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La notice de "désinformation" à annexer aux baux d’habitation. Par Frédéric Zumbiehl, Juriste.
Parution : jeudi 30 novembre 2023
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Depuis la loi Alur, il est obligatoire d’annexer une notice d’information officielle aux baux d’habitation. Hélas, faute de mise à jour régulière, cette notice est plus trompeuse qu’autre chose…

Champ de la notice d’information.

Depuis la loi Alur de 2014, « une notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges » doit être annexée aux contrats de location de logement à usage de résidence principale [1].
Après fixation du contenu de cette notice par un arrêté ministériel du 29 mai 2015, les premiers baux d’habitation concernés (vides ou meublés, à l’exclusion des baux mobilités) ont été ceux signés à compter du 1ᵉʳ août 2015.

Dans la même veine, la loi Alur prévoit également qu’« une notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire est jointe au congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre ou de vendre le logement » [2].
Le contenu de cette notice n’ayant été défini que par un arrêté du 13 décembre 2017, seuls les congés délivrés depuis le 1ᵉʳ janvier 2018 sont concernés. Par ailleurs, la notice n’est ici imposée que pour les locations vides.

Obsolescence rapide.

Le but de ces nouvelles annexes est évidemment de mieux informer chaque partie sur ses droits et obligations en matière de baux d’habitation. Cependant, un problème saute immédiatement aux yeux. C’est celui de la fréquence à laquelle les notices sont mises à jour.

Concernant la notice d’information « générale » (celle à annexer aux contrats de location), si on met de côté un changement anecdotique en 2020 [3], elle n’a été mise à jour pour la première fois que le 20 mars 2023 (arrêté du 16 février 2023 modifiant l’arrêté du 29 mai 2015 relatif au contenu de la notice d’information annexée aux contrats de location de logement à usage de résidence principale). Quasiment huit années se sont donc écoulées sans que la notice ne soit modifiée, huit années au cours desquelles d’importantes réformes ont vu le jour, à commencer par la loi Elan du 23 novembre 2018. Autant dire qu’elle était en bonne partie obsolète.
La modification de mars 2023 a permis de remettre la notice en correspondance avec les textes, mais, quelques mois après, la notice « générale » n’est déjà plus « à jour ». Par exemple, alors que la loi Kasbarian du 27 juillet 2023 a introduit de droit une clause résolutoire dans tous les baux d’habitation, la notice indique toujours qu’« une clause du contrat de location, appelée clause résolutoire, peut prévoir sa résiliation de plein droit en cas d’inexécution des obligations du locataire » [4]. En lisant cette information de la notice, un locataire se croira - bien à tort - à l’abri d’une résolution de plein droit du seul fait que son contrat ne comporte pas de clause résolutoire. De même qu’il sera trompé sur le délai d’acquisition de la clause résolutoire en cas d’impayés (passé de deux mois à six semaines depuis la loi Kasbarian).

Quant à la notice à annexer aux congés, hormis la même modification anecdotique de 2020 que pour la notice générale, elle n’a jamais été mise à jour. Dès lors, au moment de lire les paragraphes de la notice dédiée aux cas spéciaux de protection du locataire, un locataire (comme un bailleur) ne trouvera par exemple nulle mention de la nouvelle impossibilité de délivrer congé à un locataire bénéficiaire de l’allocation journalière de présence parentale et aux revenus modestes (nouveau cas de protection issu de la loi du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap ou victimes d’un accident d’une particulière gravité).

Pour une seule brebis égarée...

Parler de notice de « désinformation » est assurément provocateur. On trouve beaucoup de choses vraies dans la notice générale comme celle relative aux congés. Mais quel est l’intérêt d’un document officiel qui ne comporterait pas des informations 100% fiables ? Pour 95% d’informations utiles à diffuser, faut-il accepter d’induire en erreur les parties sur ne serait-ce que 5% des sujets abordés ? La tromperie est ici particulièrement redoutable. En effet, si chacun se méfie - ou devrait se méfier - de ce qu’on peut lire gratuitement sur internet - cela vaut également pour le présent commentaire ! -, quel non-initié saura que tout n’est pas bon à prendre dans une notice obligatoire fixée par arrêté ministériel ? Avec le risque, évidemment, de commettre un impair alors qu’on se croit dans les clous, avec le risque de se fâcher avec son locataire ou son propriétaire sur ce que « dit la loi ». Au point peut-être de songer prétendre à la barre que c’est finalement la notice, dont l’annexion au bail est prévue par la loi, qui doit primer…

Simplifier la procédure d’adoption des notices ?

