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Qu’est-ce que le déferrement en droit pénal français ? Par Ali Chellat, Avocat.
Parution : mardi 12 septembre 2023
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Le déferrement est une modalité des poursuites à l’issue d’une garde à vue. Il est une mesure de contrainte qui intervient à la demande du Procureur de la République ou du Juge [1]. Le déferrement doit avoir lieu le même jour que la fin de la garde à vue [2]. A la fin de la garde à vue, le gardé à vue est conduit devant le Procureur de la République ou le Juge d’Instruction.

Avant d’analyser dans un second temps la procédure du déferrement (II), il convient examiner, dans un premier temps son fondement juridique (I).

I. Le fondement du déferrement.

L’article 803-2 du Code de Procédure Pénale dispose que :

« Toute personne ayant fait l’objet d’un déferrement à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du procureur de la République ou du juge de l’application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d’instruction à l’issue d’une garde à vue au cours d’une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt ».

L’article 803-2 du Code de Procédure Pénale dispose que :

« Toute personne ayant fait l’objet d’un déferrement à l’issue de sa garde à vue ou de sa retenue à la demande du Procureur de la République ou du juge de l’application des peines comparaît le jour même devant ce magistrat ou, en cas d’ouverture d’une information, devant le juge d’instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d’instruction à l’issue d’une garde à vue au cours d’une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d’un mandat d’amener ou d’arrêt ».

Conformément aux articles 393 à 395 du Code de Procédure Pénale :

« En matière correctionnelle, lorsqu’il envisage de poursuivre une personne en application des articles 394, 395 et 397-1-1, le procureur de la République ordonne qu’elle soit déférée devant lui ».

Lors de son placement en garde a vue, le gardé à vue est informé de son droit d’être assistée par un interprète, constaté son identité et lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique. Il est également informé qu’il a le droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. L’avocat choisi ou, dans le cas d’une demande de commission d’office, le Bâtonnier de l’ordre des avocats en est avisé sans délai.

A la fin d’une garde à vue, deux possibilités sont envisageables :

Lorsque le gardé à vue est déféré. Le déferrement doit avoir lieu le même jour que la fin de la garde à vue [3]. A la fin de la garde à vue, le gardé à vue est conduit devant le Procureur de la République ou le Juge d’Instruction.

L’avocat ou la personne déférée lorsqu’elle n’est pas assistée par un avocat peut consulter sur-le-champ le dossier. L’avocat peut communiquer librement avec le prévenu.

Après avoir, le cas échéant, entendu les observations de la personne ou procédé à son interrogatoire, le Procureur de la République entend, s’il y a lieu, les observations de l’avocat, portant notamment sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

La personne déférée a le droit de garder le silence.

Au regard de ces éléments, le Procureur de la République soit procède comme il est indiqué aux articles 394 à 396 et à l’article 397-1-1, soit requiert l’ouverture d’une information, soit ordonne la poursuite de l’enquête, soit prend toute autre décision sur l’action publique en application de l’article 40-1.

S’il ordonne la poursuite de l’enquête et que la personne est à nouveau entendue, elle a le droit d’être assistée, lors de son audition, par son avocat, en application de l’article 63-4-3.

Si le Procureur de la République procède conformément aux dispositions des articles 394 à 397-1-1, il peut décider de fixer à la même audience, afin qu’elles puissent être jointes à la procédure ou examinées ensemble, de précédentes poursuites dont la personne a fait l’objet pour d’autres délits, à la suite d’une convocation par procès-verbal, par officier de police judiciaire ou en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, d’une citation directe, d’une ordonnance pénale ou d’une ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Hors le cas de la comparution immédiate, cette décision doit intervenir au moins dix jours avant la date de l’audience.

Le personne déférée et son avocat en sont informés sans délai.

Ces formalités sont mentionnées au procès-verbal à peine de nullité de la procédure.

