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Les minorités religieuses en Tunisie : une consécration juridique dénuée de toute substance. Par Amir Ammar, Doctorant.
Parution : mardi 17 octobre 2023
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Après la révolution de 14 janvier 2011, la Tunisie a façonné l’embryon d’une démocratie et pris un certain nombre de mesures positives pour promouvoir les droits de l’Homme dans le pays, y compris la rédaction de la Constitution progressiste de 2014. Cela a été suivi par un certain nombre d’autres modifications législatives qui ont profité aux minorités, notamment l’adoption en octobre 2018 d’une loi criminalisant la discrimination raciale. Malgré ces développements encourageants, de nombreuses communautés religieuses continuent de faire face à l’héritage d’années de discrimination.

Si le droit à la liberté de religion est garanti dans la Constitution, dans la pratique, les seules minorités actuellement reconnues sont les communautés chrétienne et juive.

D’autres groupes qui ne sont pas reconnus, tels que les bahá’ís, qui sont confrontés à des restrictions majeures quant à leur capacité de prier librement.

La législation prérévolutionnaire utilise encore l’apostasie pour pénaliser les Tunisiens qui ont choisi de se convertir au christianisme ou de s’identifier comme athée.

Les réalisations de la Tunisie depuis la révolution ont été motivée par une reconnaissance croissante des minorités, des femmes et d’autres groupes, ainsi que par la volonté de fournir un espace permettant à ces voix marginalisées d’exprimer librement leurs revendications. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour réaliser la pleine égalité pour tous et achever la transition remarquable du pays vers une démocratie dynamique et inclusive. Cela comprend non seulement l’abrogation de la législation discriminatoire d’avant 2011 et la mise en œuvre de ses engagements en droit international, mais aussi l’engagement et l’éducation à tous les niveaux de la société tunisienne, y compris la police, la justice, les responsables religieux et le grand public.

En termes de religion, alors que de nombreuses sources citent des chiffres suggérant qu’entre 98 et 99% des Tunisiens sont musulmans sunnites [1]. L’absence de données ventilées et le manque de reconnaissance des religions autres que l’islam sunnite, tels le christianisme et le judaïsme rendent cela difficile à confirmer. En plus des chrétiens et des juifs, cependant, il existe également de petites communautés de musulmans bahá’ís non sunnites tels que les Ibād․īs, les chiites et les soufis, ainsi qu’un nombre inconnu d’athées. Si, à proprement parler, les textes juridiques se réfèrent simplement à « l’islam » sans préciser quelle école (par exemple, l’article 1 de la Constitution), cela se réfère implicitement et spécifiquement à l’islam sunnite, et en particulier à l’école des maïlikis.

L’islam chiite reste largement ostracisé et, pour cette raison, peu d’informations sur la communauté.

L’image est encore compliquée par la réticence de certaines communautés religieuses à être identifiées comme des minorités par crainte que cela puisse compromettre leurs revendications d’égalité de citoyenneté.

Ceci est enraciné dans le système historique des dhimmī, introduit pour la première fois après la conquête musulmane au septième siècle pour fournir une mesure de protection à ahl al-kitab (littéralement, « les gens du livre » : juifs et chrétiens). Le statut de Dhimmī, tout en garantissant l’existence continue au sein des sociétés musulmanes de christianisme et de judaïsme, a néanmoins établi un statut séparé et finalement inférieur pour ces groupes. Les communautés dhimmis, bien qu’exonérées de certaines responsabilités appliquées aux musulmans, étaient également tenues de payer un impôt spécial (connu sous le nom de jizya) et n’avaient souvent pas les mêmes droits politiques [2]. Une autre raison de la résistance de certains au concept de minorité est l’héritage. En fait, les minorités étaient dans certains cas privilégiées par les autorités coloniales. Une situation qui a parfois suscité un sentiment de méfiance parmi la population majoritaire. Cela explique la crainte de certains qu’un cadre de protection des minorités puisse effectivement réintroduire un système de citoyenneté parallèle et inégale.

Le contexte actuel est marqué par une crise politique majeure. Les élections législatives de 2019 ont créé un paysage politique fragmenté, empêchant la formation d’un gouvernement stable. Les tensions se sont exacerbées entre le président Kaïs Saïed et l’Assemblée des représentants du peuple, culminant avec la dissolution de l’Assemblée en juillet 2021, suscitant des accusations de coup d’État.

