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L’exécution forcée en nature appliquée à la matière immobilière. Par Johanna Israel, Doctorante.
Parution : mardi 19 décembre 2023
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Avec la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le Code civil s’est vu transformé en raison, notamment, des nouvelles sanctions qu’il propose. En effet, « si la contrainte n’existait pas, nombreux seraient les débiteurs qui se déroberaient ».

Désormais et grâce aux modifications apportées par la réforme, le créancier de droit commun subissant une inexécution de l’obligation incombant à son débiteur se voit, désormais, enrichi de plusieurs sanctions. Notamment en matière immobilière, et plus spécialement dans le domaine de l’inexécution forcée en nature qui apparaît comme étant une sanction parfaitement adaptée.

Les sanctions du nouvel article 1217 du Code civil ont vocation à s’appliquer à différentes matières ayant, chacune, leur spécificité et leur domaine d’application. Au-delà de la question épineuse de l’articulation entre les dispositions de droit commun et celles de droit spécial, il est intéressant d’étudier les sanctions issues du Code civil appliquées à une matière aussi hétérogène que le droit immobilier. En effet, ce domaine puisant dans différents ensembles législatifs [1], l’application de sanctions, a priori, de droit commun, à cette matière transcendant la distinction académique entre droit public et droit privé, ne peut laisser indifférent les professionnels de la construction.

Si l’article 1217 du Code civil énumérant les différentes sanctions offertes au créancier de l’obligation intéresse le droit de la construction en raison de sa tentative de pédagogie normative (I), il n’en demeure pas moins que la sanction de l’exécution forcée en nature trouve un terrain d’élection presque naturel en notre matière (II).

I) L’article 1217 du Code civil, l’infructueuse tentative de la pédagogie normative.

L’article 1217 précise que les sanctions s’appliqueront soit en cas d’inexécution du contrat soit en cas d’exécution imparfaite de ce dernier. En d’autres termes, à la moindre incohérence contractuelle, le créancier de l’obligation pourra se saisir de l’article cité. Avant d’étudier les possibilités mises à la disposition du contractant et d’en mesurer le potentiel impact, il convient d’apporter, encore, quelques précisions sémantiques à notre débat (A) pour ensuite constater un effort concernant la typologie des différentes sanctions (B).

A) La consécration du terme sanctions au détriment de celui de remèdes.

Le rapport remis au Président de la République, que nous allons utiliser assez fréquemment dans la mesure où dans le cadre de l’ordonnance, les travaux parlementaires n’ont pas eu lieu [2], précise que notre article « énumère l’ensemble des sanctions à la disposition du créancier d’une obligation non exécutée ». Certains auteurs précisent même que le terme « sanction » a été « heureusement préféré à l’anglicisme remèdes » [3], l’article 1217 du Code civil reprenant la « sanction » à son dernier alinéa.

Ce choix n’est pas anodin, car à travers le terme « sanction » nous retrouvons l’idée de punition voire de peine [4].

Dans un sens plus large, il s’agit « de toute mesure, même réparatrice, justifiée par la violation d’une obligation » [5], et plus généralement encore, « tout moyen destiné à assurer le respect et l’exécution effective d’un droit ou d’une obligation » [6]. Ainsi, la sanction paraît être une expression tout à fait adaptée dans le cadre de notre étude car cette dernière tend à satisfaire un créancier qui voit son obligation mal exécutée ou inexécutée.

Néanmoins, le terme de sanction nous apparaît comme étant excessif. Le rattachement à la « punition » ou à la « peine » laisserait sous-entendre que le cocontractant ayant mal exécuté ou inexécuté l’obligation l’aurait fait de façon intentionnelle ou par un excès de mauvaise foi. Comme nous le verrons dans les développements suivants, les difficultés liées à la mauvaise exécution du contrat sont un peu plus nuancées et ne peuvent être envisagées d’une façon si radicale.

Toutefois, pourquoi certains membres de la doctrine emploient le terme de remèdes en lieu et place de la dénomination « sanction » [7] ? Plus encore, pourquoi ce terme nous paraît pertinent ? Nous adoptons une vision anthropomorphique du contrat. Nous sommes d’avis que même si des voix se sont élevés contre la théorie classique de la nullité, si un contrat peut être considéré comme malade ou pouvant être guéri, cela signifie, nécessairement, qu’avant tout, il a vécu. Nous voyons donc l’article 1217 du Code civil comme étant un remède face à un contrat souffrant, donc malade, d’une inexécution. Le remède étant un « moyen, une mesure propre à diminuer un mal, un danger, à résoudre une difficulté » [8] et renvoyant à un « antidote » [9], nous le trouvons parfaitement approprié lors d’une inexécution contractuelle.

Plus encore, l’avant-projet de 2015 [10] avait fait le choix conscient de consacrer le terme de « remède », notion utilisée fréquemment par la doctrine lorsqu’il s’agit d’évoquer l’inexécution contractuelle [11]. Malgré que ce terme ait été traduit de l’anglais « remedies », il n’en demeure pas moins qu’il nous semble adapté lors de l’étude de l’article 1217 du Code civil [12].

En effet, il « englobe à la fois, au sens strict, les moyens permettant de remédier à certains maux afin de préserver le lien contractuel et, au sens large, y intégrer les sanctions définies comme une réaction à l’inexécution des obligations imputables au cocontractant ». Autrement dit, « l’inexécution constitue un état contre lequel on va tenter d’apporter des remèdes plus que des sanctions. L’évolution de la jurisprudence est en ce sens et l’ordonnance est dans cet esprit » [13].

