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Proposition de loi : l’image des enfants enfin protégée sur internet ? Par Gerard Haas, Avocat.
Parution : mardi 12 mars 2024
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Le 6 février 2024, l’Assemblée nationale a unanimement et définitivement adopté la proposition de loi visant à responsabiliser les parents et à garantir le respect du droit à l’image des enfants, trop souvent exposés sur les réseaux sociaux à leur insu.

Cette pratique est aussi connue sous l’anglicisme de « sharenting ». La CNIL a d’ailleurs déjà alerté [1] sur cette problématique et ses dangers.

Selon les parlementaires et l’exécutif [2], un enfant apparaît en moyenne « sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans » [3].

Au-delà des « contenus sexualisés », a aussi été évoqué le cas des images « susceptibles de porter préjudice à l’enfant à long terme », parfois à l’origine de cyberharcèlement.

Mais surtout, 50% des contenus pédopornographiques échangés en ligne proviennent de photographies publiées par les parents eux-mêmes sur les réseaux sociaux [4].

La responsabilité des parents dans le droit à l’image des enfants.

Face à ces constats alarmants pour la protection de l’enfance, il est apparu indispensable de responsabiliser les parents. En effet, force est de constater qu’il appartient d’abord aux parents de veiller au droit à la vie privée de leur enfant tel qu’énoncé par le Code civil. [5] Mais pour cela, encore faut-il que les parents ne soient pas à l’origine de cette atteinte.

Plus précisément :

Le droit à l’image des enfants au cœur des préoccupations de la CNIL.

L’image en tant que telle ne constitue pas une donnée sensible au sens des dispositions du RGPD [10].

Cependant, la CNIL, consciente que l’usage frauduleux et détourné d’images de jeunes enfants peut les exposer à des dangers importants, a publié des recommandations qui soulignent qu’une attention particulière doit être portée aux personnes vulnérables que sont les mineurs.

La CNIL a été régulièrement saisie de plaintes adressées par des enfants souhaitant être accompagnés pour supprimer des comptes des réseaux sociaux, des photographies, des vidéos ou encore des enregistrements vocaux diffusés par leurs parents.

En pratique, il est apparu presque impossible pour ces enfants d’exprimer leur consentement à la diffusion de leur image sur les réseaux sociaux, surtout lorsque cette diffusion provenait de leurs parents.

La CNIL recommande également aux parents de redoubler de vigilance quant à l’utilisation des réseaux sociaux par leurs enfants, en particulier lorsque ces derniers n’ont pas encore atteint la majorité numérique.

Dans cette perspective, le législateur, comme la CNIL, se sont appuyés sur l’article 9 du Code Civil, en estimant que cette disposition, qui assure le respect de la vie privée, doit impérativement s’étendre aux enfants mineurs.

Nous ne pouvons que nous réjouir que le sujet de la protection en ligne des enfants soit saisi par nos autorités. Les problématiques intrafamiliales sont toujours très complexes à régler. Espérons que ces outils permettront d’améliorer la situation actuelle et de prévenir d’éventuelles dérives en sensibilisant parents comme enfants.

Dans cette optique, la proposition de loi fait état de plusieurs aménagements qui apparaissent désormais nécessaires pour assurer la protection de la vie privée des enfants sur la toile.

Gerard Haas Avocat associé fondateur du Cabinet Haas Avocats au barreau de Paris

[2chrome-extension ://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0758_proposition-loi.pdf

[3Children’s Commissioner for England, "Who knows what about me ?", 2018, p.2.

[4Rapports du National Center for Missing and Exploited Children.

[5Article 9 du Code civil.

[6Conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.

[7Nouvel article 372-1 du Code civil.

[8Article 226-1-2° du Code pénal.

[9Conformément à la modification de l’article 21 de la loi "Informatique et libertés".

[10Règlement Général sur la Protection des Données.