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1ʳᵉ Journée nationale de la relation magistrats-avocats : faire prospérer une déontologie partagée.
Parution : lundi 18 mars 2024
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Le 21 mars 2024, était à marquer d’une pierre blanche pour les magistrats, les personnels de greffe et les avocats, car en plus d’être la date anniversaire de la promulgation du Code civil, ce jour a donné lieu à la première édition de la journée nationale de la relation avocats-magistrats.
Cet événement, initié par le Conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats, a permis la tenue de colloques, notamment ceux de la Cour de cassation et du Conseil national des Barreaux, et de multiples autres temps de rencontre partout sur le territoire.
Cette journée semble répondre à une question que la Rédaction du Village de la Justice se pose régulièrement : comment, alors que ces professionnels (avocat, juge, greffier, procureur...) qui reçoivent pour la plupart la même formation initiale, ne semblent plus se connaître et se comprendre une fois entrés dans leur fonction, alors qu’ils participent tous au bon fonctionnement de la Justice ?

Pour connaître ce qui a motivé cet événement, en comprendre les enjeux, et savoir pourquoi une telle journée n’existait-elle pas déjà, nous nous sommes entretenus avec Jean-Raphaël Fernandez, Président de la Conférence des Bâtonniers. Cette dernière est l’un des membres du Conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats, et à ce titre, participe à la coordination des efforts de mobilisation et de participation des barreaux à travers le pays.

Focus sur les événements organisés lors de la Journée nationale de la relation magistrats-avocats.

Plusieurs acteurs, plusieurs événements, plusieurs formats... partout en France !

De nombreux barreaux et juridictions se sont mobilisés conjointement le 21 mars 2024, partout sur le territoire national, pour que les magistrats, personnels de greffe et avocats, se retrouvent pour échanger et partager sous la forme de petits-déjeuners, débats, projections de films, « battles », quiz, conférences... L’objectif ? Que ces professionnels qui travaillent ensemble au quotidien se connaissent mieux, se comprennent mieux, échanger sur des sujets d’intérêt partagé afin de réaliser un travail collectif plus efficient et fluide auprès des justiciables.
Retrouvez l’allocution d’ouverture de cette journée prononcée par Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation ici.

Entretien avec Jean-Raphaël Fernandez, Président de la Conférence des Bâtonniers.

Village de la Justice : Quelles ont été les motivations à la mise en œuvre de cette journée ?

"Instaurer un climat de confiance propice à un fonctionnement harmonieux de la Justice".

Jean-Raphaël Fernandez : « La mise en place de cette journée nationale, à l’initiative du Conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats [1], est motivée par plusieurs raisons. Elle vise tout d’abord à renforcer les liens entre ces professions clés de notre grande famille judiciaire. En favorisant les échanges et les interactions entre avocats, magistrats et personnels de greffe, cette journée a également pour but de promouvoir une meilleure compréhension mutuelle et d’instaurer un climat de confiance propice à un fonctionnement harmonieux de la Justice ».

Comment cela se fait-il qu’une telle journée de rencontre n’ait pas déjà eu lieu alors que ces professionnels (avocats, greffiers, magistrats) se côtoient au quotidien ?

« Des initiatives similaires à cette journée ont pu exister par le passé, mais à une échelle plus restreinte. Étant donné l’importance de renforcer les liens et la collaboration au sein de la communauté juridique à l’échelle nationale, il était nécessaire d’étendre cette initiative à tout le territoire.

La mise en place d’une journée nationale, telle que celle proposée par le Conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats, permet de rassembler l’ensemble des professionnels du droit, quel que soit leur lieu d’exercice, et de favoriser ainsi une interaction plus large et diversifiée. L’extension de cette initiative à tout le territoire national répond à un besoin de cohésion et de collaboration à une échelle plus vaste, permettant ainsi de renforcer l’unité au sein de cette famille judiciaire.

La famille judiciaire a aussi connu des épisodes douloureux ou des oppositions ont vu le jour entre certains professionnels et cette journée entend aussi participer à promouvoir toutes les initiatives de nature à éviter que de tels événements ne se reproduisent.

