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Les CDD d’usage : à utiliser avec modération (Cass. soc. 12 janvier 2010), par Frédéric Chhum, Avocat
Parution : jeudi 11 mars 2010
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1)Les spécificités du CDD d’usage

Le CDD d’usage présente trois particularités :

• Il n’est soumis à aucune durée maximale ;

• Il n’y a aucun délai de carence à respecter entre deux CDD d’usage. Il est donc tout à fait possible de conclure plusieurs CDD d’usage successifs ;

• Aucune indemnité de fin de contrat n’est due au terme du CDD d’usage.

Ce contrat de travail à durée déterminée doit être écrit. A défaut, il sera présumé conclu pour une durée indéterminée (article L.1242-12 alinéa 1er du Code du Travail).

L’article L.1242-12 du Code du Code du Travail énumère un certain nombre de mentions obligatoires :

• Le nom et la qualification professionnelle de la personne remplacée ;

• La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;

• La date du terme et, le cas échéant, une clause de renouvellement lorsqu’il comporte un terme précis ;

• La désignation du poste de travail ;

• L’intitulé de la convention collective applicable ;

• La durée de la période d’essai éventuellement prévue ;

• Le montant de la rémunération et de ses différentes composantes, y compris les primes et accessoires de salaire s’il en existe ;

• Le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire ainsi que, le cas échéant, ceux de l’organisme de prévoyance.

Si une de ces conditions venaient à manquer, le contrat serait, là encore, présumé conclu pour une durée indéterminée.

2)Le recours au CDD d’usage

a.Principe

Conformément à l’article L.1242-2 3° du Code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour des emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée.

En outre, l’article D.1242-1 du Code du travail énumère les 20 secteurs d’activité dans lesquels le recours aux CDD d’usage est autorisé (audiovisuel, spectacles, enseignement, sport …).

Les secteurs d’activité concernés sont ceux correspondant à l’activité principale de l’entreprise (Soc. 27 septembre 2006, n°04-47.663).

Toutefois, le seul fait que le secteur d’activité soit mentionné sur la liste ne donne pas le droit de recourir à un CDD pour tous les emplois de ce secteur.

En effet, la conclusion de CDD d’usage par un employeur est subordonnée à certaines conditions « il doit être d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » (Article L.1242-2 3° du code du travail).

Une série d’arrêts rendus le 26 novembre 2003 était venue fixer le régime juridique applicable aux CDD d’usage. En l’occurrence, le juge saisi d’une demande de requalification d’un CDD d’usage en CDI devait simplement rechercher si pour l’emploi concerné, il était effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un tel contrat.

Ainsi, la qualification de CDD d’usage échappait facilement au risque de requalification. Le CDD d’usage avait connu un franc succès. La place du CDI avait été réduite.

Cependant, la Cour de cassation est venue quelques années plus tard ralentir la fulgurante ascension des CDD d’usage.

b.Limitation par la Jurisprudence

Dans deux arrêts rendus le 23 janvier 2008 (n°06-43.040 et n°06-44.197), la Cour de cassation, inspirée par le droit communautaire, précise que des contrats successifs peuvent être conclus avec le même salarié à condition que ce soit justifié par des raisons objectives, qui s’entendent d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Dans le 1er arrêt, la Cour de cassation a décidé que la Cour d’Appel avait justement requalifié l’ensemble des contrats en contrat unique à durée indéterminée. En effet, après avoir relevé que l’enseignement figurait dans les secteurs d’activité où il peut être recouru à des CDD dits « usage », la Cour d’Appel a constaté que le salarié avait occupé le même emploi de formateur-professeur d’éducation artistique pendant 14 années scolaires successives, que cet emploi n’avait pas le caractère temporaire et en a déduit que la conclusion de CDD successifs n’étaient pas justifiée par des raisons objectives.

Dans le 2ème arrêt, la Cour de cassation a considéré que la Cour d’Appel n’avait pas de donné de base légale à sa décision en se déterminant par des motifs inopérants tirés du caractère temporaire des programmes de télévision. En l’espèce, la Cour d’Appel avait rejeté la demande de requalification des contrats en CDI, sans rechercher si l’emploi de journaliste pigiste occupé par la salariée dans le secteur de l’audiovisuel faisait partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI et si l’utilisation de CDD successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi.

