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Les incidences de la loi de régulation bancaire et financière sur le droit des sociétés cotées. Par Stéphane Michel, Avocat
Parution : mercredi 27 octobre 2010
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Dans le cadre de la loi récente loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière (loi RBF), un important dispositif, prévu dans son Titre II, vise pompeusement « à soutenir le financement de l’économie pour accompagner la reprise » et modifie un certain nombre de règles applicables aux sociétés cotées, notamment en matière d’offres publiques.

En termes d’application de ces dispositions dans le temps, et sous réserve des normes qui devront être prises en application par l’AMF, l’article 92 de la loi RSB prévoit que ses articles 50 à 54 entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant celui de sa promulgation, soit au plus tard le 23 février 2011.

Ce report du délai de mise en application de ces dispositions vise notamment la réforme des offres publiques d’acquisitions obligatoires, la simplification des modalités de déclaration des chiffres d’affaires trimestriels par les sociétés cotées sur les marchés réglementés et la suppression de la garantie de cours et l’introduction de l’offre publique obligatoire sur Alternext.

Ce préalable posé, vous trouverez ci-après un premier aperçu sur les principales innovations introduites par la loi RBF sur le droit des sociétés cotées.

1. Rapport du Gouvernement sur la pertinence des critères relatifs au capital et au nombre de droit de vote dans la législation et la réglementation (article 47 de la loi RBF)

Constatant que le Code de commerce et le Code monétaire et financiers présentent des dispositifs extrêmement variables en matière de critère d’évaluation du poids des actionnaires (nombre de droits de vote, part des actions détenues dans le capital, etc.), le législateur demande au Gouvernement, dans un délai de six mois suivant la publication de la loi RSB, soit au plus tard le 23 avril 2011, de remettre au Parlement un rapport sur la pertinence, au regard du droit européen et des régimes applicables dans les principaux États étrangers, des critères relatifs au capital et au nombre de droits de vote.

2. Redéfinition de la notion d’action de concert (article 48 de la loi RBF)

Comme on le sait, l’action de concert permet de limiter, voire idéalement d’empêcher le contournement des obligations imposées par la législation et la règlementation boursière par des personnes qui ont un objectif commun et qui devraient par suite être décomptées comme une seule et même personne, au regard notamment des règles suivantes :

-  la législation relative aux franchissements de seuil (article L. 233-7 du Code de commerce),

-  les procédures d’offre publique obligatoire (article L. 433-3 du Code monétaire et financier), de garantie de cours (article L. 433-3 du code monétaire et financier), d’offres publiques de retrait (article L. 433-4 du code monétaire et financier), et des dérogations aux offres obligatoires.

Rappelons qu’avant la loi RBF, l’action de concert était tout simplement définie comme le fait pour des personnes de conclure un accord en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d’exercer les droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société.

Le législateur a souhaité compléter (en tant que de besoin ?) cette définition de l’action de concert, en introduisant une finalité complémentaire aux personnes agissant de concert, à savoir leur volonté de prendre le contrôle de la société.

Il en ressort la nouvelle rédaction suivante de l’article L. 233-10-I du Code de commerce :

« I. – Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord en vue d’acquérir, de céder ou d’exercer des droits de vote, pour mettre en œuvre une politique commune vis-à-vis de la société ou pour obtenir le contrôle de cette société  ».

On peut être réservé sur l’utilité véritable de cette précision, dans la mesure où on perçoit difficilement l’hypothèse dans laquelle des personnes agissant de concert ont pour finalité de permettre à l’un d’entre eux d’obtenir le contrôle d’une société, sans avoir tous ensemble la volonté de mettre en œuvre une politique commune.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour d’appel de Paris et la Cour de cassation, à l’occasion de leurs derniers arrêts sur les affaires Eiffage / Sacyr et Gecina, ont retenu que le contrôle était une modalité parmi d’autres de la politique commune.

En d’autres termes, l’alternative créée par le législateur entre la politique commune et la prise de contrôle relève à la limite de l’absurdité, dans la mesure où il ne s’agit absolument pas d’une alternative, mais tout au plus d’une variante, et plutôt même d’une sous-catégorie.

Il convient enfin de noter que le Sénat souhaitait pour sa part conserver l’ancienne rédaction de l’article L. 233-10-I du Code de commerce (dans la mesure où une finalité de prise de contrôle implique nécessairement une position commune) et mentionner que les notions de concert offensif et défensif sont envisagées « pour l’application des dispositions de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier relatives aux offres publiques obligatoires » plutôt qu’uniquement « en cas d’offre publique d’acquisition ».

