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Comment déclarer les revenus locatifs étrangers ? Par Nathalie Aflalo, Avocat.
Parution : vendredi 17 novembre 2023
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En matière d’imposition, la règle est que les personnes domiciliées en France (au sens de l’article 4 B du Code Général des Impôts) sont imposables sur l’ensemble de leurs revenus en France, qu’ils soient de source française ou étrangère.

Mais cette règle s’articule également en tenant compte de l’application des conventions fiscales internationales en matière d’impôt, et ce à deux niveaux :
- Pour résoudre un éventuel problème relatif à la définition du domicile fiscal de la personne redevable de l’impôt
- Pour établir le droit d’imposer ou les éventuelles modalités d’imposition (ou d’élimination de la double imposition) lorsque la convention vise expressément l’impôt concerné ou comporte des stipulations suffisantes pour déterminer les modalités d’imposition.

Dès lors, serait-il possible que mes revenus locatifs étrangers soient à la fois imposés en France et à l’étranger ?

De manière récurrente, je constate que le propriétaire d’un bien immobilier situé à l’étranger pense être, à tort, exonéré de ses obligations fiscales en France, dès lors qu’il aura réglé son impôt à l’étranger.

La réalité fiscale est bien plus nuancée et complexe.

En effet, la fiscalité immobilière internationale pose le principe de l’imposition au lieu de situation de l’immeuble, l’imposition dans l’Etat de situs.

Néanmoins, le pays de résidence du contribuable, peut également prévoir de prendre en compte les revenus locatifs étrangers pour le calcul de l’impôt français.

Dans un tel cas de figure, la convention fiscale internationale indique très précisément l’élimination de la double imposition de ce revenu locatif.

Dès lors, dans un schéma ou une perspective d’investissement dans le locatif étranger, certaines démarches doivent être effectuées :

1. Les conventions fiscales et le lieu d’imposition des revenus locatifs.

Prenons plusieurs exemples :

a) La convention signée entre la France et l’Espagne.

L’article 6 mentionne :

« Les revenus qu’un résident d’un Etat contractant tire de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) situés dans l’autre Etat contractant, sont imposables dans cet autre Etat ».

Les revenus immobiliers provenant d’un bien immobilier situé en Espagne et perçus par un résident fiscal français sont imposés en Espagne.

b) La convention signée entre la France et l’Allemagne.

L’article 3 mentionne :

« Les revenus provenant des biens immobiliers (y compris les accessoires ainsi que le cheptel mort ou vif des entreprises agricoles et forestières) ne sont imposables que dans l’Etat contractant où ces biens sont situés ».

La rédaction diffère mais le principe est le même : imposition des revenus immobiliers en Allemagne.

c) La convention signée entre la France et l’Ile Maurice.

L’article 6 mentionne :

« Les revenus qu’un résident d’un État tire de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) situés dans l’autre État sont imposables dans cet autre État ».

La rédaction est similaire à la rédaction de l’article 6 de la convention franco-espagnole et pose le même principe, imposition des revenus immobiliers à l’Ile Maurice.

Il ressort de ces trois exemples, une règle claire : l’imposition des revenus locatifs au lieu de situation de l’immeuble.

2. Quid de l’imposition des revenus locatifs étrangers dans l’Etat de résidence en présence d’une convention fiscale.

Nous avons vu au préalable, que s’agissant des revenus immobiliers, les conventions fiscales internationales prévoyaient l’imposition desdits revenus dans le pays où se situait l’immeuble.

Mais, le droit d’imposer donné à l’État du « situs » n’est pas nécessairement exclusif.

En effet, chaque convention fiscale déterminera si le droit d’imposer lesdits revenus immobiliers doit être également attribué à l’Etat de résidence.

Dans ce cas, et dans la mesure où un revenu ne peut être doublement imposé, il conviendrait dès lors de se référer à l’article de la convention qui détermine les modalités d’élimination de la double imposition.