D’aucuns rétorqueront qu’en raison de la présence de la résolution, ayant pour but d’anéantir le contrat, le terme de remède est inadapté puisque le contrat disparaissant, nul besoin de le soigner.

Certes.

Toutefois, même si le rapport remis au Président de la République précise que « l’ordre de l’énumération n’a aucune valeur hiérarchique, le créancier de l’inexécution étant libre de choisir la sanction la plus adaptée à la situation » [14], il en résulte, toutefois, que la résolution est la dernière sanction proposée à la discrétion du créancier. Cette dernière peut donc être perçue comme étant l’ultime solution en cas de mésentente irrémédiable entre les deux cocontractants. Mais la résolution peut être envisagée autrement que par le prisme de la sanction et peut être analysée comme étant, également, un remède même si la conséquence sera l’anéantissement du contrat. En effet, lorsque le cocontractant aboutit au recours ultime que représente la résolution, qu’elle soit judiciaire, unilatérale ou contractuelle, c’est que le contrat ne représente plus aucune utilité pour ce dernier.

Autrement dit, la résolution du contrat étant un acte juridique assez grave, elle ne permet pas la guérison de ce dernier mais elle a, au moins, le mérite de libérer le cocontractant d’une convention dont il ne veut plus, ou du moins, dont l’évolution ne le satisfait plus. Ainsi, l’on pourrait voir le mécanisme de la résolution, comme une sorte de remède final concernant non plus une convention souffrante mais bien d’une relation mal en point, le cocontractant se retrouve donc « guéri » de cette convention qui lui apparaît comme étant un mal.

L’utilisation du terme « sanctions » par la réforme traduit une volonté de percevoir l’inexécution du contrat - ou sa mauvaise exécution - comme une sorte de faute à laquelle l’article 1217 viendra pallier, au choix du créancier déçu [15].

Ce qui peut porter à confusion concernant la vocation de l’article.

B) Un effort de clarification quant à la typologie des sanctions.

Antérieurement à la promulgation de la réforme, le Code civil ne disposait pas d’un arsenal clair à ce sujet. Ainsi, lorsque le créancier déçu souhaitait trouver des solutions à l’inexécution de son obligation, ce dernier « devait se promener aux quatre coins des manuels pour découvrir les différentes possibilités que le droit lui offre » [16]. Le rapport remis au Président de la République soulignant cette difficulté [17], le nouvel article 1217 du Code civil affiche « tout à la fois une mise en cohérence, une multiplication et une précision des sanctions ». Rapport remis au Président de la République, ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, p.29 Ce dernier « sera désormais doté d’un corpus de règles cohérentes et regroupées » [18]. Cette nouvelle disposition, que l’on peut qualifier de pédagogique est à saluer tant par sa forme, la présence de nombreux tirets permettant une énumération assez claire, que par son fond dans la mesure où aucun terme superfétatoire n’est à signaler.

Néanmoins, cette pédagogie n’est que d’apparence.

D’une part, le nouvel article 1217 du Code civil dénote au cours de l’étude de la réforme. En effet, comment expliquer ce souci, assez soudain, de pédagogie émanant du législateur ? Pour quelles raisons seul l’article 1217 du Code civil peut se targuer d’une clarté assez précieuse pour les praticiens ? Loin de blâmer un article clair et concis, nous nous demandons seulement pourquoi d’autres articles énonçant des énumérations, que nous qualifierons d’articles de présentation (tels que l’article 1130 du Code civil énumérant les différents vices du consentement ou, encore, les articles traitant du vice de l’erreur ne sont-ils pas regroupés avec d’une part, les erreurs que le Code civil considère comme étant une cause de nullité du contrat et celles qui ne le sont pas), ne bénéficient pas d’une telle limpidité ? Une réforme qui prétend « poursuivre l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la règle de droit » [19].

Par ailleurs, le dernier alinéa de l’article 1217 précise que « les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».

Deux observations à cet égard.

Tout d’abord, le Code civil conserve la possibilité d’engager la responsabilité contractuelle du débiteur défaillant peu importe la sanction choisie par le créancier.

C’est une chose heureuse car la sanction choisie par le créancier permet l’exécution du contrat en tant que tel et le cumul avec la responsabilité contractuelle permet d’obtenir la réparation du préjudice causé par l’inexécution ou l’exécution imparfaite de la convention.

Ensuite, et c’est ici que la pédagogie de l’article peut être remise en cause, ce dernier ne précise pas quelles sont les sanctions incompatibles entre elles. Puisque la jurisprudence est constante à cet égard [20]. et que l’ordonnance affiche son objectif de « rénover sans bouleverser » [21], l’on pourrait se demander quelles sont les raisons de ce manque de précisions ? Surtout qu’en réalité, l’on constate une seule incompatibilité, qui relève de la logique, entre la résolution et l’exécution forcée. Il n’aurait pas été superflu d’ajouter cette précision afin de parfaire la vertu pédagogique, recherchée nous n’en doutons pas, de l’article 1217 du Code civil.

L’absence de terme superflu soulignée auparavant trouve une faille ici. L’analyse apparaît donc comme contradictoire puisque nous sommes à la recherche de simplicité, certes, mais à la fois de précisions. Ces deux intentions ne sont pas antinomiques, il suffit, seulement, de trouver un équilibre sans privilégier dans certains articles, l’extrême simplicité et, dans d’autres, la précision chirurgicale. L’on remarquera, à l’aune de notre analyse, que cette précieuse harmonie est laborieuse. Nous nous permettons de reprendre les mots de Sénèque qui affirmait que « ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ».