Cette position pertinente et constructive du Sénat n’a toutefois pas été retenue par le législateur.

3. Information de l’AMF et de la société émettrice sur les cessions temporaires de titres réalisées avant une assemblée d’actionnaires (article 49 de la loi RBF)

Le nouvel article L. 225-126 du Code de commerce prévoit une obligation d’information de l’AMF et de la société émettrice, à la charge de tout actionnaire détenant temporairement, trois jours avant l’assemblée générale, plus de deux centièmes des droits de vote de la société émettrice.

Cette nouvelle obligation reprend (plus de deux ans après) une proposition du rapport du groupe de travail présidé par Monsieur Yves Mansion en janvier 2008 sur la pratique consistant à dissocier, par des techniques d’acquisition « temporaire » de la propriété des titres, le droit de vote du risque économique qui devrait lui être attaché et ce, pour des raisons de spéculation à très court terme.

Concrètement, la déclaration doit être faite par toute personne détenant, seule ou de concert, au titre d’une ou plusieurs opérations de cession temporaire ou de toute opération donnant droit ou faisant obligation de revendre ou restituer des actions au cédant, un nombre d’actions représentant plus deux centièmes des droits de vote de la société.

Sont concernées toutes les opérations de transfert temporaire de propriété, telles que le prêt, la pension livrée ou la vente à réméré.

En revanche, sont exemptés de cette obligation de déclaration, les prestataires de services d’investissement (PSI) car ils ne révèlent pas une intention de leur part de voter à l’assemblée générale.

La déclaration à l’AMF et à l’émetteur doit être transmise au plus tard le troisième jour ouvré précédant l’assemblée générale à zéro heure, heure de Paris.

Cette déclaration doit comporter, outre le nombre d’actions acquises au titre de l’une des opérations susmentionnées, l’identité du cédant, la date et l’échéance du contrat relatif à l’opération et, s’il y a lieu, la convention de vote, et lorsque le contrat organisant cette opération demeure en vigueur à cette date, le nombre total d’actions qu’elle possède à titre temporaire.

La société doit enfin publier ces informations dans les conditions et selon les modalités prévues par le règlement général de l’AMF.

La méconnaissance de ce dispositif est sanctionnée par la privation des droits de vote pour l’assemblée concernée et toute assemblée d’actionnaires qui se tiendrait jusqu’à la revente ou la restitution des actions.

A titre de sanction supplémentaire, les délibérations prises par l’assemblée d’actionnaires en violation des règles précédentes peuvent être annulées par le juge.

Enfin, le Tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social peut, le ministère public entendu, sur demande du représentant de la société, d’un actionnaire ou de l’Autorité des marchés financiers, prononcer la suspension totale ou partielle, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, de ses droits de vote à l’encontre de tout actionnaire qui n’aurait pas procédé à l’information de l’AMF et de la société émettrice.

4. Déclenchement et prix des offres publiques d’acquisition obligatoires (article 50 de la loi RBF

En matière d’offres publiques obligatoires, trois modifications sont introduites par le législateur pour (a.) abaisser le seuil de déclenchement d’une offre publique obligatoire du tiers à 30 % (« trois dixième ») du capital ou des droits de vote, (b.) préciser et élargir le périmètre des titres pris en compte pour le calcul de ce seuil, et (c.) modifier le point de départ de la période rétrospective de douze mois utilisée pour déterminer le prix équitable de l’offre.

a. L’abaissement du seuil de déclanchement de l’offre publique obligatoire à 30%

Le seuil de déclenchement pour un des cas d’offre publique obligatoire est abaissé à 30 % du capital ou des droits de vote (au lieu d’un tiers du capital ou des droits de vote auparavant).

En guise de coquetterie parlementaire, ce seuil de 30 % est par ailleurs consacré par la loi elle-même, dans le cas principal de dépôt d’une offre publique obligatoire (nouvel article L. 433-3-I du Code monétaire et financier), les travaux parlementaires au Sénat établissant que ce seuil était au cœur du régime français des offres publiques, et que la loi devait donc le fixer et non plus déléguer cette prérogative au règlement général de l’AMF.

L’autre seuil de déclanchement de l’offre publique obligatoire est maintenu et adapté au nouveau seuil de 30%, mais également inséré dans l’article L. 433-3-I du Code monétaire et financier (détention directe ou indirecte d’un nombre compris entre trois dixièmes et la moitié du capital ou des droits de vote suivie, en moins de douze mois consécutifs, par une augmentation de la détention en capital ou en droits de vote d’au moins un cinquantième du capital ou des droits de vote de la société)

Enfin, par mesure de coordination, le seuil de 30 % dans les franchissements à déclarer est également introduit dans les obligations de transparence prévues par l’article L. 233-7 du Code de commerce.