II. ​La procédure du déferrement.

Le Procureur de la République avertit alors la personne de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

La personne déférée peut l’être devant le Procureur de la République ou devant le juge d’Instruction, lorsqu’une instruction est ouverte ou à l’issue d’une garde à vue en cas de commission rogatoire.

La comparution doit être faite le jour même devant le Magistrat suite à la fin de la mesure de garde à vue.

Si ce délai ne peut être respecté, la personne déférée doit comparaître devant un Magistrat dans un délai de 24 h suivant la fin de la garde à vue.

En attendant cette comparution, elle est placée au dépôt. Il convient de souligner que ces délais ne sont pas applicables aux gardes à vue ayant duré plus de 72h.

Si ces délais ne sont pas respectés, la personne déférée doit être immédiatement remise en liberté.

A) Le déroulement de la procédure devant le Procureur de la République.

Le Procureur de la République procède à l’interrogatoire de la personne déférée et entend ses observations, puis celles de son avocat.

Il va porter à sa connaissance les faits qui lui sont reprochés ainsi que les droits dont elle dispose et notamment, faire des déclarations, répondre aux questions ou de se taire, d’être assisté d’un avocat et d’un interprète.

A la fin de de l’entretien, le Procureur de la République peut :

L’absence de mention du respect de ces règles sur le procès-verbal doit entraîner la nullité de ce dernier.

Dans ce sens, la Cour de cassation, dans un arrêt en date 9 mars 2022, a décidé que :

« Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme et 393 du Code de procédure pénale :
Selon le premier de ces textes, toute personne poursuivie a le droit de disposer du temps et des facultés nécessaires à la préparation de sa défense.
Il résulte du second que, lorsque une personne est déférée devant le procureur de la République, en vue de sa comparution devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de la comparution immédiate ou de la comparution différée, son avocat, ou la personne déférée elle-même, lorsqu’elle n’est pas assistée par un avocat, peut consulter sur le champ le dossier.
Pour répondre à l’exception de nullité de la comparution immédiate, soulevée par le prévenu au motif que, lors de son déferrement, son avocat n’avait pu consulter de manière effective le dossier de la procédure, qui lui avait été remis sous la forme d’un CD-ROM, sans mise à disposition d’un matériel permettant de le consulter, la cour d’appel énonce qu’aucune disposition légale ne prévoit la mise à disposition, par l’autorité judiciaire, d’un tel matériel au conseil du prévenu, lors d’un déferrement en vue d’une comparution immédiate.
En prononçant ainsi, alors que la libre consultation du dossier de la procédure implique la mise à disposition, de la personne déférée et de son avocat, du matériel nécessaire à sa lecture effective, la cour d’appel a violé les textes susvisés
 » [4].

Dans un autre arrêt en date 18 octobre 2022, la Cour de cassation, a considéré que :

« Méconnaît les dispositions de l’article 393 du Code de procédure pénale, la cour d’appel qui se réfère à la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-125 QPC, du 6 mai 2011, pour énoncer que le procureur de la République ne peut, lors du déferrement d’une personne en application des articles 394, 395 et 397-1-1 du Code de procédure pénale, ni interroger la personne ni consigner ses déclarations hors la présence de son avocat sauf à méconnaître les droits de la défense. Le seul fait que l’avocat, régulièrement avisé, ne soit pas présent lorsque sont recueillis les déclarations de l’intéressé au cours dudit déferrement, n’entraîne pas la nullité du procès-verbal de comparution, mais a pour seule conséquence de rendre impossible la condamnation de la personne poursuivie sur le seul fondement de ces déclarations ainsi recueillies » [5].

Elle a décidé que :

« ... Au visa de l’article 393 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel.
Elle en infère le principe selon lequel le procureur a la faculté de recueillir les observations ou procéder à l’interrogatoire de la personne qu’il envisage de poursuivre en application des articles 394 du Code de procédure pénale, dès lors qu’il a avisé l’intéressé de son droit de garder le silence et de son droit d’être assistée d’un avocat.
Ainsi, selon la Chambre criminelle, la cour d’appel, en retenant la nullité du procès-verbal litigieux a méconnu le texte et le principe susvisé
 » [6].