Il aurait donc fallu plus d’audace de la part du législateur dont on sent la plume tremblante lorsqu’il s’agit de réformer un pan aussi important que le droit des obligations.

Toutefois, la témérité attendue du législateur se retrouvera-t-elle dans l’étude de l’exécution forcée en nature ?

II) L’exécution forcée en nature, terrain d’élection naturelle du droit de la construction.

Le nouvel article 1221 du Code civil peut être perçu comme étant un article de compromis, ne consacrant pas tout à fait la jurisprudence sans pour autant en renier les enseignements. Le rapport remis au Président de la République souligne que « ce texte rompt avec la lettre de l’actuel article 1142 du Code civil dont la Cour de cassation avait déjà retenu une interprétation contraire au texte » mais il n’en demeure pas moins que « cette nouvelle exception vise à éviter certaines décisions jurisprudentielles très contestées ».

Cette nouvelle exception innove en ce qu’elle consacre une limite à l’utilisation de la sanction de l’exécution forcée en nature avec la disproportion manifeste (A) qui a été, très rapidement, utilisée par la Cour de cassation qui semble s’être précipitée sur cette nouvelle notion afin d’en donner son interprétation en droit de la construction (B).

A) La consécration d’une limite à l’exécution forcée en nature par la disproportion manifeste.

Tout d’abord, l’ordonnance a repris la jurisprudence en ce qu’elle empêche l’exécution forcée en nature si cette dernière est « impossible ». Nous ne nous attarderons pas davantage sur cet empêchement dans la mesure où il est bien connu de notre droit.

En revanche, la seconde condition à savoir que l’exécution forcée en nature est possible sauf « s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier » a été l’une des grandes discussions au moment de l’adoption de la réforme [22] puisque c’est la première fois que l’exécution forcée en nature trouve une limite. Cette dernière est assez heureuse.

En effet, le lecteur a en mémoire les arrêts critiqués de la Cour de cassation à ce sujet [23]. Néanmoins, certains auteurs trouvaient quelques avantages à des solutions témoignant une telle inflexibilité.

Le Professeur Tournafond a estimé que « si cette règle était sévère, elle était en pratique extrêmement utile car elle incitait puissamment les professionnels, sinon à remplir leurs obligations, du moins à ne pas trop les violer (…) Cette véritable épée de Damoclès permettait d’équilibrer la convention dans une certaine mesure puisqu’elle mettait l’accédant à la propriété qui est souvent un profane (…) en position de force vis-à-vis du promoteur (…) » [24].

Certes, mais il nous semble anormal que le contrat soit pensé, voire accompli, de cette façon. La bonne foi n’est-elle pas au centre de la convention ? Assurément, le cocontractant doit respecter les dispositions normatives mais de là à estimer qu’une sanction disproportionnée, et non justifiée dans la pratique, est honorable car elle contraint les cocontractants à exécuter leur obligation comme le contrat l’indique est quelque peu démesuré. Cela sous-entendrait que la convention à peine conclue, essaierait, déjà d’être contournée méprisant le principe de la force obligatoire innervant la convention. Ainsi, ce serait grâce à une vision extrêmement restrictive de l’exécution forcée en nature, donnant lieu à des décisions pour le moins sévères et encore une fois, injustifiées, que le promoteur immobilier respecterait ses engagements.

Nous ne partageons pas cette vision du contrat, et qui plus est le contrat de construction quel qu’il soit, avec cette crainte que le promoteur immobilier, ou plus largement le constructeur, fait preuve d’une mauvaise foi tellement évidente, qu’il convient de le prévenir en amont des foudres de la Cour de cassation au mépris de la logique et de l’équilibre contractuel. Par ailleurs, même si la protection de l’accédant à la propriété apparaît comme pouvant rejoindre l’objectif de justice contractuelle, il ne faut pas non plus, tomber dans le préjugé selon lequel l’accédant à la propriété serait une partie extrêmement faible et le constructeur une partie, automatiquement, de mauvaise foi et véreuse.

Cette nouvelle limite est donc, à notre sens, tout à fait louable.

Toutefois, à la lecture du nouvel article 1220 du Code civil, les conditions entourant l’inexécution forcée en nature ne sont pas tout à fait permissives. En effet, l’article rappelle que pour avoir recours à cette solution il ne doit pas exister « de disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ».

Tout d’abord, cette notion de « disproportion manifeste » fait singulièrement écho au contrôle de proportionnalité qui commence à émerger en droit de la construction notamment quand il s’agit de la protection du droit de propriété. En effet, qu’il s’agisse de l’empiètement, du contentieux de l’expropriation ou celui de l’expulsion, ou encore en matière de troubles anormaux du voisinage, la Cour de cassation a intégré ce contrôle dans l’appréciation de différentes sanctions. En matière d’exécution forcée, la Haute Juridiction « vérifie que l’atteinte à la propriété résultant de la mise en œuvre d’une exécution forcée est proportionnée à l’atteinte aux biens du débiteur et si d’autres mesures, moins coûteuses auraient pu être mises en œuvre » [25] Cette conception rejoint donc celle d’Aristote qui estimait que le principe de proportionnalité était « un milieu entre les extrêmes » [26] ainsi qu’un idéal de justice distributive dans la mesure où « le juste est un milieu entre des extrêmes qui, autrement, ne seraient plus en proportion » [27].

