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Les nouvelles règles professionnelles des Commissaires de justice sont publiées. Par Patrick Lingibé, Avocat.
Parution : mercredi 28 février 2024
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Cet article présente l’arrêté du 27 février 2024 portant approbation des règles professionnelles des commissaires de justice.

Il convient préalablement de rappeler que l’article 2 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 [1] dispose que :

« Un code de déontologie propre à chaque profession est préparé par son instance nationale et édicté par décret en Conseil d’Etat. Ce code énonce les principes et devoirs professionnels permettant le bon exercice des fonctions et s’applique en toutes circonstances à ces professionnels dans leurs relations avec le public, les clients, les services publics, leurs confrères et les membres des autres professions.
Les instances nationales mentionnées au premier alinéa sont l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, la Chambre nationale des commissaires de justice, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce et le Conseil supérieur du notariat.

Les instances nationales précisent par voie de règlement les règles professionnelles propres à assurer le respect du code de déontologie.

Pour les officiers publics et ministériels, ce règlement est approuvé par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ».

C’est pour assurer la mise en œuvre de l’article législatif précité qu’a été publié au Journal Officiel du mercredi 28 février 2024 l’arrêté du 27 février 2024 portant approbation des règles professionnelles des commissaires de justice.

Ce texte comporte une annexe intitulé « Règles professionnelles » qui comporte 47 articles répartis en 11 chapitres :

Cet arrêté valide le corpus de règles professionnelles applicables aux commissaires de justice (anciens huissiers) qui a été adopté par la chambre nationale des commissaires de justice lors de ses délibérations en date des 10 et 30 novembre 2022 et qui est annexée à cet arrêté, abrogeant ainsi l’arrêté du 18 décembre 2018 portant approbation du règlement déontologique national des huissiers de justice.

Notre commentaire se limitera aux dispositions essentielles de contenu dans ce règlement fixant les règles professionnelles applicables aux commissaires de justice.

L’article 1 du chapitre préliminaire traite des incompatibilités des commissaires de justice, lesquels doivent leur exercer profession à titre exclusif ainsi que toutes les activités qui s’y rattachent. Il leur est interdit, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement, sauf si la loi ou les règlements en disposent autrement :

1° D’être le salarié d’une société ou entreprise de commerce ou d’industrie ;

2° De s’intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère ;

3° De se servir de prête-nom en aucune circonstance même pour des actes autres que ceux désignés ci-dessus.

L’article 3 du chapitre 1er a trait aux obligations déclaratives en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. A ce titre, le commissaire de justice, en qualité de professionnel assujetti aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, est tenu de déclarer à TRACFIN toute opération dont il soupçonne qu’elle est liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme. La déclaration de soupçon doit être effectuée le plus tôt possible, a priori, dès la naissance du soupçon, ou a posteriori, pour les opérations déjà exécutées et qui se sont révélées suspectes tardivement. La déclaration doit ainsi indiquer tous les éléments d’identification du client ou bénéficiaire effectif de l’opération faisant l’objet de la déclaration, ainsi qu’un descriptif de l’opération et des éléments d’analyse qui ont conduit à effectuer la déclaration. Elle doit être accompagnée de toute pièce utile à son exploitation par TRACFIN.

L’article 5 du chapitre 2 traite de la communication extérieure. Le commissaire de justice dans sa communication auprès des médias, des réseaux sociaux et dans ses interventions publiques, peut promouvoir la profession sans faire de publicité personnelle ni de promotion de ses clients ou de tiers. Il doit veiller au respect du secret professionnel. Plus généralement, il doit se conformer aux préconisations en la matière de la chambre nationale et du collège de déontologie.

L’article 7 du même chapitre a trait aux objets promotionnels et précise que le commissaire de justice peut distribuer exclusivement à ses clients des objets promotionnels de faible valeur.

