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Energies renouvelables et loi APER : enjeux et incidences pour les collectivités territoriales. Par Rémi Duverneuil, Avocat.
Parution : mardi 20 février 2024
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En 2009, une directive CE [1] fixait à 23% la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie finale brute à échéance 2020 (contre 10,3% en 2005). En 2019 [2], cet objectif a été porté à 33% pour l’année 2030. En 2020, l’objectif initial n’a pas été atteint puisque la part des énergies renouvelables ne représentait que 19,3%.
Pour pallier le retard déjà pris, tenter de respecter l’objectif fixé pour 2030 et au regard des enjeux climatiques et énergétiques, la ministre de la transition énergétique a présenté, le 26 septembre 2022, un projet de loi relatif à l’Accélération de la Production d’Énergies Renouvelables (APER).

Promulguée le 10 mars 2023, la loi relative à l’Accélération de la Production d’Énergies Renouvelables (APER) (Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables) avait, notamment, pour ambition d’accélérer les procédures de délivrance des autorisations relatives aux projets d’énergies renouvelables mais également d’associer les collectivités locales pour le développement des énergies renouvelables sur leur territoire.

Les collectivités territoriales voient, ainsi, leur rôle renforcé s’agissant de la planification du développement des énergies renouvelables et deviennent de véritables acteurs économiques dans ce domaine.

1. Un rôle central dans la planification du développement des énergies renouvelables.

Si la loi « climat et résilience » [3] avait, déjà, renforcé le rôle des collectivités territoriales dans la réalisation des objectifs de politique énergétique en créant les comités régionaux de l’énergie composés d’élus locaux et en fixant des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables, notamment, la loi APER a souhaité donner aux collectivités territoriales de véritables compétences directes en la matière tout en maintenant des zonages territoriaux pour les énergies renouvelables

En effet, il appartient aux communes de définir des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables ainsi que de leurs ouvrages connexes [4], avec pour ce faire des délais très contraints et une procédure relativement complexe.

Il convient de préciser, tout d’abord, que si ces zones d’accélération peuvent concerner tous types de sources et d’installation de production d’énergies renouvelables, pour être valables, doivent répondre à plusieurs critères [5] : elles doivent, ainsi et notamment, présenter un potentiel permettant d’accélérer la production d’énergies renouvelables, contribuer à la solidarité entre les territoires et à la sécurisation de l’approvisionnement.

S’agissant de la procédure en tant que telle, après concertation avec leurs administrés, les communes devaient, par délibération du conseil municipal prise avant fin décembre 2023, proposer au référent préfectoral des zones d’accélération au regard des données mises à disposition par l’Etat et les gestionnaires des réseaux de gaz et d’électricité. Il appartient au référent préfectoral unique de présenter les zones d’accélération retenues par les communes et de transmettre la cartographie pour avis au comité régional de l’énergie.

Le comité régional de l’énergie dispose ensuite d’un délai de trois mois pour émettre un avis sur le caractère suffisant, ou non, pour l’atteinte des objectifs régionaux qui est de nouveau transmis au référé préfectoral. Il appartient, enfin, à ce dernier d’arrêter la cartographie des zones identifiées à l’échelle de chaque département mais après avoir recueilli l’avis conforme des communes exprimé par délibération du conseil municipal.

Il appartient donc bien aux communes de définir les zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables.

Ces zones permettront une instruction des projets plus rapides et, pour les porteurs de projet, d’obtenir des financements de la part du gouvernement.

Par ailleurs, pour les communes qui auront institué ces zones d’accélération, elles pourront désigner des zones d’exclusion sur lesquelles l’implantation d’énergies renouvelables n’est pas autorisée.

La loi « 3DS » avait déjà permis aux collectivités territoriales de délimiter des secteurs dans lesquels l’implantation d’installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est soumise à conditions dès lors qu’elles sont incompatibles, notamment, avec le voisinage habité [6].

La loi APER complète ces dispositions et prévoit, en lien avec ce qui précède, que les communes ayant arrêté une cartographie des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables peuvent dorénavant délimiter des secteurs d’exclusion d’installations d’énergies renouvelables, quelle que soit la source, dans les mêmes conditions que pour les seules éoliennes. Ne sont, toutefois pas concernés, les procédés de production d’énergies renouvelables en toiture et aux procédés de chaleur à usage individuel.

L’urbanisme, compétence des communes et des intercommunalités, devient donc un vrai instrument de planification et de développement des énergies renouvelables.