En d’autres termes, le contrôle de proportionnalité pourrait se résumer à un « mécanisme de pondération entre des principes juridiques de rang équivalent, simultanément applicables mais antinomiques ». Ceci étant dit, le contrôle de proportionnalité n’était pas consacré, de façon légale, en droit immobilier. Par conséquent, et nous rejoignons cette analyse, « il semble dangereux de reconnaître au juge, par principe, le pouvoir d’évincer la règle de droit, pour y substituer sa propre appréciation de l’opportunité d’une décision contraire, en fonction d’une prétendue disproportion entre la sanction légale et les effets susceptibles d’en résulter. Ce serait prendre un risque grave d’insécurité juridique, de rupture d’égalité devant la justice et d’imprévisibilité de l’application du droit » [28]. L’auteur poursuit en estimant que « c’est au législateur qu’il incombe de le prévoir, en droit immobilier notamment, quand cela paraît nécessaire aux exigences d’une bonne justice » [29].

C’est désormais chose faite avec l’article 1221 du Code civil. Le critère de « disproportion manifeste » est donc à rapprocher de la définition que l’on donne à celui de « contrôle de proportionnalité », à savoir un outil de pondération cherchant à trouver le juste équilibre. La jurisprudence, avant la réforme, semblait aller déjà dans ce sens dans le contentieux de la construction.

Ces deux conditions, qui doivent être analysés l’une à l’aune de l’autre sont porteuses, de bon nombre d’interrogations.

Comme l’évoque le Professeur Denis Mazeaud à propos du coût de l’exécution forcée en nature qui serait manifestement disproportionné et qui empêcherait donc la sanction d’être mise en place, « beaucoup agitent le chiffon rouge de l’insécurité juridique et lui reprochent de sacrifier le principe de la force obligatoire sur l’autel d’une vision utilitariste du contrat, et de porter une atteinte fatale au principe du respect de la parole donnée au nom de l’analyse économique du droit » [30]. Nous approuvons cette analyse qui nous amène à se demander, à la lecture du nouvel article 1221 du Code civil, si cette sanction apparaît comme étant juste et équilibrée. En effet, le but de l’article est de sanctionner le débiteur défaillant. Dans notre matière, par exemple, il s’agirait d’un constructeur ou d’un promoteur n’ayant pas respecté le cahier des charges contractuel. Donc, un constructeur qui aurait, par exemple, utilisé d’autres matériaux, sûrement moins onéreux, en lieu et place de ceux prévus par le contrat ou qui aurait manqué d’installer un élément d’équipement figurant, pourtant, dans les stipulations contractuelles.

Première largesse accordée au débiteur, et qui contredit donc la notion de sanction au regard d’une inexécution contractuelle ; sa bonne foi. La bonne foi a ici, selon nous, un rôle de garde-fou afin de ne pas ouvrir la porte à d’éventuels abus mais encore faudrait-il, au cas par cas, établir la mauvaise foi du débiteur, qui aurait donc agit sciemment, afin de se détourner des prévisions contractuelles. En d’autres termes, le premier écueil pour le créancier déçu sera de prouver la mauvaise foi de son cocontractant dans l’inexécution de son obligation. Ce qui n’est, déjà pas une mince affaire au regard du le pouvoir d’appréciation assez large des juges concernant ce point.

Les difficultés du créancier ne s’arrêtent, évidemment, pas ici. L’article 1221 du Code civil nous explique donc que l’exécution forcée en nature ne peut être accordée si le coût pour le débiteur de bonne foi est manifestement disproportionné [31] au regard de l’intérêt du créancier. La prise en compte de cet élément économique pourrait déstabiliser les juristes. Comment va-t-on pouvoir ériger une balance harmonieuse entre un coût pour le débiteur et un intérêt pour le créancier ? Surtout, que le coût pour le débiteur, donnée numérique apparaît bien trop concrète pour l’intérêt du créancier qui est éminemment subjectif surtout en droit de la construction. Cet intérêt peut être de divers ordres.

Dans un premier temps, au regard de la complexité de l’acte de construire qui nécessite de multiples autorisations d’urbanisme (permis de construire, permis de démolir, permis d’aménager, déclaration préalable de travaux) dont le manquement peut mener à une condamnation pénale [32]. Plus encore, et dans l’exemple de la sous-traitance, l’exposition du maître d’ouvrage à une non-conformité en raison d’une défaillance d’un sous-traitant pourra lui faire craindre, à son tour aux sanctions de l’article 1217 du Code civil (nous pensons, par exemple, au non-respect des normes impératives de constructions (normes de sécurité incendie, parasismiques, thermiques ou d’accessibilité aux personnes handicapées). Dans un second temps, c’est sans compter le respect du droit des tiers qui doit être pris en compte dans l’édification d’une construction comme le précise le Professeur Durand Pasquier « si le défaut d’implantation entraîne un empiètement et que ce dernier, sévèrement sanctionné par la cour de cassation, expose le maître à une demande en démolition de la part de ses voisins, les intérêts du maître seront tels que le juge ne pourra qu’accorder la demande en exécution forcée présentée contre le constructeur » [33].

En raison de la gravité des conséquences qui pourraient peser sur le créancier dont l’obligation n’a pas été effectuée correctement, la disproportion entre le coût que cela reviendrait au débiteur de bonne foi d’exécuter la convention et l’intérêt pour le débiteur ne soit pas si manifeste que cela en notre matière. Ainsi, les inquiétudes exposées précédemment ne semblent pas justifiées, du moins en droit de la construction, en raison de la spécificité de la matière.

