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La médiation : une alternative au tout juridique pour résoudre les situations de discrimination au travail. Par Matthieu Poirot.
Parution : mercredi 13 septembre 2023
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La discrimination est un énorme souci, à la fois humain, mais également pour la performance des organisations.
C’est également un risque juridique et d’image majeur pour une organisation. Afin de répondre à cette problématique, le développement des modes alternatifs de règlements des conflits ( Alternative Dispute Resolution ou ADR en Anglais) est un impératif pour les entreprises. Cette méthode pourrait fortement se développer parallèlement à l’augmentation du nombre de lois anti-discriminatoires.

Alors que partout dans les pays développés, sont adoptées des lois sur la discrimination au travail. Les employeurs inquiets de l’impact de la discorde sur le lieu de travail et du risque de litiges coûteux désirent faire en sorte de "ne pas avoir ce type de souci".

Les programmes d’ADR sur le lieu de travail se sont également développés en raison des changements spectaculaires survenus dans la structure de nombreuses organisations. Plutôt que des hiérarchies descendantes de commandement et de contrôle, de nombreuses entreprises s’appuient désormais sur le travail en équipe, avec une prise de décision plus dispersée et discrétionnaire. Ce phénomène est renforcé par la travail hybride.

Les pays développés manquent de bras et l’on estime que l’immigration concerne maintenant 18% de la population. Une véritable mutation sociale ouvrant à plus de diversité. Les droits LGBT + sont également en plein développement. Pour attirer et retenir des employés qualifiés, de nombreux employeurs ont besoin de développer des systèmes de gestion des conflits qui donnent aux employés un plus grand sentiment d’autonomisation, de voix et d’autodétermination dans la résolution des problèmes sur le lieu de travail.

L’un des soucis de la discrimination est que cela consiste dans l’activation dans les comportements de "biais cognitifs" inconscients ou dans la mise en place de phénomènes collectifs d’exclusion sociale, visant à résoudre d’autres dettes psychologiques. Ce phénomène est donc basé sur de l’inconscient collectif et individuel : la véritable prévention nécessite de faire évoluer les mentalités et dynamiques relationnelles.

La réponse la plus commune dans les organisations consiste bien souvent à nier le problème et faire comme si cela n’existait pas, avec toutes les conséquences catastrophiques que cela peut avoir. L’organisation a peur de soulever le tapis et ne sait pas exactement comment agir.

L’autre réponse est de faire du "tout légal" avec des enquêtes internes très juridiques et visant à n’avoir aucun souci ou punir le "coupable", comme un fruit pourri de l’entreprise. Il n’y a dans cette approche aucune nuance et apprentissage organisationnel sur le contexte ayant pu conduire à des dysfonctionnements relationnels ou organisationnels.

Notre expérience montre que :

1) ce type d’approche ne permet pas de traiter les causes profondes de la situation.

2) une approche "zéro tolérance" peut potentiellement augmenter une réaction négative concernant les groupes discriminés.

3) cela va entrainer des stratégies de déviance pour cacher la vérité.

4) faire perdre la crédibilité à l’entreprise lorsque l’entreprise a un cas.

5) cela va attirer l’attention sur la forme et non sur le fond de ce problème.

En fait, une approche uniquement juridique a plutôt tendance à bloquer le changement culturel dont a besoin l’entreprise. On reste à la surface dans un changement cosmétique et l’on réifie les situations.

Un modèle de médiation contextuelle, parce que centrée sur la reconnaissance des dettes psychologiques, leur réparation et la clôture psychologique de la situation ainsi que les changements cognitivo-comportementaux, va augmenter au fur et à mesure l’apprentissage de l’entreprise et la pacification des relations au travail.

Les étapes de la médiation contextuelle intégrative :

1) des entretiens avec les protagonistes, les "observateurs" et les acteurs de la régulation afin de modéliser le système relationnel s’étant mis en place, ses origines et ses effets ; sa fonction dans le contexte organisationnel, et enfin les responsabilités et vécus de chacun.

2) un travail d’analyse avec les décideurs, les élus et les différents acteurs de la santé

3) un travail de co-analyse avec les protagonistes de la situation.

4) la mise en place d’un processus de réhabilitation de la dignité en 3 étapes :

Ce type de méthode est très intéressante pour 90% des situations car elle permet :

Bien entendu, le risque juridique est présent et les entreprises doivent pouvoir aussi le maitriser autant que possible. Par expérience le fait d’avoir un bon avocat est indispensable ! Cela peut tout changer sur une dossier quand l’avocat n’est pas à la hauteur sur ses conseils.

Le travail de médiation peut être complémentaire, en amont du travail d’enquête interne. Les professions juridiques se forment de plus en plus à cette pratique. Beaucoup d’avocats en deuxième période de vie professionnelle souhaitent faire de la médiation et/ou du coaching. Il y a sans doute une complémentarité très intéressante pour les psychologues d’entreprise et les avocats dans ce travail autours de la discrimination, ainsi que sur d’autres sujets d’enquêtes internes.

Matthieu Poirot, Dirigeant et fondateur du cabinet Midori Consulting