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Réflexion sur la codification des procédures collectives internationales dans l’espace OHADA. Par Nyangon Winnie, Chercheure.
Parution : mercredi 17 mai 2023
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L’internationalisation des relations commerciales draine une masse considérable de risques d’insolvabilité des entreprises. Dès lors, le droit des procédures collectives s’est vu contraint de briser le nationalisme juridique qui, jadis le caractérisait. C’est dans cet état d’esprit que différents instruments et outils du droit international seront élaborés pour uniformiser le régime des procédures collectives ou de l’insolvabilité transfrontalière.

L’objectif ici visait à prévoir et encadrer les conséquences d’une procédure d’insolvabilité transfrontalière lorsqu’une entreprise fait face à des difficultés économiques impliquant la cessation des paiements.

Dans l’espace OHADA, le processus d’harmonisation et d’uniformisation s’est matérialisé par l’adoption de l’Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d’Apurement du Passif (AUPCAP) adopté le 10 avril 1998 et revisité en 2015. Il représente le droit matériel des Etats membres en matière de procédures collectives communautaires et extracommunautaires. Ce faisant, l’apport du législateur OHADA dans la mise sur pied d’un droit international privé des procédures collectives est au centre des débats. A ce sujet, l’analyse de l’auteur confirme l’existence d’un droit international privé commun dont les contours ont été suffisamment exposés.

Mots clés : insolvabilité transfrontalière - compétence internationale - lex fori concursus - liquidation des biens - Redressement judiciaire.

Introduction.

1. La notion de procédure collective traduit le mécanisme de traitement judiciaire des défaillances d’une entreprise afin d’organiser le règlement de ses créances. Stricto sensu, on parle de défaillance d’une entreprise pour exprimer son état de cessation de paiement ou tout simplement son insolvabilité. Aux termes de l’article 1 alinéa 3 de l’Acte Uniforme, la cessation de paiement est définie comme « l’état où le débiteur se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible à l’exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible ». Selon les internationalistes, il s’agit de l’ensemble des procédures dont l’ouverture est déclenchée par le constat judiciaire de la défaillance ou de l’insolvabilité d’un débiteur et qui ont pour objet une réorganisation ou un redressement de l’entreprise ou la liquidation de ses biens.

2. Les obligations pécuniaires constituent un pôle majeur dans les activités économiques et professionnelles des entreprises au regard de la prédominance des rapports contractuels, extracontractuels et du recours systématique au crédit. Dès lors, en raison de ce qu’elles fonctionnent en interconnexion, il est évident que, la défaillance de l’une provoque des répercussions drastiques sur toute la chaîne. C’est dans ce sillage que sont intervenues les règles juridiques y relatives dans l’optique de contrôler l’activité des entreprises et ses défaillances en général, par le biais des procédures priorisant la moralité, l’assainissement et l’unité dans l’univers des affaires.

3. Avant la création de l’espace OHADA, chacun des Etats membres disposait d’un droit interne qui régissait les questions d’insolvabilité des entreprises. Il s’agissait pour la plupart, des lois françaises applicables avant l’indépendance à l’instar du Code de commerce français de 1807 plusieurs fois réformé d’une part et des textes nationaux divers d’autre part. Ces derniers présentaient malheureusement de nombreuses lacunes du fait de leurs caractères éparses, leur inadaptation ou encore le vide juridique. Ainsi, l’avènement du droit OHADA avec l’Acte Uniforme relatif aux Procédures Collectives d’Apurement du Passif (AUPCAP) adopté le 10 avril 1998, est venu paralyser ce pluralisme juridique entravant la sécurité juridique, qui fait partie intégrante des principaux objectifs législateur OHADA.

4. Sur le plan international, l’insolvabilité des entreprises, nécessite la présence d’un élément d’extranéité qui se manifeste par l’éclatement de l’assiette du débiteur. Longtemps qualifiée d’« îlot de résistance à l’internationalisation », elle a été fortement marquée par le nationalisme judiciaire et rattachée à la souveraineté étatique. Cependant, la globalisation des économies et l’accroissement des échanges, a bouleversé tous ces antécédents du fait de la recrudescence des cas d’insolvabilité internationale des entreprises (principales actrices du commerce international) impliquant par la même occasion plusieurs systèmes juridiques. Au regard de ces éléments, la doctrine a estimé que « pour des motifs de prévisibilité et de sécurité juridique, il est souhaitable d’avoir des règles précises de droit international privé et de ne pas s’en remettre à une justice de cas en cas ».