Toutefois, la jurisprudence n’a pu s’empêcher d’apporter quelques précisions à l’interprétation qu’il convient de donner à l’article 1221 du Code civil.

B) L’application anticipée du nouvel article 1221 du Code civil par la jurisprudence, gare à la précipitation !

À ce sujet, les vœux de la doctrine étaient assez clairs « on ne peut que souhaiter, de manière générale, que ce pouvoir de contrôle de proportionnalité du juge soit encadré par la loi et non pas, simplement, laissé à sa seule initiative et que la Cour de cassation ne se voit pas attribuer le pouvoir de s’arroger une telle prérogative qui lui permettrait d’écarter librement de sa seule mission, traditionnelle dans notre système juridique continental, de contrôle de légalité » [34].

Il n’en n’est rien. La jurisprudence a fait sienne l’interprétation de l’article 1221 du Code civil à des litiges dont les faits ne pouvaient être régis sous l’empire de la loi nouvelle.

Dans un premier temps, deux arrêts du 10 et 17 novembre 2021 rendus par la 3ème chambre civile [35]. Le premier n’était qu’une sorte de préambule de l’utilisation de la nouvelle disposition. En l’espèce, le maître d’ouvrage a assigné le constructeur d’une maison individuelle en reprise d’un défaut affectant le carrelage. Toutefois, cette reprise impliquait la démolition d’un bon nombre d’ouvrages connexes (mur de la porte d’entrée, plafond de la pièce). La question était donc de savoir si le maître d’ouvrage pouvait exiger du constructeur une exécution forcée en nature, techniquement possible mais laborieuse d’un point de vue financier. Il était donc question, alors que les faits de l’arrêt ne sont pas soumis à la nouvelle loi mais à l’ancien article de 1184 du Code civil, de l’examen d’une proportionnalité entre la réparation en nature et le coût, a priori excessivement onéreux, pour le débiteur défaillant.

La Cour de cassation rejette la demande du maître d’ouvrage au motif qu’« appréciant souverainement les modalités de la réparation du préjudice, la cour d’appel a retenu que l’atteinte esthétique mineure subie par l’ouvrage était intégralement réparée par l’allocation d’une somme dont elle a déterminé le montant ». La solution est sensiblement la même concernant l’arrêt du 17 novembre 2021 doté, toutefois, d’une motivation davantage enrichie. En effet, la Haute Juridiction, confrontée à une problématique similaire à celle exposée dans l’arrêt du 10 novembre 2021 [36], a estimé que « les non-conformités invoquées (…) étaient soit non établies, soit dénuées de gravité, et que le respect des règles de l’art et de la réglementation en vigueur était assuré après réalisation des travaux ordonnés, la cour d’appel, (…), a pu en déduire que la demande tendant à la démolition et à la reconstruction des maisons, qui se heurtait au principe de proportionnalité des réparations au regard de l’absence de conséquences dommageables des non-conformités constatées, devait être rejetée ».

Ainsi, alors que le contrat n’était pas soumis au nouvel article 1221 du Code civil, la Cour de cassation opère, tout de même, un contrôle de proportionnalité dont elle ne se cache pas. Par conséquent, alors que nous affirmions précédemment que l’article 1221 du Code civil était une réelle innovation de la réforme, il en résulte à la lecture de l’arrêt étudié que « difficile d’être plus explicite. Le mot est lâché : la demande d’exécution forcée en nature peut se heurter au principe de proportionnalité dont l’article 1221 apparaît comme une simple consécration législative » [37]. Au moins, ces arrêts ont le mérite de nous en apprendre un peu plus sur ce que l’on entend par « disproportion manifeste ». L’on se rend compte que la casuistique sera le maître mot en la matière.

Deux autres arrêts rendus le même jour, assez remarqués [38], ont procédé à « une application anticipée et des plus contestables du nouvel article 1221 du Code civil » [39] En effet, les deux arrêts, de demandeurs différents, ont abouti à la même conclusion à savoir « qu’il était totalement disproportionné de demander la démolition d’un immeuble d’habitation collective dans l’unique but d’éviter aux propriétaires d’une villa le désagrément de ce voisinage, alors que l’immeuble avait été construit dans l’esprit du règlement du lotissement et n’occasionnait aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’existence d’une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande d’exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l’allocation de dommages-intérêts ».

Il apparaît, de ce fait, que la Cour de cassation se dirige vers la fin de la démolition systématique en présence d’un manquement à une obligation contractuelle

Toutefois, cela n’est pas sans encombre.

