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Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : quelle assiette ? Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : mardi 20 février 2024
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Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie à l’intéressé une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau (C. trav. art. L. 1235-3). Le texte est cependant muet sur le salaire de référence et une abondante jurisprudence s’est développée sur le sujet.

1) Les éléments de salaires inclus.

À titre préalable, bien que le texte ne le précise pas, l’indemnité est calculée sur la base de la rémunération brute du salarié précédant la rupture de son contrat de travail [1].

Au-delà, la jurisprudence impose de tenir compte de tous les éléments de salaire suivants dans l’assiette de l’indemnité pour licenciement abusif :
- La rémunération fixe et les éléments variables [2] ;

- Les primes et avantages en nature (logement, véhicule, etc.) [3] ;

- Les heures supplémentaires accomplies par le salarié sur la période de référence [4] ;

- En cas d’expatriation, les éléments de salaire tels que : indemnités de dépaysement, de double foyer et prime d’embarquement [5] ;

- Les rappels de salaire se rattachant à la période de référence [6].

Par ailleurs, l’assiette de calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est constituée par le salaire convenu et non par le salaire effectivement perçu [7].

2) Les éléments de salaires exclus.

À l’inverse, selon la jurisprudence, certains éléments de rémunération ne doivent pas être pris en compte dans la détermination de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Tel est le cas des éléments suivants :

- La gratification bénévole dont l’employeur fixe discrétionnairement les montants et les bénéficiaires et qui est attribuée à l’occasion d’un événement unique [8] ;

- Les plus-values réalisées par un salarié sur des stock-options, même si elles sont soumises à cotisations sociales [9] ;

- La distribution d’actions gratuites et l’attribution d’option sur titres, même si elles sont soumises au prélèvement de cotisations sociales [10] ;

- Les bonus récupérables des preneurs de risques travaillant au sein des établissements de crédit, des sociétés de gestion de portefeuille et des entreprises d’investissement [11].

Enfin, les indemnités non assujetties à cotisations (ex. remboursement de frais) ou les sommes perçues par les salariés au titre du régime légal de la participation aux résultats de l’entreprise ou de l’intéressement n’ont pas le caractère de salaire et sont donc à exclure de l’assiette de calcul.

3) Le critère de distinction.

Le fait qu’un élément de salaire soit soumis à cotisations ne suffit pas à admettre son inclusion dans l’assiette de calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet, comme indiqué ci-dessus (§ 2), le bonus discrétionnaire [12] ou les plus-values réalisées sur des stock-options [13] font l’objet d’une exclusion.

L’arrêt de la Cour de cassation du 15 novembre 2023 [14] rendu au sujet de la distribution d’actions gratuites et l’attribution d’option sur titres fournit un critère.

En effet, la Cour de cassation fonde en partie sa décision sur l’article L. 1234-5 du Code du travail relatif à la dispense de préavis en cas de licenciement.

Selon ce texte, « l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. »

Ainsi, il est tenu compte du salaire « habituel », versé en contrepartie du travail, à l’exclusion d’éléments exceptionnels que la jurisprudence analyse comme décorrélés de la prestation de travail.

Ce critère est d’ailleurs utilisé par la Cour de cassation pour la détermination de l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement.

Xavier Berjot Avocat Associé au barreau de Paris Sancy Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

[1Cass. soc. 22-6-1993, n° 91-43.560.

[2Cass. soc. 10-4-1991, n° 87-41.433.

[3Cass. soc. 3-12-1992, n° 91-45.617.

[4Cass. soc. 21-9-2005, n° 03-43.585.

[5Cass. soc. 14-5-2014, n° 12-27.928.

[6Cass. soc. 30-4-2003, n° 00-44.789.

[7CA Nancy 18-12-2000, n° 99-3230.

[8Cass. soc. 14-10-2009, n° 07-45.587.

[9Cass. soc. 30-3-2011, n° 09-42.105.

[10Cass. soc. 15-11-2023, n° 22-12.501.

[11CMF art. L. 511-84-1.

[12Cass. soc. 14-10-2009, n° 07-45.587.

[13Cass. soc. 30-3-2011, n° 09-42.105.

[14Cass. soc. 15-11-2023, n° 22-12.501.