Le débat sur la nouvelle Constitution, présentée en juin 2022, a ajouté une dimension complexe à la crise [3]. Le juriste Sadok Belaïd, chargé de la rédaction de ce texte, a désavoué son propre projet de Constitution, accusant le président d’y avoir apporté des modifications dangereuses. Parmi les points de discorde figure la relation entre l’État et la religion, un sujet historiquement clivant en Tunisie. La mention de la religion dans la Constitution a toujours été un sujet sensible depuis la première Constitution de 1959.

L’article premier de cette Constitution proclamait que la Tunisie était un État musulman sans préciser clairement le rôle de l’islam dans la vie publique. Cette ambiguïté a persisté dans la Constitution de 2014, où un compromis a été trouvé entre les forces séculières et les forces islamistes. Le Constitution actuelle de 2022 a suscité des controverses en supprimant l’article 1.

Cependant, l’article 5 mentionne toujours la Tunisie comme faisant partie de l’Oumma islamique et charge l’État de la protection de la religion. Cette formulation ambivalente soulève des inquiétudes quant à la neutralité de l’État et à l’égalité des citoyens. Les risques potentiels pour les libertés démocratiques sont préoccupants.

Les détracteurs du projet estiment qu’il pourrait être utilisé pour restreindre l’égalité des genres, les libertés individuelles et les droits des minorités religieuses et non religieuses.

Face à ces enjeux, la société civile tunisienne se mobilise, craignant que la nouvelle Constitution ne compromette les droits et les libertés chèrement acquis. Le chemin vers une Tunisie démocratique, inclusive et respectueuse des droits de toutes ses citoyennes et de tous ses citoyens reste un défi de taille.

Juifs tunisiens.

La situation juridique complexe des Juifs en Tunisie reflète l’intersection de siècles d’histoire et de coexistence, avec les défis contemporains auxquels cette communauté est confrontée [4]. Historiquement, la Tunisie a abrité une population juive florissante, mais elle a également été marquée par des périodes de discrimination, y compris sous le régime de Vichy, qui a promulgué des lois discriminatoires contre les Juifs tunisiens [5].

Cette législation, bien que soumise à l’approbation du bey, a contribué à alimenter un sentiment antisémite et des attaques occasionnelles contre la communauté. La période la plus sombre fut celle de 1942 à 1943, lorsque la Tunisie était sous occupation italo-allemande, contraignant la population juive à des travaux forcés.

Malgré les évolutions constitutionnelles de la Tunisie depuis son indépendance, les droits des Juifs tunisiens demeurent entachés de discriminations.

Selon l’ancienne constitution tunisienne de 2014, les Juifs tunisiens, ainsi que les autres citoyens non musulmans, ne sont plus autorisés à devenir président de la République : selon l’article 74 « La candidature à la présidence de la République est un droit pour toute électrice ou tout électeur de nationalité tunisienne par la naissance et de confession musulmane » [6]. Au moment de la rédaction de la nouvelle Constitution, en 2012-13, aucun des membres de l’Assemblée constitutionnelle impliqués dans ce processus n’était juif : un membre de la communauté s’était présenté pour inclusion mais n’a pas été élu.

Plus récemment, un candidat juif s’est présenté aux élections municipales de mai 2018 à Monastir avec le parti musulman en-Nahda [7].

En novembre 2018, le Premier ministre Youssef Chahad a nommé l’homme d’affaires juif René Trabelsi au poste de ministre du Tourisme. Un moment important pour les juifs tunisiens, puisque seuls deux anciens membres de la communauté ont été nommés à des postes ministériels depuis l’indépendance [8].

Qui est de plus, l’article 88 de la Constitution actuelle, par exemple, stipule que le Président de la République doit être de confession musulmane, excluant ainsi les citoyens non musulmans, y compris les Juifs, de la plus haute magistrature de l’État. Cette disposition reflète une ambivalence persistante dans le traitement des minorités religieuses en Tunisie.

La question de la sécurité est également préoccupante. Bien que des mesures de sécurité renforcées aient été mises en place pour protéger les sites juifs, comme la synagogue de la Ghriba à Djerba, les attaques récentes rappellent que la menace persiste. L’attentat de 2023 contre la Ghriba a révélé les vulnérabilités du dispositif de sécurité, malgré les efforts déployés pour protéger les pèlerins. En somme, la situation juridique des Juifs en Tunisie est marquée par un héritage complexe et des enjeux actuels importants. Si des progrès ont été accomplis dans la reconnaissance de l’importance historique de cette communauté, des questions cruciales liées à la sécurité et aux droits continuent de peser sur son avenir en Tunisie. La gestion de cette équation complexe demeure un défi pour assurer une coexistence pacifique dans le pays.