En résumé, par ces décisions du 23 janvier 2008, il apparaît que la Cour de cassation se veuille plus protectrice des salariés en limitant le recours aux CDD d’usage. Il s’agit, en outre, pour elle, de veiller à protéger les salariés contre la précarité et ainsi renforcer la stabilité de l’emploi.

Ainsi, le contrôle du recours aux CDD d’usage est devenu plus exigeant. Les juges doivent vérifier les 3 conditions suivantes :

-si l’entreprise appartient aux secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu dans lesquels le recours à ce type de CDD est possible ;

-s’il est d’usage constant pour l’emploi en question de ne pas recourir à un CDI

-et surtout, en cas de recours à des contrats successifs, si cette succession de contrats est justifiée par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

c.Confirmation récente par la Jurisprudence du 12 janvier 2010

Dans arrêt en chambre sociale du 24 septembre 2008 (n°06-43.529), la Cour de cassation est venue confirmer ce contrôle par le juge.

Le régime juridique des CDD d’usage est désormais clarifié.

A titre d’exemple, dans un arrêt récent en date du 12 janvier 2010 (n°08-40.053), la Cour de cassation a fait application de la jurisprudence précitée en considérant que la Cour d’Appel n’avait pas recherché « si les emplois de préparateur physique et d’entraîneur/cadre technique, compte tenu des diverses tâches liées à ces deux emplois qui avaient été occupés successivement par le salarié, faisaient partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI et si l’utilisation de CDD successifs était justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de ces emplois ».

La Cour de cassation s’assure donc si la Cour d’appel a bien vérifié qu’il existait un usage constant pour l’emploi en cause de ne pas recourir au CDI et qu’il existait des éléments précis et concrets justifiant le caractère par nature temporaire des emplois.

3)Les sanctions prévues en cas de recours abusif aux CDD d’usage

Les employeurs doivent faire l’objet d’une extrême vigilance lorsqu’ils recourent aux CDD d’usage puisque seuls les emplois pour lesquels ils peuvent justifier du « caractère par nature temporaire de l’emploi » pourront être éligibles au CDD d’usage.

A défaut, le risque pour l’employeur est de le voir requalifier en CDI et d’encourir une sanction pénale pour recours abusif aux CDD d’usage.

En vertu de l’Article L.1248-1 du Code du travail, le recours abusif au CDD d’usage est pénalement sanctionné de :

- une amende de 3.750 euros ;

- une amende de 7.500 euros et de 6 mois d’emprisonnement en cas de récidive.

La preuve du caractère par nature temporaire de l’emploi est vérifiée par les juges du fond. Cette expression « par nature temporaire » signifie qu’il n’est pas lié à l’activité permanente de l’employeur. Le caractère temporaire par nature s’apprécie en outre, en fonction de la nature des activités exercées par l’employeur, de la nature des activités pour lesquelles le salarié est engagé et de la nature des fonctions et des tâches qui lui sont confiées.

Enfin, en cas de requalification du CDD d’usage en CDI (l’article L. 1245-1 du Code du travail), le salarié peut prétendre :

- à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire ;

- aux indemnités de rupture (préavis, congés payés, indemnité de licenciement) ;

- à un éventuel rappel de salaire si la requalification entraîne un nouveau calcul de l’ancienneté ;

- à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ces dommages-intérêts sont déterminés en fonction du préjudice subi si l’intéressé possède moins de 2 ans d’ancienneté dans l’entreprise ou appartient à une entreprise occupant moins de 11 salariés (article L.1235-5 du Code du travail).

Toutefois, si le salarié possède plus de 2 ans d’ancienneté et appartient à une entreprise d’au moins 11 salariés, l’intéressé peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (article L.1235-3 du Code du travail).

Frédéric CHHUM, Avocat

A.H, Juriste en droit social

chhum chez chhum-avocats.com

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