L’article 9 du chapitre identique concerne les noms de domaine, sites Internet, adresses de messagerie électronique. Le commissaire de justice, qui crée un site internet ou en modifie substantiellement le nom de domaine doit communiquer au service chargé de la tenue de l’annuaire professionnel de la chambre nationale, dans un délai de quinze jours, les noms de domaine qui permettent d’y accéder. Le nom de domaine du site internet doit comporter le nom du commissaire de justice ou la dénomination de la société titulaire de l’office en totalité ou en abrégé, qui peut être suivi ou précédé de la qualité « commissaire de justice » ou de son abréviation « CJ ». Ce nom de domaine peut comporter la référence à un domaine du droit, une activité ou une spécialisation reconnue par un certificat, relevant de celles de la profession dès lors qu’il est complété du nom du commissaire de justice ou de la société titulaire en totalité ou en abrégé. Il peut comporter un nom de ville, de département ou son numéro dès lors qu’il est complété du nom du commissaire de justice ou de la société titulaire en totalité ou en abrégé. Les noms de domaine des adresses de messagerie doivent suivre le même principe.

L’article 10 du même chapitre porte sur les interdictions qui frappent le site Internet. Le site Internet du commissaire de justice ne peut comporter :

Le commissaire de justice qui participe à un blog ou à un réseau social en ligne doit respecter les principes fondamentaux de la profession.

L’article 11 du chapitre 2 a trait aux dispositions relatives aux annuaires. Il précise que dans le respect des dispositions communes à toute communication, le commissaire de justice et sa structure d’exercice peuvent figurer dans tout annuaire, sous réserve que les mentions qui le concernent et le contenu de l’annuaire ne soient pas contraires aux principes fondamentaux de la profession. La mise en œuvre de dispositifs de référencement prioritaire doit respecter ces principes, notamment ceux de confraternité, loyauté et délicatesse. En particulier, l’achat de mots clés ne doit pas porter atteinte à la renommée d’autrui, ni constituer un acte de concurrence déloyale ou induire en erreur. Est ainsi notamment prohibé l’achat de mots clés correspondant au nom d’un office ou d’un confrère concurrent. De même, le référencement prioritaire dans une zone géographique où la compétence de commissaire de justice n’est pas monopolistique ne doit pas avoir pour effet de laisser croire à une clientèle potentielle que ce commissaire de justice est le seul présent sur cette zone et à pouvoir y instrumenter. Un tel référencement doit mentionner l’adresse postale de l’office et le lieu de réception de la clientèle.

L’article 12 du chapitre 3 concerne la signification des actes. Lors de la signification, le commissaire de justice doit transmettre l’acte, en garantir l’intégrité, fournir les explications nécessaires au respect du principe du contradictoire et les conseils utiles à la protection des droits du justiciable. L’acte doit mentionner l’identité de son signataire et l’office au sein duquel il exerce. Le procès-verbal de signification doit permettre de s’assurer de la nature des diligences accomplies afin de parvenir à une remise à personne et de confirmer la réalité du domicile. Si la remise à personne s’avère impossible, la collecte d’informations nécessaire à la rédaction de l’acte doit être diligente et respectueuse de la vie privée.

L’article 13 du même chapitre aborde les missions d’exécution du commissaire de justice. Lorsqu’il reçoit un mandat pour l’exécution forcée d’un titre, le commissaire de justice doit veiller à un juste équilibre entre la volonté de son client et son obligation de conseil. Il de ne doit accomplir que les actes nécessaires et proportionnés à la réalisation de sa mission. Lorsqu’il a engagé une procédure, le commissaire de justice doit veiller à accomplir les actes prévus par la loi pour garantir l’efficacité de la mesure ou éviter sa caducité.