2. Un rôle d’acteur économique pour les collectivités territoriales.

Diverses dispositions de la loi APER tendent à placer les collectivités territoriales au cœur des échanges pécuniers directement liés au développement des énergies renouvelables et localement produites.

Ainsi, et en premier lieu, la loi introduit, en droit interne, même si elle ne la définit pas expressément, la notion de contrat de vente directe à long terme d’électricité [7].
Il s’agit, in fine, de l’introduction en droit français du « Power Purchase Agreement » qui permet de passer, de gré-à-gré, avec un producteur d’électricité un contrat de longue durée. Les collectivités territoriales peuvent donc dorénavant acheter de l’électricité en circuit court.

Les collectivités territoriales peuvent également recourir à un contrat de commande publique pour répondre à leurs besoins en électricité produite à partir de sources renouvelables avec un tiers dans le cadre d’une consommation individuelle ou dans le cadre d’une opération d’autoconsommation collective.

Il en est de même pour répondre à leurs besoins en gaz renouvelable, dont le biogaz, ou en gaz bas-carbone [8].

En deuxième lieu, s’agissant de la délivrance des titres d’occupation du domaine public des collectivités territoriales, est instaurée une exception de procédure de mise en concurrence pour les projets d’installation et d’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables bénéficiant d’un soutien public ayant, au préalable, fait l’objet d’une procédure de mise en concurrence ou s’ils portent sur des installations d’électricité ou de gaz attribuées dans le cadre d’un contrat d’expérimentation [9].

En outre et toujours sur le sujet de l’occupation du domaine public, par dérogation au principe du paiement annuel, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent percevoir par anticipation l’intégralité de la redevance due au titre de l’occupation ou de l’utilisation d’une partie de leur domaine public, dès lors que le produit ainsi perçu sert au financement de la participation au capital d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiées ayant pour objet social la production d’énergie renouvelable.

En troisième lieu, les collectivités territoriales peuvent, comme toutes personnes soumises au Code de la commande publique, participer à une opération d’autoconsommation d’électricité collective pour répondre à leurs besoins en matière d’électricité d’origine renouvelable dans les conditions de l’article L315-2 du Code de l’énergie [10].

Toujours s’agissant des opérations d’autoconsommation d’énergie, les collectivités territoriales n’ont plus l’obligation de constituer une régie pour la production d’électricité photovoltaïque n’excédant pas un seuil de puissance défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l’Énergie et des Collectivités territoriales est injecté sur le réseau public de distribution dans le cadre d’une telle opération d’autoconsommation [11].

En quatrième lieu, les collectivités territoriales, qui peuvent être membres de Communautés d’Énergies Renouvelables (CER), bénéficient d’un droit de préemption des parts sociales cédées par les petites et moyennes entreprises [12]. Ces dernières doivent ainsi informer la collectivité territoriale (ou le groupement de collectivités territoriales) dont la participation est la plus élevée, qui dispose alors d’un délai de deux mois pour faire usage de son droit de préemption.

Enfin, les maires et présidents d’Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) doivent être informés par les associés ou les actionnaires souhaitant constituer une société portant des projets de production d’énergies renouvelables sur leur territoire afin de leur permettre de proposer une offre de participation au capital social. En outre, les maires et présidents d’EPCI doivent également être informés des ventes de participation en capital des mêmes sociétés pour qu’ils puissent émettre une offre d’achat de cette participation [13].

Avec la loi APER, les collectivités territoriales disposent donc de divers outils leur permettant d’intervenir pour développer, dans certaines zones de leur territoire, les énergies renouvelables. À elles de s’en saisir.

Rémi Duverneuil, Avocat-Associé Barreau de Lyon SKOV Avocats

[1Directive 2009/28/CE du parlement européen et du conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables – Objectif repris à l’article L.100-4 du Code de l’énergie.

[2Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat – Objectif repris à l’article L100-4 du Code de l’énergie.

[3Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – Article 83.

[4Article 15 la loi APER.

[5Article L141-5-3 du Code de l’énergie.

[6Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale – Article 35 portant création de l’article L.151-42-1 du Code de l’urbanisme.

[7Article L.331-5 du Code de l’énergie créé par la loi APER.

[8Article L.441-6 du Code de l’énergie créé par la loi APER.

[9Article L.2122-1-3-1 du Code général de la propriété des personnes publiques modifié par la loi APER.

[10Article L.331-5 du Code de l’énergie créé par la loi APER.

[11Article L.1412-1 du Code général des collectivités territoriales modifié par la loi APER.

[12Article L.291-1 du Code de l’énergie modifié par la loi APER.

[13Article L.294-1 du code de l’énergie modifié par la loi APER.

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