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Les fusions et scissions impliquant d’autres formes de sociétés que les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée, par Stéphane Michel, Avocat
Parution : lundi 4 octobre 2010
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A côté des régimes juridiques propres aux fusions entre sociétés par actions (SA, SCA et SAS) et/ou SARL (articles L. 236-8 à L. 236-24 du Code de commerce) et aux fusions transfrontalières (articles L. 236-25 à L. 236-32 du Code de commerce), il coexiste un corps de règles propre aux fusions et scissions impliquant des sociétés autres que les sociétés par actions et les SARL, ainsi qu’un dispositif particulièrement allégé s’appliquant aux sociétés civiles de droit commun.

1. Droit commun des fusions entre sociétés commerciales

Il existe un corps de règles du Code de commerce qui constitue le droit commun des fusions des sociétés commerciales, à savoir les articles L. 236-1 à L. 236-7 du Code de commerce.

(a) Revue du dispositif du droit commun des fusions entre sociétés commerciales

(i) Définition des fusions de sociétés commerciales

L’article L. 236-1 du Code de commerce définit de manière générale une fusion comme une forme particulière de transmission du patrimoine d’une ou plusieurs sociétés au profit d’une société existante ou à une nouvelle société qu’elles constituent à l’issue de la réalisation de la fusion.

Il est également prévu qu’une société peut aussi, par voie de scission, transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles.

Il est précisé de plus que la fusion et la scission sont également ouvertes aux sociétés en liquidation à condition toutefois que la répartition de leurs actifs entre les associés n’ait pas fait l’objet d’un début d’exécution.

Enfin, l’apport par fusion est rémunéré par l’attribution aux associés des sociétés absorbées de parts ou des actions de la ou des sociétés bénéficiaires et, éventuellement, par le versement une soulte en espèces dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées.

(ii) Fusions entre sociétés commerciales de formes différentes

Il est expressément prévu par l’article L. 236-2 du Code de commerce que les fusions et les scissions peuvent être réalisées entre des sociétés de forme différente. Dans ce cas, elles sont décidées, par chacune des sociétés concernées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts.

Il est également précisé que, si l’opération comporte la création de sociétés nouvelles, chacune de celles-ci est constituée selon les règles propres à la forme de société adoptée. En d’autres termes, il convient bien évidemment de respecter les conditions de constitution de la nouvelle société en fonction de sa forme particulière (nombre d’associés, montant du capital, ratio de capitaux propres, etc.)

(iii) Fusions entre sociétés par actions et/ou SARL

L’article L. 236-2, alinéa 4 prévoit un régime juridique complémentaire applicable aux opérations de fusion ou de scission comportant la participation de SA et de SARL.

En pareils cas, les dispositions des articles L. 236-10, L. 236-11, L. 236-13, L. 236-14, L. 236-15, L. 236-18, L. 236-19, L. 236-20 et L. 236-21 sont applicables.

Il en ressort que sont notamment applicables aux seules fusions et scissions entre SA et/ou SARL :

-  les interventions des commissaires à la fusion et/ou aux apports ;

-  le mécanisme et l’exercice du droit d’oppositions des créanciers à la fusion ou à la scission ;

-  le régime des fusions simplifiées.

Il convient de préciser en tant que de besoin que cette réglementation particulière est applicable aux fusions entre SA, mais aussi aux fusions entre SA et SARL (sur renvoi de l’article L. 236-2, alinéa 4 du Code de commerce), et enfin aux fusions entre SARL (sur renvoi de l’article L. 236-23, alinéa 1er du Code de commerce).

Dans les mêmes conditions, il s’applique aux fusions mettant en présence les autres sociétés par actions, c’est-à-dire les sociétés en commandite par actions (sur renvoi de l’article L. 226-1 du Code de commerce) et les SAS (sur renvoi de l’article L. 227-1 du Code de commerce).

A contrario, ce dispositif spécial ne s’applique donc pas aux fusions mettant en présence des sociétés d’une autre forme que les sociétés par actions et les SARL (notamment en présence de sociétés en nom collectif ou de sociétés civiles).

(iv) Transmission universelle du patrimoine

Le droit commun des fusions entre sociétés commerciales précise à l’article L. 236-3 du Code de commerce que la fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération.

Elle entraîne simultanément l’acquisition, par les associés des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associés des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat de fusion ou de scission.

Il est enfin précisé qu’il n’est évidemment pas procédé à l’échange de parts ou d’actions de la société bénéficiaire contre des parts ou actions des sociétés qui disparaissent lorsque ces parts ou actions sont détenues :

-  soit par la société bénéficiaire ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société ;

-  soit par la société qui disparaît ou par une personne agissant en son propre nom mais pour le compte de cette société.