En effet, à la lecture, nous n’apercevons pas la vérification des quatre conditions de fond exigées par l’article 1221 du Code civil. En effet, ce dernier exige la bonne foi du débiteur défaillant afin de pouvoir contrôler si le coût de l’exécution forcée en nature n’est pas disproportionnée. Où se trouve, en l’espèce, la vérification de cette condition pourtant nécessaire à éviter les débiteurs malveillants ? Plus encore, l’article 1221 précise que la disproportion doit exister mais surtout, elle doit être « manifeste ». En l’espèce, ni les juges du fond, ni ceux de cassation ne s’étendent sur ce que l’on doit entendre par « disproportion manifeste ». Ces derniers se contentent de caractériser la disproportion entre la démolition, puis la reconstruction du bâtiment, et son coût pour le débiteur puisque, selon l’expert, « la construction réalisée, située à l’arrière de la villa n’occultait pas la vue dont ils bénéficiaient, l’expert étant d’avis qu’il n’en résultait pas une situation objectivement préjudiciable mais seulement un ressenti négatif » pour les demandeurs alors qu’en l’espèce, la construction édifié contrevenait clairement au cahier des charges du lotissement et, partant, aux stipulations contractuelles. En d’autres termes « un seul ressenti négatif » constaté par un expert, donc par un tiers qui ne peut émettre un tel jugement sur le ressenti des maîtres d’ouvrage, est de nature à fermer la porte à l’application de l’article 1221 du Code civil. Cela donne une idée de ce que la jurisprudence va entendre, dans le futur, la condition de la disproportion dans la mesure où l’on remarquera que la Cour de cassation relève que la situation est « totalement disproportionnée » et non « manifestement disproportionnée », reste à savoir si ce défaut de langage perdurera. Dans cet arrêt, il est clair que « désormais, au droit discrétionnaire du créancier, on substitue l’arbitrage du juge qui appréciera si l’exécution forcée conduit à une disproportion manifeste (…) arbitraire du juge, arbitraire encore une fois de l’expert chargé de chiffrer les travaux de mise en conformité (…) aura tendance à rechercher si cette inexécution a causé un préjudice confondant alors inexécution contractuelle et préjudice en résultant » [40].

Cette dernière ayant été, justement, caractérisée, il convient d’en analyser les conséquences. Dans la mesure où l’exécution forcée en nature ne peut avoir lieu, le créancier se retrouve détenteur d’une somme d’argent allouée au titre des dommages intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Néanmoins, son contrat n’est toujours pas exécuté. Ce dernier va devoir alors, soit retrouver un entrepreneur en qui il va devoir nouer un lien de confiance (le louage d’ouvrage étant un contrat de prestation de services, la personne de l’entrepreneur est d’une importance capitale) et sûrement prendra-t-il du retard dans l’édification de son projet. Dans le pire des cas, il renoncera à la construction de son ouvrage et le contrat aura été, finalement, inutile et décevant puisqu’il s’est soldé par un échec.

En occultant certaines conditions prévues par l’article 1221 du Code civil dans la résolution d’un litige n’étant pas soumis à son autorité, la Cour de cassation condamnerait-elle la disposition par avance ? S’agit-il d’une interprétation contra-legem par anticipation ? Nous nous permettons d’en douter, et presque de l’affirmer, au regard d’un arrêt encore plus récent du 6 juillet 2023 aux termes duquel la Cour de cassation va encore plus loin, en appliquant le régime de l’article 1221 du Code civil à une autre sanction : celle de la responsabilité contractuelle de l’article 1231 du Code civil et plus précisément, sur l’opportunité de l’allocation de dommages intérêts [41].

En l’espèce, les maîtres d’ouvrage ayant constaté un défaut de conformité des hauteurs sous plafond ont réclamé l’indemnisation de leur préjudice à hauteur du coût de la démolition et de la reconstruction de l’ouvrage. Dans sa motivation, la Cour de cassation va estimer, dans un premier temps, qu’ « en l’état de la jurisprudence, la demande de démolition et de reconstruction peut faire l’objet d’un contrôle de proportionnalité lorsqu’elle est formée au titre de l’exécution forcée ou en nature du contrat, tandis que si elle est présentée sous le couvert d’une demande de dommages-intérêts d’un montant égal à celui de la démolition et de la reconstruction, le juge saisi, qui apprécie souverainement les modalités de réparation et leur coût, n’est pas tenu à un tel contrôle ».

Elle va poursuivre en affirmant que « la différence de traitement qui en résulte (…) n’apparaît pas justifiée ». Par conséquent, et dans les deux cas, « le juge doit rechercher (…) s’il n’existe pas une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier au regard des conséquences dommageables des non-conformités constatées ». Le lecteur l’aura constaté, la Cour de cassation a étendu le contrôle de proportionnalité figurant à l’article 1221 du Code civil, non pas à une demande tendant à empêcher l’exécution en nature d’une obligation en raison d’une disproportion manifeste mais bien à une demande d’allocation de dommages-intérêts relevant de la responsabilité contractuelle et, partant, de l’article 1231 du Code civil. Certes, il existe, désormais, une forme de cohérence concernant les différentes sanctions [42].

Toutefois, cette décision apparaît riche d’enseignements notamment concernant le rôle du juge. Non seulement la Cour de cassation s’arroge un pouvoir dont elle ne dispose pas, mais le lecteur n’en sera pas surpris en décidant d’appliquer une méthode qui ne correspond pas à la sanction invoquée.

Finalement, nous avions voulu ne pas être trop pessimiste quant au devenir du nouvel article 1221 du Code civil. Nous avions même estimé certains auteurs trop sévères avec les promoteurs qui, craignant les solutions contestées de la Cour de cassation, s’empressaient d’accomplir leurs engagements.

Ne sommes-nous pas contraints de constater que « la sécurité des contrats de construction est déjà bel est bien comprise par ces innovations » dans la mesure où « instaurer la proportionnalité dans le contentieux de l’exécution du contrat est une fausse bonne idée. C’est ouvrir la boîte de Pandore (…) grande sera pour lui la tentation de s’en remettre à l’expert, désormais omniprésent » [43] ? Au regard des arrêts étudiés, ne serait-on pas face à un sacrifice de la force obligatoire de la convention, pourtant érigé en principe, face à la volonté d’une seule partie ayant décidé, ou parfois ayant été contrainte mais dans la mesure où le critère de bonne foi n’est pas vérifié par la Cour de cassation le doute est permis, de ne pas exécuter son obligation contractuelle ?

