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Corruption : définition du délit et peines encourues. Par Avi Bitton, Avocat et Morgane Cadoret, Juriste.
Parution : lundi 22 mai 2023
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Quelle est la définition du délit pénal de corruption ?
Quels sont les types de corruption ?
Quels sont les éléments constitutifs ?
Quelles sont les peines encourues ?

1. Les différents types de corruption.

La corruption est l’offre ou l’acception de dons ou promesses en échange d’un acte de fonction. Néanmoins, la complexité du délit de corruption tient de la pluralité de formes que peut revêtir ce comportement.

Classiquement, on distingue la corruption active et la corruption passive, ainsi que la corruption publique et la corruption privée.

1.1. Corruption active et corruption passive.

La différence entre corruption active et corruption passive tient dans le rôle que prend l’auteur de la corruption.

En effet, est coupable du délit de corruption active la personne qui propose sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, dons, des présents ou des avantages quelconques.

Le sens actif de la corruption vient de la personne qui propose un avantage indu.

Ce type de corruption est incriminé aux articles 433-1 et 445-1 du Code pénal.

Par ailleurs, est coupable du délit de corruption passive la personne qui sollicite ou agrée sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui.

Le sens passif de la corruption vient de la personne qui propose ou accepte l’exercice de sa fonction en contrepartie d’un avantage indu.

Ce type de corruption est incriminé aux articles 432-11 et 445-2 du Code pénal.

1.2. Corruption publique et corruption privée.

La différence entre corruption publique et corruption privée tient à la qualité de l’agent.

En effet, la corruption est qualifiée de publique lorsqu’une personne propose un avantage indu à un agent public en contrepartie d’un acte de fonction. Il en va de même lorsque l’agent public est celui qui sollicite l’offre d’un avantage indu en contrepartie de l’exercice d’un acte de sa fonction.

Est agent public toute personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public.

Par exemple, il y a corruption publique lorsqu’un maire accepte de confier un marché public de sa commune à une entreprise privée en échange du versement d’une commission occulte par cette entreprise.

Ce type de corruption est incriminé aux article 432-11 et 433-1 du Code pénal.

A l’inverse, la corruption privée concerne le fait pour quiconque de proposer un avantage indu à une personne qui exerce, dans le cadre d’une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction, un acte de son activité.

Par exemple, il y a corruption privée lorsqu’un directeur informatique accepte de confier un marché de son entreprise privée à un prestataire externe, en échange du versement d’un commission occulte par ce prestataire au directeur informatique.

Dans ce cas, il ne s’agit pas d’un agent public.

Ce type de corruption est incriminé aux articles 445-1 et 445-2 du Code pénal.

Par conséquent, le délit de corruption revêt plusieurs qualifications. Néanmoins, les éléments constitutifs du délit restent les mêmes.

2. Les éléments constitutifs du délit de corruption.

Le délit de corruption repose sur un pacte de corruption, qui se décline en trois critères :

2.1. Un avantage indu.

Qu’il soit question de corruption active ou passive, le pacte de corruption repose toujours sur l’offre d’un avantage indu.
Cet avantage indu peut être des dons, des promesses, des offres, des présents ou des avantages. La remise d’une somme d’argent est la forme la plus courante d’avantage indu mais il peut également s’agir de l’octroi d’un prêt [1].

2.2. Un acte de sa fonction ou de son activité.

L’acte de fonction ou d’activité est entendu largement. Il s’agit d’obtenir de l’agent qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction. En terme de corruption privé, il en va de même. L’agent privé doit accomplir ou s’abstenir d’accomplir un acte de son activité.

A titre d’exemple, sera vu comme un acte de fonction la fourniture de renseignement en vue d’obtenir l’attribution de chantiers [2].

2.3. L’initiation du pacte de corruption

Enfin, en cas de corruption active, l’auteur de la corruption, de qualité quelconque, propose un avantage indu à un agent ciblé (public ou privé) en contrepartie d’un acte de sa fonction et de son activité.