Chrétiens de Tunisie.

Peu d’informations sont disponibles sur la population chrétienne tunisienne. En 1856, il y avait environ 12 000 chrétiens européens à Tunis. Comme la plupart d’entre eux étaient européens, ils étaient associés plus étroitement dans l’esprit de la population générale au colonialisme que d’autres minorités telles que la communauté juive. De nos jours, cette minorité religieuse est composée principalement de quatre communautés : les chrétiens tunisiens issus de migrants européens et les chrétiens européens résidents permanents en Tunisie, les migrants chrétiens subsahariens et les Tunisiens autrefois musulmans qui se sont convertis au christianisme.

Les estimations des ONG suggèrent que la communauté totale ne dépasse pas 5 000 chrétiens avec une grande majorité près de 90% composée de catholiques [9].

En 2007, le gouvernement tunisien, dans sa soumission au CERD, a déclaré qu’il n’y avait qu’environ 2 000 chrétiens en Tunisie [10].

Certaines organisations de la société civile, telles que l’Association tunisienne de soutien des minorités, signalent qu’il y a aujourd’hui un nombre croissant de Tunisiens autrefois musulmans qui se sont convertis au christianisme. Bien que la conversion ne soit pas criminalisée par la loi tunisienne, les tabous sociaux sont si répandus que ces groupes préfèrent généralement rester cachés [11]. Beaucoup font face à l’ostracisation et même à la violence de leur propre famille en raison de la stigmatisation entourant la conversion.

Les convertis peuvent également être harcelés par les forces de sécurité et les responsables. En novembre 2016, neuf jeunes chrétiens convertis ont été arrêtés à Gafsa par les forces antiterroristes et menacés s’ils ne renonçaient pas à leur foi. Les agents de sécurité ont affirmé avoir été ciblés non pas en raison de leur religion, mais en raison d’un comportement suspect [12].

La religion des migrants en Tunisie est devenue un enjeu de récupération politique, avec le président Saied accusant les flux de migration de menacer l’identité musulmane du pays.

Les migrants chrétiens, principalement d’origine congolaise, louent des salles pour leurs cultes dominicaux. Malheureusement, ils pratiquent leur religion dans la crainte et la discrétion, car ils ne bénéficient d’aucune garantie de sécurité de la part des propriétaires des salles. En février dernier, le Parti nationaliste tunisien a lancé une campagne hostile aux migrants, d’avoir l’intention de façonner une menace pour l’identité de la Tunisie et appelant à la fermeture des églises des migrants [13].

Le président Saied a embrassé cette rhétorique nommée « anti-migrant », les accusant de vouloir coloniser le pays et de détruire son identité arabo-musulmane. Cette rhétorique virulente a été suivie d’actes de violence contre les migrants, les forçant à rester discrets.

Depuis la crise déclenchée par Saied, de nombreux migrants craignent pour leur sécurité.

Plusieurs églises évangéliques ont fermé ou déménagé, et certains croyants ont cessé de se rassembler pour prier pour préserver leur sécurité.

Les migrants ont donc dû louer des salles de prière par leurs propres moyens, ce qui a entraîné une diversité de cultes protestants en Tunisie. Cependant, l’État tunisien n’encadre pas la pratique religieuse des protestants, ce qui contraste avec le « Modus vivendi » signé avec l’Église catholique en 1964. En l’absence d’une réponse institutionnelle, les fidèles protestants bricolent des solutions pour pratiquer leur foi en toute sécurité, dans un climat politique de plus en plus hostile.

Cette marginalisation et cette incertitude quant à la sécurité des migrants chrétiens en Tunisie, reflètent une situation de plus en plus attentatoire où les droits religieux et la liberté de culte restent encore une affaire paradoxale dont le couple discrimination et aliénation s’impose toujours.

Bahá’ísm.

Bien qu’ils se comptent probablement par centaines [14], le nombre exact de bahá’ís en Tunisie est inconnu puisque la religion n’est pas reconnue par l’État, les chiffres officiels ne sont pas disponibles et les représentants de la communauté eux-mêmes hésitent à produire des estimations, étant donné que beaucoup restent inconnue. Le manque de reconnaissance conduit également à l’absence de lieu de rassemblement et à une discrimination plus élevée par rapport aux juifs et chrétiens tunisiens.