La Cour de cassation qui, fut auparavant, si intransigeante, en matière d’inexécution contractuelle dans le domaine de la construction et prononçant, de façon systématique, des démolitions reconstructions quel que soit le prix financier se met, brusquement, à protéger les constructeurs qui ne remplissent pas leur obligation contractuelle et donc, à desservir les maîtres d’ouvrage. Un changement radical de position mettant à mal, non seulement le nouvel article 1221 du Code civil qui va trouver peine à trouver une cohérence jurisprudentielle mais également, et surtout, les différentes prévisions économiques effectuées sur les chantiers.

L’interprétation de l’article 1221 du Code civil à des faits soumis à son application sera à observer de très près afin de constater si le droit immobilier souffre, ou profite, d’une interprétation différente comparée aux autres matières car n’oublions pas que « ceux qui s’avancent trop précipitamment reculeront encore plus vite » [44].

Johanna Israel Doctorante en droit immobilier - Université Paris Panthéon-Assas

[1Code civil, Code de l’urbanisme, Code de la construction et de l’habitation, Code de l’environnement sans compter les normes figurant dans les différents codes de droit public.

[2Rapport remis au Président de la République, ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, p.29.

[3Durand-Pasquier G., L’incidence des nouvelles règles relatives à l’inexécution des contrats sur les actes du droit immobilier et de la construction, RDI, 2016, p.355.

[4En effet la sanction est ainsi définie comme suit « punition, peine infligée » selon Cornu G., Vocabulaire juridique, PUF, 14ème édition, p. 947.

[5Ibid.

[6Ibid.

[7Tallon D., Les remèdes, in Le contrat aujourd’hui : comparaisons franco-anglaises, LGDJ, 1987 ou plus récemment, v. GUIDO A., Réflexions sur le projet de réforme du droit des contrats, in RIDC, vol. n°67, n°4, p.877-899.

[8Larousse en ligne.

[9Larousse, Le Thésaurus, Dictionnaire des analogies, 2014, v. Remèdes ou « ressource ».

[10Avant-projet du 25 février 2015 en son article 1217 qui disposait, en son dernier alinéa, que « les remèdes qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulés ; les dommages et intérêts peuvent s’ajouter à tous les autres remèdes ».

[11Gavanon I., Recette formelle, recette tacite : la vision des juges du fond, Dalloz Actualités, 9 décembre 2020 ou Franciscot T., Controverse sur la promesse unilatérale de contrat après la réforme du 10 février 2016, AJ Contrat 2016, p.479.

[12Même si certains auteurs semblent convaincus du contraire notamment le Professeur Mekki qui estime qu’ « on peut cependant se demander si le terme remède est adéquat (…) En outre, n’est-ce pas se référer, sans nécessité, à un anglicisme maladroit ? Le terme de sanction aurait pu convenir sans succomber aux tentations de la modernité aigüe » Mekki M., Les remèdes à l’inexécution dans le projet d’ordonnance portant réforme du droit des obligations, Gaz. Pal., 30 avril 2015, n°120.

[13Ibid.

[14Rapport remis au Président de la République, ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, p.29.

[15La Cour de cassation rappelant cette faculté de choisir depuis de nombreuses années, l’article 1217 ne consacrant pas une solution inédite. En effet, la Haute Juridiction a eu l’occasion d’affirmer que « le créancier d’une obligation contractuelle de somme d’argent demeurée inexécutée est toujours en droit de préférer le paiement du prix au versement des dommages intérêts ou à la résolution de la convention » (1ère civ., 9 juillet 2003, n°00-22.202).

[16Tallon D., L’inexécution du contrat : pour une autre présentation, RTD Civ., 1994, p.223.

[17Ce dernier affirmant, à raison, que « le régime de l’inexécution contractuelle constitue assurément l’une des carences du Code civil, dont les règles en la matière sont éparses et incomplètes » p.29.

[18Durand-Pasquier G., L’incidence des nouvelles règles relatives à l’inexécution des contrats sur les actes du droit immobilier et de la construction, RDI 2016, p.355.

[19Compte rendu du conseil des ministres - 10 février 2016 aurait dû étendre cette volonté à tous les articles de la réforme.

[20En effet, la jurisprudence a estimé que le juge ne peut prononcer en même temps l’exécution forcée et la résolution (en ce sens, 3ème civ., 25 mars 2009, n° 08-11.326). Il en va de même si le créancier essaie d’invoquer de façon successive l’exécution forcée et la résolution (3ème civ., 20 janvier 2010, n°09-65.272).

[21Ibid.

[22Les auteurs ont, tous, souligné que « le texte rompt avec la primauté de l’exécution forcée en nature qui jusque-là non seulement permettait au créancier d’une obligation contractuelle d’en réclamer l’exécution forcée, mais imposait également au juge de faire droit à sa demande » Durand-Pasquier G., L’incidence des nouvelles règles relatives à l’inexécution des contrats sur les actes du droit immobilier et de la construction, op. cit.. Le Professeur Tournafond ajoutant que « la possibilité pour le créancier d’exiger l’exécution en nature a toujours été admise. Sur ce point, le droit continental s’est toujours distingué de la common law dans laquelle l’inexécution contractuelle ne donne lieu en principe qu’à des dommages-intérêts ». Tournafond O. et Tricoire J.P., Les contrats de construction face aux nouvelles orientations du droit des contrats - Synthèse des difficultés d’application de l’ordonnance du 10 février 2016, RDI 2016, p.391.