5. Dès lors, l’urgence de l’établissement des normes juridiques adaptées et susceptibles de satisfaire les besoins des acteurs économiques sur le plan international ne pouvait plus être occultée. Par la même occasion la doctrine a noté la rupture des pratiques qu’elle a qualifiée de « barbares ». C’est fans cette logique que sera élaboré l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d’Apurement du Passif (AUPCAP) revisité en 2015 en qualité de droit matériel des procédures collectives des Etats membres. Ce texte s’est fortement inspiré de trois instruments notamment la loi-type CNUDCI sur l’insolvabilité internationale du 30 mai 1997 qui traite des questions y relatives, et deux autres qui traitent de la même problématique à échelle réduite. Néanmoins, il faut remarquer que la diversité des législations appliquées ainsi que leurs techniques peuvent selon les cas avoir ou non une grande tolérance vis-à-vis des procédures ouvertes à l’étranger d’une part, et des difficultés inhérentes au droit des procédures collectives lui-même d’autre part.

Autrement dit, les Etats règlent le conflit de juridiction, le conflit de lois ainsi que la reconnaissance et l’exécution des procédures ou jugements étrangers d’insolvabilité de manière distincte.

Ainsi, les procédures collectives internationales exigent la présence d’un élément d’extranéité soit que le débiteur défaillant possède des actifs localisés dans plusieurs fors soit que celui-ci soit titulaire de droits ou tenu par des obligations vis-à-vis des partenaires établis à l’étranger. On peut comprendre que la manifestation de l’internationalité d’une procédure collective réside dans la dispersion de l’assiette du débiteur au-delà des frontières d’un pays.

6. Dès lors, aborder une réflexion sur les procédures collectives internationales dans l’espace OHADA pose le problème de l’existence d’un droit international privé commun. Autrement dit, le travail de codification du droit des procédures collectives international entrepris depuis près de trois décennies par le législateur OHADA permet-il de prétendre à l’existence d’un droit international privé des procédures collectives, commun aux Etats membres ? Si oui, quelles en sont les déclinaisons ? A la suite de cette interrogation, on ne saurait répondre par l’affirmative ou par la négative de façon péremptoire avant d’avoir effectué une analyse profonde et détaillée. En revanche, il faut observer un réel intérêt de notre étude. En effet, dès la première entrée en vigueur de l’AUPCAP, la doctrine qui a salué l’innovation a en même temps attirer l’attention du législateur sur le « caractère sibyllin des quelques dispositions qui lui étaient consacrée ». Avec la révision de l’AU, il sera question d’apprécier son accessibilité et surtout, le travail de systématisation des règles de procédures collectives internationales tant en ce qui concerne les conflits de lois, de juridiction ou encore leur exécution extraterritoriale. Ce faisant, l’attitude du législateur africain témoigne d’une extrême prudence, du réalisme et de l’ouverture par rapport aux progrès et transformations que subissent les sociétés.

7. Dans cette perspective, le recours à la méthode comparative s’avère nécessaire pour l’examen des différents textes en vigueur dans le but de dégager les principaux mécanismes et tendances qui sous-tendent notre thématique y compris les différences et divergences qui en découlent. Ainsi, à l’analyse, on constatera que si on assiste à une communauté relative des règles d’ouverture d’une procédure collective internationale dans l’espace OHADA (I), lorsqu’il s’agit des règles relatives à la circulation des procédures collectives internationales la communauté est certaine (II).

Vous pourrez lire l’intégralité de l’article dans le document pdf ci-après :

Nyangon Winnie, Universitaire Chercheure Docteure Ph.D en Droit Privé et Sciences Criminelles spécialisée en Droit du commerce international - diplômée de l'Université de Ngaoundere Cameroun [->winsgeny@gmail.com]