L’article 15 du chapitre 4 a trait à la rigueur qui doit présidé à un constat. Le commissaire de justice et le clerc habilité aux constats doivent faire preuve de la plus grande rigueur lors de l’établissement des constats. Il doit effectuer lui-même les constatations. Il doit se rendre personnellement sur les lieux du constat. Il ne peut en aucun cas participer à une mise en scène ou un stratagème. Lorsqu’il est assisté par un tiers, le constatant doit conserver la maîtrise intellectuelle des opérations. Les mentions descriptives doivent être établies en toute indépendance, avec clarté et précision. A noter que lorsqu’il a achevé sa mission, il peut proposer aux parties d’entrer en médiation.

L’article 16 du même chapitre porte sur la loyauté de l’administration de la preuve. Sauf réquisition judiciaire, le commissaire de justice doit veiller au respect du caractère privé du domicile et, le cas échéant, doit recueilloir le consentement éclairé et exprès de l’occupant. Sauf les cas prévus par la loi ou sur réquisition judiciaire, le commissaire de justice est tenu de justifier au préalable de sa qualité, de préciser l’objet et l’étendue de sa mission et de le relater dans son procès-verbal. Dans le cas d’un constat contradictoire, si le commissaire de justice est prévenu que l’un de ses confrères sera présent personnellement sur les lieux des constatations, il doit également s’y rendre lui-même dans toute la mesure du possible, tant par courtoisie vis-à-vis de son confrère que par délicatesse à l’égard de son propre client.

L’article 18 du chapitre 5 a trait au pilotage. Le pilotage est un service qui consiste, pour un commissaire de justice dit « pilote », à transmettre à des confrères territorialement compétents des actes ou des dossiers confiés par un client. Le commissaire de justice pilote est rémunéré par le client qui lui confie ses dossiers ; le commissaire de justice mandaté par le pilote est rémunéré conformément au tarif. Le commissaire de justice pilote doit assurer, dans le délai maximum de deux mois, le paiement des frais exposés dans le cadre du mandat par son confrère. Le pilotage ne peut avoir pour effet de déroger aux règles tarifaires.

L’article 27 du chapitre 7 porte sur le comportement général du commissaire de justice vis-à-vis des créanciers et débiteurs. Au titre de son obligation de conseil, le commissaire de justice chargé du recouvrement amiable de créances doit préserver, dans la mesure du possible, l’état de la relation personnelle, commerciale ou professionnelle existant entre le créancier et le débiteur. Il ne doit pas tirer avantage de sa mission pour obtenir un mandat plus large. Il ne peut mettre ainsi, sous quelque forme que ce soit, les attributs de sa qualité d’officier ministériel, à la disposition d’un tiers. Il doit agir à l’égard du débiteur, avec tact, retenue et discernement. Il doit respecter la vie privée des personnes.

L’article 30 du même chapitre a trait aux démarches auprès du débiteur. Le commissaire de justice chargé du recouvrement amiable de créances ne doit employer aucun document ou aucune formulation, ni fournir une quelconque indication ou information, de nature à induire en erreur ou à créer une confusion dans l’esprit du débiteur sur la nature amiable de son intervention, à l’exception de celles visant à obtenir un titre exécutoire. Il doit veiller à rappeler au débiteur les conséquences légales du défaut de paiement de la dette et les voies de droit dont dispose le créancier. En aucun cas il ne doit user de menaces, de pression ou d’intimidation, ni adopter un comportement agressif ou intrusif envers le débiteur et ses proches. De même, il ne doit pas intervenir physiquement sur le lieu de travail du débiteur, sauf à la demande de celui-ci. Aucune autre somme que la créance elle-même ne peut être imputée au débiteur.

L’article 32 du chapitre 8 concerne l’indépendance et l’impartialité exigée en matière de médiation. Le commissaire de justice habilité à la médiation ne peut accepter une médiation lorsque des circonstances sont de nature à affecter son impartialité ou entraîner un conflit d’intérêts. Cette interdiction subsiste tout au long de la procédure.