[23La jurisprudence reconnaissait au créancier une sorte de « droit inconditionnel à l’exécution forcée lorsqu’elle était possible » notamment par des arrêts incontournables en la matière ayant prononcé, peu ou prou, les mêmes solutions. En effet, dans quasi tous les arrêts, la Cour de cassation a condamné le constructeur à la démolition, puis à la reconstruction d’ouvrage pour des défauts minimes (parfois pour un défaut d’altimétrie de 33 cm). V. en ce sens, 3ème civ., 16 juin 2015, n°14-14.612, 3ème civ., 11 mai 2005, n°03-21.136, 3ème civ., 17 septembre 2014, n°, ou encore, 3ème civ., 20 décembre 2018, n°17-22.467, 3ème civ., 4 mars 2021, n°19-24.176. La jurisprudence semblait donc bien installée et rencontrait de fortes désapprobations (v. Vitale L., Application du contrôle de proportionnalité à la demande de réparation égale au montant de la démolition/construction, JCP n°46, 17 novembre 2023, p.1206). Par conséquent, « le droit d’obtenir l’exécution en nature d’un contrat s’est avéré être un droit purement discrétionnaire qui n’était même pas susceptible d’abus » (Tournafond O. et Tricoire J.P., Les contrats de construction face aux nouvelles orientations du droit des contrats - Synthèse des difficultés d’application de l’ordonnance du 10 février 2016, op. cit.). Cette jurisprudence rappelant celle rendue en matière d’empiètement puisque selon une jurisprudence assez constante « la Cour de cassation juge que tout propriétaire est en droit d’exiger la démolition d’un ouvrage qui empiète sur sa propriété, si minime soit l’empiètement » sans que ce droit, revendiqué par le propriétaire « ne puisse dégénérer en abus de droit » v. Cour de cassation, étude annuelle 2019 « La propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation », La Documentation française, p. 105.

[24Il poursuit en estimant que ce qui dissuade le promoteur « c’est la crainte de voir l’accédant réclamer l’exécution en nature des promesses contractuelles, surtout si celle-ci entraîne des coûts hors de proportion avec l’économie réalisée, donc dissuasifs », Tournafond O. et Tricoire J.P., Les contrats de construction face aux nouvelles orientations du droit des contrats - Synthèse des difficultés d’application de l’ordonnance du 10 février 2016, op. cit.

[25La propriété dans la jurisprudence de la Cour de cassation - Étude annuelle 2019, p.119.

[26Aristote, Ethique de Nicomaque, Flammarion, 1992, V, chap. 3, pp. 142-143.

[27Ibid.

[28BergeL J.-L., Le contrôle de proportionnalité en droit immobilier : Danger ! in Le juge judicaire face au contrôle de proportionnalité, Agresti J.-P., (dir), Droits, pouvoir et sociétés, p.121.

[29Ibid.

[30Mazeaud D., L’exécution forcée en nature dans la réforme du droit des contrats, D.2016, p.2477.

[31Pour une étude comparative entre le coût manifestement disproportionné et l’onérosité excessive, qui ne doivent pas être confondus, v. Horn S., La distinction entre onérosité successive et coût manifestement disproportionné dans le nouveau droit des contrats, AJ contrat 2019, p.333.

[32Les articles L480-1 à L480-7 du Code de l’urbanisme prévoyant des condamnations allant de l’interruption des travaux jusqu’à une amende de 15 000 euros et de six mois d’emprisonnement.

[33Durand-Pasquier G., L’incidence des nouvelles règles relatives à l’inexécution des contrats sur les actes du droit immobilier et de la construction, op. cit.

[34Bergel J.-L., Le contrôle de proportionnalité en droit immobilier : Danger ! in Le juge judicaire face au contrôle de proportionnalité, op. cit. p.122.

[353ème civ., 10 novembre 2021 n°20-19.323 et 3ème civ., 17 novembre 2021, n°20-17.218.

[36En l’espèce, il s’agit toujours d’un contrat de construction de construction individuelle, avec fourniture de plans cette fois-ci, le demandeur ayant assigné le constructeur en demandant la « démolition-reconstruction des maisons et la réalisation des travaux nécessaires à la livraison de maisons strictement conformes aux stipulations contractuelles ».

[37CASU G., De la proportion dans l’exécution forcée en nature du CCMI ! RDI 2022, p.95.

[383ème civ., 13 juillet 2022, n°21-16.407 et 3ème civ., 13 juillet 2022, n°21-16.408.

[39Genicon T., Exécution forcée en nature du contrat : une violation anticipée du nouvel article 1221 du Code civil ? D.2022, p.1647.

[40Tournafond O. et Tricoire J.P., Les contrats de construction face aux nouvelles orientations du droit des contrats - Synthèse des difficultés d’application de l’ordonnance du 10 février 2016, op. cit.

[413ème civ., 6 juillet 2023, n°22-10.884.

[42Cormier M., L’extension du contrôle de la disproportion manifeste de l’exécution forcée aux dommages-intérêts en matière contractuelle, D.2023, p.1843.

[43Tournafond O. et Tricoire J.P., Les contrats de construction face aux nouvelles orientations du droit des contrats - Synthèse des difficultés d’application de l’ordonnance du 10 février 2016, op. cit.

[44Mencius, philosophe chinois.

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