En cas de corruption passive, l’auteur peut, en sa qualité d’agent public ou privé, solliciter ou agréer l’offre d’un avantage indu en contrepartie d’un acte de sa fonction ou de son activité.

En dehors de cette exigence de contrepartie, le délit de corruption n’exige pas la réalisation du pacte. En effet, les termes « proposer » ou « solliciter ne sous-entendent pas l’acceptation du pacte. La seule proposition de celui-ci constitue le délit de corruption [3].

De plus, il importe peu que la proposition ou la sollicitation des dons ait lieu avant ou après l’acte demandé. En effet, l’exigence d’antériorité du pacte a été abandonnée par le législateur en 2000, en ajoutant le terme « à tout moment » [4].

Le délit de corruption est un délit intentionnel. Ainsi, l’auteur doit avoir la conscience et la volonté infractionnelles. Ainsi, en cas de corruption active, l’auteur doit avoir conscience qu’il corrompt ou tente de corrompre un agent public ou privé. En cas de corruption passive, l’agent public ou privé doit avoir conscience qu’il accepte d’être corrompu ou qu’il sollicite un acte corruptible.

3. Les peines des différents délits de corruption.

3.1. Peines principales.

La corruption d’agent privé est punie d’une peine d’emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

La corruption d’agent public est punie de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

La peine d’amende est portée à 2 000 000 € ou, s’il excède ce montant, au double du produit de l’infraction, lorsque les infractions prévues au présent article sont commises en bande organisée.

Enfin, plusieurs textes consacrent des incriminations spéciales de corruption. A titre d’exemple, l’article 434-9 du Code pénal consacre les corruptions active et passive des fonctionnaires de la justice : un magistrat, un juré ou toute autre personne siégeant dans une formation juridictionnelle ou encore un fonctionnaire au greffe d’une juridiction.

Cette corruption spéciale est punie de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

3.2. Peines complémentaires.

Des peines complémentaires sont prévues aux articles 433-22, 433-23 et 445-3 du Code pénal. Ces peines sont les suivantes :

Cette interdiction peut porter sur le droit de vote, sur l’éligibilité ; sur le droit d’exercer une fonction juridictionnelle ou d’être expert devant une juridiction, de représenter ou d’assister une partie devant la justice ou encore sur le droit de témoigner en justice autrement que pour y faire de simples déclarations (article 131-26 Code pénal)

Cette interdiction est soit définitive, soit temporaire. Dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de 5 ans (article 131-27 Code pénal).

Cette peine complémentaire est prévue pour les infractions prévues par les articles 433-1, 433-2 et 433-4. Cette interdiction est soit définitive, soit temporaire. Dans ce dernier cas, elle ne peut excéder une durée de 15 ans (article 131-27 Code pénal).

Ces interdictions d’exercice peuvent être prononcées cumulativement.

La juridiction peut ordonner l’affichage ou la diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision, ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci. Elle détermine, le cas échéant, les extraits de la décision et les termes du communiqué qui devront être affichés ou diffusés. L’affichage ou la diffusion de la décision ou du communiqué ne peut comporter l’identité de la victime qu’avec son accord ou celui de son représentant légal ou de ses ayants droit (Article 131-35 Code pénal)

3.3. La tentative de corruption

Enfin, la tentative du délit de corruption est punissable des mêmes peines.

Ainsi, l’entreprise ou le particulier qui tente de corrompre un fonctionnaire ou le salarié d’une entreprise se rend coupable du délit, même si le fonctionnaire ou salarié a refusé la proposition de corruption.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris, et Morgane Cadoret, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Cass.crim, 8 octobre 2003, bull crim 2003 n°185

[2Cass.crim., 26 janv. 2011, n°10-80.155

[3Cass.crim., 16 octobre 1985

[4Loi n° 2000-595 du 30 juin 2000 modifiant le code pénal et le code de procédure pénale relative à la lutte contre la corruption