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Que peut-on encore attendre du régime marchand de biens ?
Parution : vendredi 19 février 2010
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Par le cabinet Arsene-Taxand.

Dans le cadre de la réforme attendue de la TVA immobilière, Bercy propose, notamment, de « relifter » le régime marchand de biens. Comme avant toute opération chirurgicale d’une telle ampleur, on peut s’interroger sur l’effet exact de ces nouvelles mesures : le régime sera-t-il plus ou moins attractif après cette opération ?

Quelle réforme ?

Le régime marchand de biens a plusieurs facettes selon la nature de l’impôt. Sa grande singularité tient toutefois dans son régime exceptionnel en matière de fiscalité indirecte. Le projet de réforme de la TVA immobilière, encore discuté au parlement, devrait modifier assez profondément ce régime particulier des marchands de biens. C’est l’occasion, par anticipation, d’en comprendre les nouveaux ressorts.

Droits d’enregistrement

On sait que les marchands de biens disposent d’un régime de faveur qui leur permet de voir réduit à 0.60% (taux effectif de 0,715% compte tenu du prélèvement de 0,1% pour frais d’assiette et de recouvrement) les droits qu’ils acquittent en cas d’acquisition d’un immeuble, contre 5.09% dans le droit commun. Cet avantage est conditionné par la revente de l’immeuble dans les 4 ans de son acquisition (2 ans pour les opérations de revente par lots déclenchant un droit de préemption des locataires).

Ce régime est soumis à la condition que celui qui revendique ce régime agisse véritablement comme un marchand de biens, autrement dit qu’il réponde aux conditions d’habitude et d’intention spéculative posées par l’article 35 du Code général des impôts. Par ailleurs, le bénéfice de ce régime requiert de l’opérateur qu’il déclare son activité de marchand de biens à l’administration fiscale et qu’il remplisse régulièrement un répertoire de ses achats et ventes.

Le nouveau projet de loi prévoit de simplifier ce régime en supprimant l’obligation de déclaration d’existence et la tenue d’un répertoire et de l’étendre à tout acquéreur effectuant une activité économique, dès lors qu’il aura pour intention de revendre le bien acquis. Au passage, le délai de 4 ans serait allongé d’une année pour passer à 5 ans.

TVA

Les marchands de biens disposent d’une singularité bien connue : la TVA sur la marge. Toutefois, ce régime n’est aujourd’hui pas conforme au droit communautaire (selon la directive TVA, l’assujettissement de la TVA sur la marge est optionnel, or le droit interne soumet automatiquement à la TVA sur marge les opérations de marchand de biens). Par ailleurs, il fallait faire correspondre cette réforme avec celle plus générale de la TVA immobilière qui devrait permettre de soumettre à TVA tout immeuble cédé par un opérateur qui le destinait à son activité immobilière (location en TVA, construction). En synthèse, le régime serait réformé de la manière suivante :

Le régime de la TVA sur marge deviendra optionnel : le choix d’exercer l’option pour la TVA sur marge sera généralement dicté par un bilan des avantages de l’option (récupération de la TVA sur les frais d’acquisition ou sur les travaux de rénovation) et ses inconvénients (impossibilité de refacturer la TVA sur la marge à des acquéreurs non assujettis).

Dans l’hypothèse où le marchand de biens acquiert un immeuble auprès d’un opérateur économique, il pourra demander à son vendeur de soumettre la vente à la TVA. Dans ce cas, l’acquisition et la vente de l’immeuble pourraient entrer dans le champ de la TVA ce qui en assurera la neutralité. Autre avantage, cette solution devrait permettre à un opérateur économique qui vend un immeuble à un marchand de ne pas procéder aux régularisations de TVA, qui en principe, ne sont pas facturables à un marchand.

Quel impact de la réforme ?

La réforme attendue devrait avoir un double effet. Tout d’abord, elle va banaliser le régime de faveur de droits d’enregistrement des marchands pour le diluer dans la notion plus vaste et éthérée d’ « opérateur économique ». Le côté positif, c’est que cette inflexion va permettre de détendre tant les conditions de forme que de fond qui permettaient de bénéficier d’une quasi exonération de droits de mutation. On ne peut que louer cette nouvelle souplesse en attendant que soient plus précisés les nouveaux contours de cette notion d’opérateur effectuant une activité économique.

Par ailleurs, le caractère optionnel tant de la TVA sur marge que de l’application de la TVA immobilière va permettre de multiplier les conditions d’acquisition (en TVA immobilière, en droits avec ou sans option pour la TVA sur marge). Le système, qui se veut plus neutre va gagner en complexité et plus que jamais les arbitrages fiscaux seront déterminant pour les opérateurs. On rappellera, en effet, que dans un marché qui compresse la valorisation des actifs, le moindre frottement fiscal peut obérer significativement la performance financière de l’investissement.

Le régime marchand de biens évolue, mais il ne part pas encore à la casse.

http://arsene-taxand.com/

Rédaction du village