Sans rentrer dans une explication relativement technique, il faut avoir à l’esprit qu’il existe deux grandes méthodes d’élimination de la double imposition, chacune comportant des modalités de calcul différentes. Celle de l’exonération (ou exemption en général avec progressivité) et celle dite du crédit d’impôt.

La pratique traditionnelle française consiste à retenir la méthode de l’exonération sous réserve du taux effectif, cette méthode ayant pour objet de maintenir la progressivité de l’impôt en France.

D’autres États retiennent la méthode du crédit d’impôt, cette solution étant également retenue par la France dans les conventions récentes.

Reprenons notre exemple concret :

Notre contribuable résident fiscal français perçoit des revenus locatifs provenant d’une location saisonnière d’un bien immobilier situé en Espagne.

Les revenus locatifs sont imposés en Espagne, conformément à l’article 6 de la convention fiscale signée entre ces deux Etats.

Néanmoins, ils sont également imposés en France.

Afin d’éviter la double imposition de ces revenus, la convention fiscale franco-espagnole prévoit que celle élimination se traduit par l’application de la méthode du crédit d’impôt.

Le crédit d’impôt accordé au résident fiscal français, sera, nous dit la convention, égal au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus. Cette méthode équivaut à une exemption avec progressivité. L’impact financier n’est donc pas nul.

Il ne s’agit pas en l’espèce d’un crédit d’impôt qui viendrait « effacer » totalement l’impôt payer à l’étranger, soit une opération blanche en termes d’imposition.

En effet, les Etats se disent prêts à annuler leur propre impôt sur le revenu étranger, mais en aucune façon de rembourser au contribuable l’impôt payé à l’étranger s’il était supérieur.

Dès lors, la maitrise de ces considérations techniques dont notamment celle afférente à la méthode d’élimination de la double imposition se révèle être est primordiale dans le cadre d’un projet d’investissement immobilier.

D’autant que se pose également, la question de l’assujettissement des revenus locatifs étrangers aux prélèvements sociaux français (CSG, CRDS et prélèvements de solidarité).

En général, ces contributions sont couvertes par les dispositions des conventions fiscales visant à éliminer la double imposition, à moins que leur rédaction particulière ne les exclue.

Là encore, l’analyse de l’ensemble de ces paramètres préalablement à l’investissement l’étranger est indispensable et s’impose, ainsi que des simulations fiscales.

D’autant que la détention d’un bien immobilier à l’étranger, impactera la déclaration IFI (impôt sur la fortune immobilière) de notre contribuable, résident fiscal français.

3. Modalités pratiques déclaratives.

a) Dans le pays de situation de l’immeuble.

Les revenus locatifs étrangers sont imposés dans l’Etat de situs du bien immobilier au regard à la fois des dispositions fiscales propres au pays, notre contribuable résident fiscal français sera imposé en qualité de non-résident.

b) Dans le pays de résidence fiscale du contribuable, en l’occurrence la France.

D’une manière générale, les revenus locatifs étrangers devront être déterminés selon les règles fiscales françaises (types de revenus à imposer, types de charges admises en déduction) et les déclarations fiscales y afférentes produites.

Prenons le cas de location meublée saisonnière, le contribuable devra déposer une déclaration 2031 s’il dépend du régime réel, reporter les montant sur l’imprimé 2042 Pro, et renseigner l’imprimé 2047 avec les reports adéquats.

L’imprimé n°2047 permettant de faire figurer la méthode d’élimination de la double imposition prévue à la convention.

4. Quid de l’imposition des revenus locatifs étrangers dans l’Etat de résidence en l’absence d’une convention fiscale.

Pour terminer, il convient également d’indiquer que certains pays, en minorité, n’ont pas signé de conventions fiscales internationales avec la France.

Dès lors, les revenus locatifs perçus par un résident fiscal français au titre des revenus locatifs provenant d’un pays n’ayant pas conclu un tel accord, seront imposés en France selon le droit interne français.

Les impôts payés à l’étranger et analogues, tels que taxes foncières et impôts sur le revenu seront déduits au titre des charges.

Nathalie Aflalo, Avocat Barreau de Paris www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]
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