Les bahá’ís, bien que probablement au nombre de centaines en Tunisie, demeurent dans l’ombre, leur religion n’étant pas formellement reconnue par l’État. Cette absence de reconnaissance institutionnelle se traduit par un manque de données officielles sur leur nombre et leur statut légal, ce qui aggrave leur vulnérabilité et de les exposer à une discrimination accrue par rapport à d’autres communautés religieuses établies dans le pays.

La situation a atteint un point critique en 2021 lorsque les avocats du Comité de défense de l’Association bahá’íe en Tunisie ont déposé une plainte contre plusieurs hauts fonctionnaires tunisiens, notamment le chef du gouvernement et le ministre des Affaires religieuses, pour avoir signé des correspondances officielles ayant comme conclusion la divulgation des propos takfiristes, une infraction grave en vertu de la loi antiterroriste.

Cette action en justice a mis en lumière les défis considérables auxquels sont confrontés les bahá’ís en Tunisie, alors même qu’ils cherchent à exercer leurs droits religieux fondamentaux dans un climat d’hostilité et de méfiance. De plus, les bahá’ís ont été confrontés à des obstacles juridiques dans leur quête de reconnaissance en tant qu’association religieuse officielle. Bien que le Tribunal administratif ait initialement statué en faveur de l’association, la présidence du gouvernement a interjeté appel et a invoqué des arguments discutables, notamment la supposée "discrimination" liée à la dénomination de l’association, malgré le rejet de ces arguments en première instance [15].

Cette bataille juridique souligne les enjeux auxquels sont confrontées les minorités religieuses pour obtenir une reconnaissance officielle de leur identité et de leurs droits.

L’ambiguïté entourant la place de l’islam dans la nouvelle Constitution tunisienne de 2022 a également suscité des débats intenses autour les tensions persistantes entre les forces séculières et islamistes dans le pays.

Alors que la Tunisie tente de définir son identité nationale et sa relation avec la religion, des questions cruciales se posent concernant la protection des libertés démocratiques et des droits individuels, en particulier pour les minorités religieuses

Dans ce contexte, l’avenir des bahá’ís en Tunisie reste incertain, marqué par une dualité entre les progrès vers la démocratie et les obstacles persistants à la pleine reconnaissance de la diversité religieuse. L’issue de cette lutte pour l’égalité et la liberté religieuse aura des répercussions préjudiciables et potentiellement durables susceptibles de métamorphoser l’image de la Tunisie en tant que société pluraliste et démocratique en construction.

Athéisme.

La situation actuelle en Tunisie est particulièrement précaire pour les athées du pays, qui sont généralement identifiés comme étant culturellement musulmans et pour lesquels aucune donnée n’est disponible. En fait, certains préfèrent garder le silence par crainte de poursuites et de stigmatisation. D’autres peuvent ne pas se considérer athées mais décident simplement de ne pas suivre l’interprétation courante de l’islam, attirant ainsi la persécution [16]. Un exemple récent en est la condamnation de non-jeûneurs (fattaras) pendant le mois de Ramadan en 2017 sur la base des articles 226 et 226 bis du Code pénal « Est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de mille dinars quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d’une façon qui porte atteinte à la pudeur » [17]. Des cas ont été signalés de jeunes amenés aux postes de police parce qu’ils buvaient, mangeaient ou fumaient pendant la journée dans les municipalités d’Ariana, Bizerte, Sfax et Beja [18].

La situation actuelle en Tunisie est particulièrement précaire pour les athées du pays, qui sont généralement identifiés comme étant culturellement musulmans et pour lesquels aucune donnée n’est disponible. En fait, certains préfèrent garder le silence par crainte de poursuites et de stigmatisation. D’autres peuvent ne pas se considérer athées mais décident simplement de ne pas suivre l’interprétation courante de l’islam, attirant ainsi la persécution.

Il est également essentiel de noter que la Tunisie a consacré la liberté de conscience dans l’article 27 de la nouvelle constitution adoptée le 25 juillet 2022. Cependant, malgré cette reconnaissance formelle telle qu’elle figurait dans la constitution de 2014, il n’y a toujours pas d’orientation ou de mesures officielles pour protéger les athées et les minorités religieuses ainsi que pour préserver leur droit de se rassembler, de créer des associations et de s’exprimer librement au sein de la société.
En conséquence, les athées en Tunisie se retrouvent dans une zone grise sur le plan juridique, où ils ne bénéficient pas d’une protection adéquate de leur liberté de pensée et de religion. Les résultats d’un sondage mené pour la BBC par le réseau de recherches Arab Barometer révèlent que le pourcentage de personnes se disant "non-religieuses" en Tunisie a connu une augmentation significative, passant d’environ 15% à plus d’un tiers de la population globale. Cette tendance est particulièrement prédominante parmi les moins de 30 ans, où le taux atteint même 18%. Malgré cette évolution dans les opinions publiques, les athées en Tunisie continuent de faire face à des défis juridiques et sociaux en raison du manque de reconnaissance légale de leur statut [19].

