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Conditions générales de vente en langue étrangère : sont-elles opposables au client français ? Par Cyril Chabert, Avocat.
Parution : vendredi 20 octobre 2023
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Vous ne les avez jamais lues et vous y avez pourtant consenti. Les conditions générales de vente sont de nos jours utilisées par tous les sites d’e-commerce internationaux. Pourtant, certains ne prennent toujours pas la peine de les faire traduire dans la langue de leurs clients.

Loin de sanctionner une telle pratique, la Cour de cassation a jugé que le seul fait qu’un texte soit rédigé en langue étrangère ne suffit pas à le rendre inopposable au client alors même que les échanges entre les parties étaient exclusivement en français.

Explications et retour sur l’arrêt de la Cour de cassation, Première chambre civile, 7 juin 2023, n°22-12.916, Inédit.

Les faits étaient les suivants : entre 2014 et 2018, un fabricant et commerçant français de camping-car passait régulièrement commande à un fournisseur allemand de fenêtres panoramiques de toit. Tous leurs échanges étaient en français.

Lorsqu’un litige survint entre les parties, la société française assigna la société allemande devant les juridictions françaises. Mais la société allemande invoqua un moyen d’incompétence tiré de ses conditions générales de vente : une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux allemands y figurait.

Néanmoins, par un arrêt du 18 novembre 2021, la Cour d’appel de Grenoble se déclara compétente pour connaître de ce litige, considérant que les conditions générales de vente (comprenant la clause attributive de juridiction) étaient rédigées en langue allemande, que les parties échangeaient exclusivement en français et que donc le texte n’était pas opposable à la société française puisque contraire à leurs usages commerciaux.

Non contente de cette décision, la société allemande forma un pourvoi en cassation, estimant que la durée de ses relations avec la société française impliquait nécessairement une adhésion à ses conditions générales de vente.

La Cour de cassation eut donc à répondre à la question suivante : des conditions générales de vente rédigées en langue étrangère sont-elles opposables à une société française nonobstant un usage exclusif du Français dans ses échanges avec la société étrangère ?

Par un arrêt du 7 juin 2023, la Cour de cassation répondit par la négative, fit droit aux demandes de la société allemande et cassa l’arrêt.

La cour considéra que les juges du fond n’avaient pas recherché « si, nonobstant l’usage d’une langue étrangère, les relations commerciales entre la société allemande et la société française sur la période 2014/2018, ne caractérisaient pas une pratique répétée entre les parties, dont pouvait être déduit un consentement tacite aux conditions générales de vente, en ce compris la clause attributive de juridiction ».

Il ressort de cette décision que l’usage d’une langue étrangère dans des conditions générales de vente par un commerçant étranger ne rend pas, à lui seul, ces conditions inopposables à ses clients, quand bien même le commerçant utiliserait pour échanger avec ses clients leur propre langue. Il est néanmoins précisé qu’une telle clause peut être combattue sur d’autres fondements, notamment son caractère abusif.

Cyril Chabert Avocat inscrit au Barreau de Paris Associé NMCG Avocats