrée, ce qui a récemment amené le Tribunal administratif de Versailles à admettre que cette condition ne pouvait être remplie dès lors que des mesures alternatives de capture, soins et réintroduction des animaux visés étaient proposées.

Le recours à une battue administrative doit rester exceptionnel.

L’article L427-6 du Code de l’environnement est à ce sujet sans ambiguïté. Alors qu’elle autorise des opérations de destructions d’animaux non domestiques de jour et/ou de nuit, une battue administrative est réalisée en complément des opérations de chasse menées lors des périodes de chasses générales et parfois complémentaires. Elle autorise en outre exceptionnellement les lieutenants de louveterie à s’introduire sur les propriétés privées. Elle ne peut donc pas être systématique.

Ainsi, l’article L427-6 précité impose-t-il au préfet de département de démontrer la réunion de deux critères cumulatifs avant d’autoriser une battue.

La mesure doit d’une part répondre à au moins l’un des motifs listés par l’article en question, à savoir : la protection de la biodiversité ou des habitats, la prévention de dommages importants à toutes « formes de propriété », la protection de la santé et de la sécurité publiques, faire face à une raison impérative d’intérêt public majeur ou encore lorsque la battue offre une possibilité de générer des conséquences bénéfiques « primordiales » pour l’environnement.

D’autre part, l’opération de battue doit être nécessaire, c’est-à-dire indispensable à l’atteinte de l’objectif identifié.

Par une décision en date du 1er avril 2022 [1], le Tribunal administratif de Versailles a rappelé le caractère cumulatif de ces deux conditions mais aussi et surtout que la proposition de mesures alternatives aux battues par des associations et centres de soins vétérinaires démontrait l’absence de nécessité de toute opération de destruction.

Le Tribunal administratif a été saisi à la suite de l’installation de renards dans un quartier urbain au sein de la commune de La Celle Saint-Cloud. Les habitants de ce quartier ont, dès le mois de mai 2021, confirmé auprès d’associations de protection de la biodiversité et de la mairie de leur commune la présence des goupils. Face aux inquiétudes des citadins, notamment des propriétaires de poules et de chats, un collectif de 14 associations et centres de soins vétérinaires s’est constitué. Un protocole de capture, d’éventuels soins et de réintroduction des renards dans leur milieu naturel a ainsi pu être proposé dès le 30 juin suivant. Ce protocole a été de nouveau porté à la connaissance de la préfecture par un courrier du collectif en date du 5 août 2021.

La préfecture n’a cependant pas tenu compte du protocole proposé et a adopté, le 9 août 2021, un arrêté

« portant organisation d’une opération administrative de régulation des animaux de l’espèce renard roux (Vulpes vulpes) dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques et en prévention de dommages importants à diverses formes de propriétés, sur la commune de La Celle Saint-Cloud ».

Saisi par une requête en référé formée par l’ASPAS [2], le Tribunal administratif de Versailles a dans un premier temps suspendu l’exécution de cet arrêté par une ordonnance en date du 26 août 2021.

D’après le juge des référés, l’arrêté autorisant la battue ne répondait à aucun des motifs prévus par l’article L426-7 du Code de l’environnement, faute de démonstration du risque sanitaire et de l’apparition de dommages pouvant être qualifiés d’importants.

Il a en outre été précisé par le juge des référés que la nécessité des opérations n’était pas établie, étant donné que : « En troisième lieu, il ne résulte pas de l’instruction qu’une difficulté matérielle ou juridique s’opposerait à la mise en place de la solution alternative proposée par l’association requérante ».

Le jugement au fond de cette affaire a confirmé la solution retenue en référé.

La juridiction a ainsi maintenu sa position quant à l’appréciation du critère de nécessité. Elle a établi qu’une mesure de destruction ne pouvait être considérée comme nécessaire en l’absence de

« difficulté juridique ou matérielle à autoriser la mise en œuvre d’un protocole défini et porté par un collectif d’associations et d’organismes expérimentés en la matière ».

L’adoption de l’arrêté de battues administratives visant à détruire les renards présents à la Celle Saint-Cloud souffrait en conséquence d’une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier son annulation.

En définitive, le Tribunal administratif de Versailles apporte un éclairage bienvenu et constructif sur la mise en œuvre du régime encadrant l’adoption d’un arrêté de battues administratives. Ainsi, la reconnaissance d’un des motifs listés par l’article L426-7 du Code de l’environnement ne suffit-t-elle pas à justifier à elle-seule l’organisation d’une battue. La destruction d’animaux non domestiques ne peut être qu’une mesure occasionnelle, dont la nécessité est à démontrer.

Cette solution, en accord avec les textes, présente à notre sens un double avantage.

En plus de sanctionner l’adoption impulsive et irraisonnée d’un arrêté de battues administratives, elle consacre l’importance à donner aux mesures alternatives proposées par les acteurs de la société civile expérimentés en matière de protection de la biodiversité.

Gageons que cette interprétation perdure afin que la recherche d’une issue favorable pour toutes les parties, animaux sauvages compris, devienne la norme.

Andréa Rigal-Casta Avocat associé au sein du cabinet Géo Avocats Barreau de Paris

[1TA Versailles, 1er avril 2022, n°2107155.

[2Association Protection des Animaux Sauvages.