Il convient de souligner que la personne déférée peut être placée sous contrôle judiciaire ou être assignée à résidence avec surveillance électronique. A titre exceptionnel, elle peut être placée en détention provisoire par le Juge des Libertés et de la Détention [7].

Le Procureur de République peut à l’issue de la garde à vue décider d’ouvrir une information judiciaire. Dans ce cas le Juge d’Instruction est saisi de la procédure.

B) Le déroulement de la procédure devant le Juge d’Instruction.

Le Juge d’Instruction procède à un interrogatoire de première comparution afin de décider du sort de la personne déférée.

Il fait connaître expressément à la personne déférée, en précisant leur qualification juridique, chacun des faits dont il est saisi et pour lesquels la mise en examen est envisagée. La personne doit être assistée d’un avocat [8]. Elle a le droit d’être assistée par un interprète. Il a le droit connaître les faits qui lui sont reprochés et leur qualification. 

Elle a le droit de garder le silence.

A la fin de l’interrogatoire, le Juge d’Instruction peut décider :

Le Juge d’Instruction a le droit de prescrire l’interdiction de communiquer pour une période de dix jours.

Il peut la renouveler, mais pour une nouvelle période de dix jours seulement.

En aucun cas l’interdiction de communiquer ne s’applique au conseil de l’inculpé.

La personne mise en examen peut être placée sous contrôle judiciaire ou être assignée à résidence avec surveillance électronique. A titre exceptionnel, elle peut être placée en détention provisoire par le Juge des Libertés et de la Détention [10].

C) ​Le rôle de l’avocat.

L’article 393 du Code de Procédure Pénale dispose que :

« En matière correctionnelle, après avoir constaté l’identité de la personne qui lui est déférée, lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés et avoir recueilli ses déclarations si elle en fait la demande, le procureur de la République peut, s’il estime qu’une information n’est pas nécessaire, procéder comme il est dit aux articles 394 à 396.
Le procureur de la République informe alors la personne déférée devant lui qu’elle a le droit à l’assistance d’un avocat de son choix ou commis d’office. L’avocat choisi ou, dans le cas d’une demande de commission d’office, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, en est avisé sans délai.
L’avocat peut consulter sur-le-champ le dossier et communiquer librement avec le prévenu.
Mention de ces formalités est faite au procès-verbal à peine de nullité de la procédure
 ».

L’avocat peut assister et conseiller son client tout au long de la procédure et dès son placement en garde à vue.

Il peut l’assister après le déferrement si son client est mis en examen par le Juge d’Instruction, jugé en comparution immédiate ou par le tribunal correctionnel.

Il peut s’entretenir avec son client lorsque ce dernier est déféré devant le Procureur, étudier le dossier de procédure, faire des observations qui peuvent avoir d’importantes conséquences sur la suite de la procédure, sur les éventuelles irrégularités de procédure, la qualification de l’infraction et sur le mode de poursuites.

Ali Chellat, Avocat Avocat à la Cour Barreau de Rennes Docteur en droit

[1Article 393 à 395 du Code de Procédure Pénale.

[2Article 803-2 du Code de Procédure Pénale.

[3Article 803-2 du Code de Procédure Pénale.

[4Cour de cassation, Chambre criminelle, 9 mars 2022, Pourvoi n° 21-82.580.

[5Cass. crim., 18 octobre 2022, n° 22-81.934.

[6Cass. crim., 18 octobre 2022, n° 22-81.934.

[7Art 137 et suivants du Code de procédure pénale.

[8Article 116 du Code de procédure pénale.

[9Article 116 du Code de Procédure Pénale.

[10Art 137 et suivants du Code de procédure pénale.