Les 163 barreaux de l’Hexagone et des Outre-mer, membres de la Conférence des bâtonniers, ont d’ailleurs largement répondu présents à cette initiative, démontrant ainsi leur adhésion et leur enthousiasme pour cette journée d’échange et de dialogue. Leur participation active renforce la dimension nationale de l’événement. À titre d’exemple, certains barreaux organisent des petits déjeuners avec quizz croisé de culture juridique par équipes avocats/magistrats, des tables rondes sur divers sujets, des débats, ou encore un échange de profession où magistrats et avocats inverseront leur rôle durant une demi-journée ».

Que signifie, pour les professionnels conviés, une telle journée d’échange ?

"Renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle".

« Pour les professionnels conviés, une telle journée d’échange revêt une grande importance. Elle leur offre l’opportunité de se réunir dans un cadre plus informel, mais tout autant constructif, loin des contraintes et des tensions du quotidien judiciaire. C’est l’occasion de faire connaissance, de partager des expériences, des points de vue et des bonnes pratiques, mais aussi de discuter des défis et des enjeux auxquels ils font face dans leur pratique professionnelle. Ces deux professions font aussi face à des difficultés importantes : manque de moyens, charge de travail sans précédent, conditions de travail difficiles… qui ont une incidence forte sur les professionnels et il est important qu’ils puissent parler sur tout cela.
Cette journée permet également de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté professionnelle et de valoriser le rôle essentiel que chacun joue dans le fonctionnement de la Justice ».

De façon plus générale, quels sont les objectifs attendus d’une telle initiative ? À quelles problématiques répond-elle ?

« Les objectifs attendus d’une telle journée sont multiples. Tout d’abord, elle vise à promouvoir la collaboration et la coopération entre avocats, magistrats et greffiers, afin d’améliorer la qualité et l’efficacité du service rendu aux justiciables. Elle cherche également à sensibiliser les professionnels aux enjeux éthiques et déontologiques qui sous-tendent leur pratique, en mettant en lumière les meilleures pratiques en la matière.

"Cette journée contribue à renforcer la confiance du public dans le système judiciaire".

De plus, en favorisant le dialogue et le partage d’expérience, cette journée contribue à renforcer la confiance du public dans le système judiciaire et à promouvoir une culture de transparence et d’intégrité ».

Une telle initiative est-elle amenée à se reproduire régulièrement ?

« Quant à la pérennité de cette initiative, tout dépendra de son succès et de l’engouement qu’elle suscitera auprès des professionnels du droit. Si la première édition de la journée nationale s’avère être un succès et répond aux attentes des participants, il est fort probable qu’elle soit amenée à se reproduire. Cela permettrait de consolider les liens entre les professionnels du droit, de promouvoir une culture de collaboration et de contribuer ainsi à l’amélioration continue du système judiciaire ».

Interview de Jean-Raphaël Fernandez réalisée par Marie Depay pour la Rédaction du Village de la Justice.

[1La charte constitutive du Conseil consultatif conjoint de déontologie de la relation magistrats-avocats a été signée le 26 juin 2019. Le conseil a pour objet de mettre du lien et de l’homogénéité en matière de déontologie entre les deux professions.
Notamment :

  • il émet des avis consultatifs, sans valeur normative, portant sur des difficultés d’identification, d’interprétation et d’application des questions déontologiques relatives à la relation magistrats-avocats, à partir de situations concrètes, non nominatives ;
  • il formule des recommandations, d’élaborer un référentiel de jurisprudence et un guide de bonnes pratiques en matière de déontologie et d’éthique des relations professionnelles magistrats – avocats ;
  • il met en évidence les domaines dans lesquels une intervention législative ou réglementaire apparaît souhaitable.

Le conseil est composé de représentants des professions de magistrats et d’avocats à savoir : la Cour de cassation, le Conseil supérieur de la magistrature, la Conférence nationale des premiers présidents de cours d’appel, la Conférence nationale des procureurs généraux près les cours d’appel, la Conférence nationale des présidents des tribunaux de grande instance, la Conférence nationale des procureurs de la République près les tribunaux de grande instance, l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers de France et l’Ordre des avocats au barreau de Paris.

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