(v) Date d’effet des fusions – Effet rétroactif ou différé des fusions

L’article L. 236-4 du Code de commerce précise que les fusions et scissions prennent effet :

-  en cas de constitution d’une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d’immatriculation, au registre du commerce et des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d’entre elles ;

-  dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération, sauf si le contrat prévoit un effet rétroactif ou différé, étant précisé que la date d’effet ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l’exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.

(vi) Augmentation des engagements des associés

Il est indiqué que si l’opération de fusion ou de scission projetée a pour effet d’augmenter les engagements d’associés ou d’actionnaires de l’une ou de plusieurs sociétés en cause, elle ne peut être décidée qu’à l’unanimité desdits associés ou actionnaires.

(vii) La procédure minimaliste des fusions

Le droit commun des fusions entre sociétés commerciales prévoit enfin, à l’article L. 236-6 du Code de commerce, trois règles minimalistes :

-  L’établissement d’un « projet de fusion ou de scissions » par les sociétés concernées ; aucun contrôle d’un commissaire à la fusion et/ou aux apports n’est prévu dans ce cadre.

-  Ce projet doit être déposé au greffe du tribunal de commerce du siège desdites sociétés et fait l’objet d’une publicité dans un journal d’annonces légales dans un délai d’un mois au moins avant les assemblées générales des sociétés appelées à statuer sur la fusion ou sur la scission ; en revanche, aucun mécanisme de droit d’opposition des créanciers sociaux n’est prévu.

-  Enfin, les sociétés participant à une opération de fusion ou de scission doivent déposer au greffe du Tribunal de commerce, à peine de nullité, une déclaration dans laquelle elles relatent tous les actes effectués en vue d’y procéder et par laquelle elles affirment que l’opération a été réalisée en conformité des lois et règlements. Le greffier, sous sa responsabilité, s’assure de la conformité de la déclaration aux dispositions du présent article.

(b) Champ d’application du régime du droit commun des fusions de sociétés commerciales

Ce dispositif s’applique à toute opération de fusion à laquelle est partie une société commerciale (SA, SAS, SARL, SNC, etc.), étant précisé :

-  qu’il ne s’applique aux fusions mettant en présence d’une société civile ou d’un autre groupement civil à une opération de fusion ou de scission ; et

-  qu’en ce qui concerne les fusions entre sociétés par actions (SA, SAS, SCA), les fusions entre SARL et les fusions entre sociétés par actions et SARL, ce dispositif est alourdi et très largement complété par les articles L. 236-8 et suivants du Code de commerce.

2. Le dispositif légal applicable aux fusions mettant en présence des sociétés civiles

Il convient de noter au préalable que le droit commun des fusions entre sociétés commerciales n’a, par définition, pas vocation à s’appliquer aux sociétés civiles qui bénéficient de surcroît d’un dispositif propre prévu par l’article 1844-4 du Code civil.

De plus, certaines formes particulières de sociétés civiles, telles que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) bénéficient d’un régime juridique calqué sur les fusions entre sociétés par actions (articles L. 214-80 et suivants du Code monétaire et financier).

Cela étant posé, l’article 1844-4 du Code civil prévoit, pour les sociétés civiles de droit commun, un régime juridique de fusion minimaliste selon les modalités suivantes :

« Une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d’une société nouvelle, par voie de fusion.

Elle peut aussi transmettre son patrimoine par voie de scission à des sociétés existantes ou à des sociétés nouvelles.

Ces opérations peuvent intervenir entre des sociétés de forme différente.

Elles sont décidées, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts.

Si l’opération comporte la création de sociétés nouvelles, chacune de celles-ci est constituée selon les règles propres à la forme de société adoptée ».

Là encore, la loi ne prévoit pas de procédure de dépôt du projet de fusion, pas de mécanisme de droit d’opposition des créanciers, pas d’intervention des commissaires à la fusion et/ou aux apports, dans le cadre de ce dispositif.

L’article 1844-4 du Code civil autorise les fusions et scissions entre sociétés de formes différentes et il a donc vocation notamment à s’appliquer en présence d’une opération entre une société civile et toute autre forme de sociétés (SARL, SA, SAS, etc.).

Toutefois, une société civile ne peut absorber une société commerciale que si cette dernière a une activité essentiellement civile, me semble-t-il.

Compte tenu du caractère allégé de cette procédure, on peut également se demander s’il est possible de soumettre volontairement, et à titre complémentaire, les sociétés civiles au droit commun des fusions de sociétés commerciales.

Enfin, s’agissant de déterminer la date d’effet de la fusion, il existe un doute certain sur la possibilité de prévoir une date de prise d’effet de la fusion différente de la date de la dernière assemblée générale extraordinaire l’ayant approuvé. L’article 1844-4 du Code civil est totalement muet sur la possibilité d’une rétroactivité ou d’un effet différé d’une fusion impliquant une société civile, sauf à rattacher cette possibilité à la seule liberté contractuelle.

Stéphane Michel, Avocat au Barreau de Paris

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