L’article 35 du même chapitre rappelle le devoir de neutralité. La neutralité impose au commissaire de justice médiateur de ne porter aucune appréciation sur la solution, temporaire ou définitive, adoptée par les parties.

L’article 37 du chapitre 9 porte sur l’exercice de l’activité. Le commissaire de justice peut exercer l’activité accessoire d’administrateur d’immeubles à titre individuel ou en société. L’ensemble des commissaires de justice associés doivent avoir satisfait à leurs obligations déclaratives, mentionnées à l’article 29 du décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021. L’information prévue à l’article 29 du décret n° 2021-1625 du 10 décembre 2021 comprend la nature de l’activité exercée (gestion locative et/ou syndic de copropriété, le ou les lieux d’exercice, la forme d’exercice et, s’il exerce sous la forme d’une société) et la communication de la copie des projets de statuts ou les statuts enregistrés de la société et l’extrait d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, à charge pour la chambre régionale de faire remonter ces information à la chambre nationale. Il doit appliquer les règles générales relatives aux fonds qu’il détient pour le compte des tiers et notamment :

L’article 41 porte sur la signalétique de l’activité accessoire. Le commissaire de justice habilité à l’administration d’immeubles peut signaler ses activités immobilières par la pose d’une enseigne, d’un bandeau de façade ou d’une plaque professionnelle distincte de celle de commissaire de justice. Il peut posséder des bureaux avec vitrines, présentant des affiches des lots proposés à la location.

L’article 42 a trait aux sites internet portant sur l’activité accessoire. Un commissaire de justice exerçant l’activité d’administrateur d’immeubles peut posséder, à ce titre, un site professionnel sur le réseau internet. Les mentions figurant sur ce site doivent respecter les principes fondamentaux de la profession de commissaire de justice.

L’article 44 du chapitre 10 porte sur la déclaration des offices certifiées. Pour les offices qui entreprennent une démarche qualité susceptible d’aboutir, le cas échéant, à une certification de type ISO, l’obtention, le retrait ou la péremption du certificat doit faire l’objet d’une déclaration par l’office concerné à la chambre régionale ou interrégionale des commissaires de justice qui en informe aussitôt la chambre nationale.

L’article 46 du chapitre 11 a trait aux cotisations. Les cotisations, taxes, indemnités de compensation des transports et tout autre charge professionnelle à caractère obligatoire doivent être réglées dans les délais indiqués par les chambres régionales et la chambre nationale. L’absence ou le retard de paiement sont susceptibles d’entraîner une procédure de recouvrement et des sanctions disciplinaires.

L’article 47 porte sur la subrogation qui s’exerce en cas de défaillance d’un commissaire de justice. La chambre nationale qui, dans l’exercice de ses attributions, a payé tout ou partie de la dette due par un commissaire de justice défaillant ou par la société défaillante titulaire d’un ou plusieurs offices, est légalement subrogée, à due concurrence, dans les droits et actions du créancier qui a été réglé.

Cet arrêté rappelle donc les grands principes applicables aux commissaires de justice dans leurs relations avec notamment les justiciables et qui étaient déjà applicables aux anciers huissiers de justice.

Il s’inscrit dans l’exigence de transparence des professions règlementées posée par le législateur dans l’article 41 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire [2]. En effet, cette loi a imposé à chaque instance nationale de chaque profession règlementée d’édicter un code de déontologie permettant d’assurer une meilleure transparence dans les relations des professionnels concernés principalement avec leurs clients.

Conformément à l’article 3 de l’arrêté du 27 février 2024, ces nouvelles règles professionnelles entreront en vigueur à compter du vendredi 1er mars 2024.

Patrick Lingibé Membre du Conseil National des barreaux Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France Avocat associé Cabinet Jurisguyane Spécialiste en droit public Diplômé en droit routier Médiateur Professionnel Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM) www.jurisguyane.com

[1Ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels, Journal Officiel du 14 avril 2022.

[2Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, Journal Officiel du 23 décembre 2021