En conclusion, la trajectoire post-révolutionnaire de la Tunisie, qui avait suscité tant d’espoirs en 2011, est aujourd’hui marquée par la déception profonde et la crainte croissante vers les droits et les libertés individuelles, en particulier pour les minorités religieuses. La conscience collective, volonté politique et citoyens, continue à partager la même vision selon laquelle les défis persistants en matière de discrimination et d’ambiguïté dans le statut des minorités religieuses, sont davantage approfondis vertigineusement. La situation des minorités religieuses en Tunisie demeure précaire, caractérisée par des discriminations légales et sociales, ainsi qu’une ambiguïté omniprésente concernant leur statut et leurs droits.

La Constitution de 2022, avec un temps réactionnel incertain à propos la question de la religion, soulève des inquiétudes quant à la neutralité de l’État et à l’égalité des citoyens, risquant ainsi de restreindre les libertés démocratiques et les droits individuels des minorités religieuses et non religieuses.

La déception qui prévaut aujourd’hui découle de l’écart entre les aspirations initiales de la révolution de 2011 et la réalité actuelle en Tunisie. Les espoirs de construire une nation démocratique, inclusive et respectueuse des droits de toutes ses citoyennes et de tous ses citoyens ont été en grande partie contrecarrés par les luttes politiques, les tensions institutionnelles et les problématiques en matière de droits de l’homme.

La récente prise de pouvoir par le président Kaïs Saïed en 2021 a exacerbé ces inquiétudes, mettant en péril les acquis démocratiques et renforçant les craintes quant à l’avenir des libertés individuelles en Tunisie. Les rapports alarmants d’organisations telles que l’Association tunisienne pour la défense des libertés individuelles et Amnesty International soulignent la détérioration de la situation des droits de l’homme dans le pays.

La construction d’une Tunisie véritablement inclusive et respectueuse de la diversité religieuse semble être une finalité de plus en plus difficile à relever dans le contexte actuel.

Amir Ammar, Doctorant Chercheur en droit public, faculté de droit de Sfax [->amirammarofficiel@gmail.com]

[1Alexander, C., Tunisia : from stability to revolution in the Maghreb, 2nd edition, Routledge : London and New York, 2016.

[2Castellino, J. and Cavanaugh, K., ‘Transformations in the Middle East : The importance of the minority question’, in Kymlicka and Pföstl.

[4Barbé P., ‘Jewish-Muslim syncretism and intercommunity cohabitation in the writings of Albert Memmi : The partage of Tunis’, in Gottreich and Schroeter.

[5Les Juifs de Tunisie sous le régime de Vichy et sous l’occupation allemande, octobre 1940-mai 1943, L’attitude des autorités et de l’environnement Itshaq Avrahami, Traduit de l’hébreu par Claire Drevon Dans Revue d’Histoire de la Shoah 2016/2 (N° 205), P 263 à 296.

[6L’article 74 de la constitution Tunisienne du 27 janvier 2014.

[7Middleeasteye : À Monastir, le candidat juif d’Ennahdha pimente les municipales.

[8Reuters, ‘Tunisia’s PM reshuffles cabinet to tackle economic crisis’, 6 November 2018.

[9United States Department of State, International Religious Freedom Report 2017 : Tunisia.

[10Committee on the Elimination of Racial Discrimination, ‘Reports submitted by states parties under Article 9 of the Convention’ : Nineteenth periodic reports of States parties due in 2006, addendum : Tunisia’, doc. no. CERD/C/TUN/19, received 13 August 2007 and published 17 September 2007.

[11Hassaini, S., ‘Chrétiens en Tunisie : Quand les convertis se cachent pour prier’, BBC Africa, 18 April 2017.

[12BBC News, ‘Chrétiens en Tunisie : quand les convertis se cachent pour prier’.

[14Webdo, ‘Les bahá’ís de Tunisie lancent un appel de détresse au président de la République’, 15 September 2017.

[16Femmes de tunisie.com, Témoignages : Etre athée en Tunisie, terre d’Islam.

[17Code pénal Tunisien, art ; 226 bis.

[18Civil Coalition for Individual Liberties, 2017 State of Individual Liberties : Continuing and Intensifying Violations, 2017.