Pour résoudre ce problème, on pourrait songer à simplifier la procédure d’adoption de la notice. Pour la notice d’information annexée au bail comme pour celle annexée aux congés, la loi du 6 juillet 1989 prévoit que son contenu est fixé par « arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation ».
Toute mise à jour suppose donc que les membres de la CNC soient d’abord informés d’un projet de changement, qu’ils en débattent et qu’ils émettent un avis en séance plénière. La relative lourdeur de la procédure explique que la notice ne puisse pas être mise à jour aussi régulièrement qu’il conviendrait. Pour permettre par exemple au pouvoir réglementaire de modifier la notice à l’occasion de chaque nouveau décret relatif aux baux d’habitation, peut-être faudrait-il éviter le passage obligatoire par la CNC ?

Risque d’erreurs.

Il reste un autre problème, que même un allégement de la procédure d’adoption ne saurait régler. Au-delà de l’obsolescence rapide des notices d’information en période d’inflation législative, on pense à un risque inhérent à toute glose, celui de se méprendre sur le sens ou la portée de la loi qu’on commente, de paraphraser de manière inintelligible un texte de loi qui est clair, ou encore au risque de multiplier les coquilles.
Par exemple, dans une section dédiée à la fois aux locations vides et meublées, et jusqu’à sa refonte début 2023, la notice d’information générale indiquait que le locataire bénéficie d’un droit de préemption en cas de congé pour vendre [5]. Pourtant, il n’a jamais fait de doute que seul le locataire d’un logement vide peut faire valoir un droit de préemption.
Avec cette présentation erronée, combien de propriétaires de meublés ont été renforcés dans l’idée reçue qu’ils ne pouvaient pas délivrer congé sans offrir de vendre au locataire, leurs gestionnaires ou conseillers peinant à les convaincre du contraire ?
Pour les éditeurs de baux, cela confine au supplice ; la notice étant obligatoire, ils l’intègrent à leurs imprimés en sachant pertinemment qu’elle est trompeuse.

Renvoyer vers Légifrance dans le bail-type ?

Risque d’erreurs, obsolescence rapide … On se demande si la loi Alur a fait un cadeau aux parties en imposant d’annexer des notices d’information aux contrats et congés. Sans compter que cela a sensiblement alourdi la paperasse à imprimer à chaque nouvelle location (la dématérialisation constitue encore l’exception). En intégrant la notice d’information, le bail « Unpi » fait par exemple une vingtaine de pages désormais. Pages auxquelles il faut bien sûr ajouter les diagnostics (DPE, état de l’installation intérieure d’électricité, de gaz, etc.) et autres annexes obligatoires (état des risques naturels notamment). A une époque où on ne lit plus beaucoup, à l’heure où la lutte contre le changement climatique commande un effort - pour ne pas dire une obligation - de sobriété, ne serait-il pas mieux de renvoyer simplement dans le bail vers les textes fondamentaux du droit des baux et le portail officiel Légifrance ? Le bail-type pourrait être modifié en ce sens [6]. Au moins, ceux qui souhaitent en savoir plus tomberont sur les textes originaux, « faisant foi » et mis à jour quasi instantanément. Ce sera toujours mieux qu’une compilation datant de plusieurs mois à plusieurs années.

Frédéric Zumbiehl, juriste Union nationale des propriétaires immobiliers

[1Article 3 de la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation.

[2Article 15, I de la loi du 6 juillet 1989.

[3Modification pour tenir compte de la substitution du tribunal judiciaire au tribunal de grande instance et au tribunal d’instance (voir le décret n° 2019-966 du 18 septembre 2019.

[4Paragraphe 5.3.2.1.

[5Section 3.1.2.

[6Voir le décret modifié n°2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale.