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Dossier DALO : 5 questions à se poser avant de se lancer. Par Soumia Aziria, Avocat.
Parution : mercredi 7 février 2024
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La question du logement reste, en France, au cœur de toutes les préoccupations. Selon le rapport annuel de la fondation Abbé Pierre sur l’état du mal logement en 2024, il y aurait 4,2 millions de personnes mal logées. Plus de 2 millions de ménages sont toujours en l’attente d’un logement social.

Le droit au logement est pourtant un droit fondamental. Il trouve notamment sa source dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 garantit à chacun « des moyens convenables d’existence ».

Le principe posé, le législateur a multiplié les initiatives en faveur du logement – par les lois Quilliot, Mermaz et Besson – mais ces dernières se sont révélées insuffisantes.
C’est dans le souci d’y remédier que la loi du 5 mars 2007, dite « loi DALO » a été pensée et promulguée. Elle fait de l’Etat un garant du droit au logement, et permet aux personnes défavorisées d’être reconnues prioritaires afin de faire valoir leur droit à un logement digne et décent.

Pour y prétendre, la loi définit toutefois une procédure à mettre en œuvre et des démarches à effectuer. Il est donc nécessaire, avant de déposer son dossier DALO, de cerner l’ensemble du dispositif, et de se poser 5 questions fondamentales avant de se lancer

Question n°1 : Ai-je droit au DALO ?

Conditions :

Pour initier un recours DALO, il faut satisfaire 3 conditions :

Critères d’éligibilité :

Nul ne peut déposer un dossier DALO s’il ne répond pas, en sus des conditions susvisées, à un ou plusieurs des critères ci-dessous :

Question n°2 : Quel dossier DALO dois-je fournir ?

Pour être reconnu prioritaire DALO, il faut déposer ou adresser un formulaire CERFA, accompagné de toute une série de documents, auprès de la commission de médiation (COMED) établie dans la préfecture la plus proche de son lieu de résidence. Idéalement, il faut se faire accompagner par une association ou un avocat pour remplir correctement le dossier et les motifs du recours au DALO (SDF, locaux impropres, logement inadapté, suroccupation des locaux).

Le dossier DALO doit être rempli, signé et envoyé en recommandé au secrétariat de la commission. Une fois les justificatifs joints vérifiés, ce dernier adresse au demandeur un accusé de réception qui fait courir le délai de réponse de la commission de médiation. Celle-ci se réunit pour décider, dans les 3 mois (6 mois pour l’outre mer), du caractère prioritaire ou non de la demande.

Selon la situation du demandeur, un certain nombre de pièces justificatives pourront être fournies. Certaines sont obligatoires, d’autres recommandées. Dans tous les cas, il est conseillé de joindre le plus d’éléments authentifiant la condition du demandeur.

Identité et situation familiale :

Ressources :

Logement :

Démarches préalablement effectuées :

Handicap : carte d’invalidité, certificats médicaux…

Question n°3 : Mon recours DALO est accepté, et après ?

Si la commission a déclaré, après étude du dossier DALO, le demandeur prioritaire, elle lui notifie par lettre recommandée sa décision. Parallèlement elle en informe le préfet, en lui précisant l’ensemble des caractéristiques du logement. Celui-ci doit proposer à l’usager, un logement en urgence conforme à sa situation personnelle, familiale, et financière.

Les services préfectoraux disposent, à cet effet, d’un délai de 3 mois. Il est augmenté à 6 mois pour les départements de l’outre-mer et ceux comportant au moins une agglomération, ou une partie d’une agglomération, de plus de 300 000 habitants (article R.441-16-1 du code de la construction et de l’habitation).

Le locataire doit continuer à mettre à jour et/ou renouveler sa demande de logement social.

A défaut d’offres de logement dans le délai imparti de 6 mois, 2 recours (successifs ou simultanés) sont envisageables. Attention, le délai de recours est enfermé dans un délai court, mais ils sont indiqués sur la décision DALO.

Le recours en injonction

Dans le délai de 4 mois, le demandeur adresse au tribunal administratif une requête motivée rappelant la décision de la commission de médiation (à joindre) et le fait qu’il n’ait reçu aucune offre de logement malgré la reconnaissance du caractère prioritaire de son dossier.

Théoriquement, le juge statue en urgence dans un délai de 2 mois à compter de sa saisine (article L441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation). En pratique, en fonction des juridictions, le délai est plus long. Si le juge constate que le préfet a manqué à son obligation de proposition de logement, il lui donne ordre d’appliquer la décision de la COMED, éventuellement sous astreinte.

Le recours à l’avocat n’est pas obligatoire mais fortement recommandé. L’usager prioritaire peut également se faire assister par les services sociaux ou une association spécialisée.

Le recours en indemnisation

A l’expiration du délai imparti au préfet et sans limitation de durée, le requérant peut former un recours indemnitaire.

- Dans un premier temps, il adresse, en recommandé avec accusé de réception, un courrier au préfet dont il joint la décision de la commission ainsi que l’évaluation du préjudice qu’il estime subir du fait de sa défaillance.

- S’il reçoit une réponse négative ou aucune réponse dans le délai de 2 mois, il saisit le tribunal administratif pour que le magistrat ordonne le paiement au demandeur d’une somme visant à compenser le préjudice lié au non-respect de la décision de la COMED. Dans ce dernier cas, l’assistance d’un avocat est obligatoire.
Si la situation perdure après la première indemnisation, le demandeur pourra former d’autres recours indemnitaires.

Question n°4 : Ai-je droit de refuser un logement DALO ?

Lorsque le préfet satisfait, initialement ou après condamnation, son obligation de proposition de logement, le demandeur DALO ne peut, en principe, refuser l’offre qui lui est faite, faute de quoi il perdrait le bénéfice du caractère prioritaire de sa demande (CE 28/03/2013).

Pour autant, il n’est pas contraint à accepter n’importe quelle proposition du fait qu’il soit bénéficiaire d’un dispositif social. Les juridictions admettent, en effet, qu’il puisse exister des motifs légitimes ou impérieux de refus, tels que :

En revanche, décliner un logement en rez-de-chaussée faisant craindre le demandeur pour sa sécurité en cas d’infraction n’a pas été considéré comme un motif impérieux de refus (CE 10/01/2020).

Dans tous les cas, la proposition de logement doit tenir compte des besoins et capacités du demandeur.
Elle s’apprécie au regard des critères suivants :

Ces éléments sont laissés à l’appréciation des juges. Le tribunal administratif de Pau n’a, par exemple, pas qualifié de raison impérieuse le refus d’un logement situé dans une autre agglomération que celle où le demandeur souhaitait rester pour des raisons médicales, familiales et sociales, dès lors que le logement proposé était à une faible distance de l’agglomération et qu’il existait des moyens de transport en commun (TA Pau 19/05/2020).

Le demandeur qui estime que le logement proposé ne correspond pas aux caractéristiques spécifiques de son dossier DALO peut introduire un recours en injonction. Celui-ci s’exerce dans les mêmes conditions que l’absence de proposition du préfet dans les délais légaux, en vue d’obtenir d’autres offres de logement. Il devra, impérativement, veiller à argumenter et justifier son refus, au risque de perdre son statut prioritaire.

Question n°5 : Quelles voies de recours si mon dossier DALO est rejeté ?

La commission de médiation peut rejeter le recours DALO si elle estime que le requérant ne remplit pas les conditions et critères d’éligibilité.
Elle peut, par exemple, considérer que le demandeur :

La notification de décision de la COMED fait état des motifs du refus. L’usager qui s’estime léser peut alors exercer 2 recours (de manière successive ou simultanée) :

Recours gracieux auprès de la commission de médiation

Il doit être formé dans les 2 mois de la notification de rejet. Il se résume à l’envoi d’une lettre au président de la COMED, en recommandé avec accusé de réception, à laquelle le requérant joint la copie de la décision contestée, et son argumentation portant sur les motifs du rejet (précisions, nouveaux éléments…).

Le recours est examiné par la commission sous 2 mois. Si elle maintient sa décision initiale ou ne répond pas dans le délai, l’usager peut décider d’engager un recours contentieux auprès des tribunaux.

Recours en excès de pouvoir (REP) devant le tribunal administratif

Il doit être fait dans les 2 mois à compter de :

Il s’agira pour le requérant de demander au juge l’annulation de la décision de la commission de médiation et de la contraindre à prendre une nouvelle décision dans un délai déterminé, éventuellement assorti d’une astreinte.

Les délais de traitement varient selon les tribunaux mais la procédure dure en moyenne 1 an.
Le recours à un avocat est vivement recommandé.

En cas d’urgence, il est possible de former un référé suspension en vue d’obtenir, dans de délais plus brefs, une décision provisoire.
Bien que la loi DALO soit une avancée importante dans la protection du droit au logement, elle connait malheureusement des limites. Le manque de logements disponibles face à une demande toujours croissante, la nécessité de recourir à la justice, et la complexité des démarches la rendent, en effet, perfectible.

Il est primordial de simplifier les processus administratifs, rendre les critères d’éligibilité du dossier DALO plus transparents et améliorer l’accès à l’information, afin d’assurer une mise en œuvre plus efficiente et équitable de ce dispositif.

Néanmoins, la loi DALO demeure un outil essentiel dans la lutte contre la précarité et joue un rôle majeur dans la réalisation d’une société où le droit au logement doit être une réalité pour tous.

Soumia Aziria, Docteur en droit Avocate au barreau de Paris https://aziria-avocat.fr/