Comme auparavant le dépassement de ces seuils entraîne l’obligation pour les actionnaires concernés, agissant seuls ou de concert, d’en informer immédiatement l’AMF et de déposer un projet d’offre publique en vue d’acquérir une quantité déterminée des titres de la société.

La sanction habituelle est conservée : à défaut d’avoir procédé à ce dépôt, les titres détenus par cette personne au-delà des trois dixièmes ou au-delà de sa détention augmentée de la fraction d’un cinquantième du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote.

b. L’élargissement des titres constituant l’assiette du seuil de l’offre obligatoire d’acquisition

Le législateur a souhaité élargir le périmètre des titres pris en compte pour le calcul du seuil déclencheur d’une offre publique obligatoire en l’alignant partiellement sur le champ des titres pris en compte pour les obligations de transparence relatives aux franchissements de seuil.

S’agissant de l’offre obligatoire d’acquisition, la détention directe ou indirecte d’une fraction du capital ou des droits de vote est désormais appréciée au regard des articles L. 233-7 et L. 233-9 du Code de commerce, c’est-à-dire au regard des dispositions relatives aux déclarations de franchissement de seuils.

Pour mémoire, l’article L. 233-7-IV du Code de commerce établit que les obligations d’informations relatives aux franchissements de seuils ne s’appliquent pas aux actions :

-  acquises aux seules fins de la compensation, du règlement ou de la livraison d’instruments financiers, dans le cadre habituel du cycle de règlement à court terme défini par le Règlement Général de l’AMF,

-  détenues par les teneurs de comptes conservateurs dans le cadre de leur activité de tenue de compte et de conservation,

-  détenues par un prestataire de services d’investissement dans son portefeuille de négociation au sens de la directive 2006/49/CE du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 sur l’adéquation des fonds propres des entreprises d’investissement et des établissements de crédit à condition que ces actions ne représentent pas une quotité du capital ou des droits de vote de l’émetteur de ces titres supérieure à un seuil fixé par le règlement général de l’AMF et que les droits de vote attachés à ces titres ne soient pas exercés ni autrement utilisés pour intervenir dans la gestion de l’émetteur,

-  remises aux membres du Système européen de banques centrales ou par ceux-ci dans l’exercice de leurs fonctions d’autorités monétaires, dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

D’après l’article L. 233-9 du Code de commerce, sont assimilés aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l’information prévue au I de l’article L. 233-7 du Code de commerce :

« 1° Les actions ou les droits de vote possédés par d’autres personnes pour le compte de cette personne ;

2° Les actions ou les droits de vote possédés par les sociétés que contrôle cette personne au sens de l’article L. 233-3 ;

3° Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec qui cette personne agit de concert ;

4° Les actions déjà émises que cette personne, ou l’une des personnes mentionnées aux 1° à 3° est en droit d’acquérir à sa seule initiative, immédiatement ou à terme, en vertu d’un accord ou d’un instrument financier mentionné à l’article L. 211-1 du code monétaire et financier. Il en va de même pour les droits de vote que cette personne peut acquérir dans les mêmes conditions. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise les conditions d’application du présent alinéa ;

5° Les actions dont cette personne a l’usufruit ;

6° Les actions ou les droits de vote possédés par un tiers avec lequel cette personne a conclu un accord de cession temporaire portant sur ces actions ou droits de vote ;

7° Les actions déposées auprès de cette personne, à condition que celle-ci puisse exercer les droits de
vote qui leur sont attachés comme elle l’entend en l’absence d’instructions spécifiques des actionnaires ;
8° Les droits de vote que cette personne peut exercer librement en vertu d’une procuration en l’absence d’instructions spécifiques des actionnaires concernés.

II.- Ne sont pas assimilées aux actions ou aux droits de vote possédés par la personne tenue à l’information prévue au I de l’article L. 233-7 :

1° Les actions détenues par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières ou les SICAF gérés par une société de gestion de portefeuille contrôlée par cette personne au sens de l’article L. 233-3, dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers sauf exceptions prévues par ce même règlement ;

2° Les actions détenues dans un portefeuille géré par un prestataire de services d’investissement contrôlé par cette personne au sens de l’article L. 233-3, dans le cadre du service de gestion de portefeuille pour compte de tiers dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, sauf exceptions prévues par ce même règlement ;

3° Les instruments financiers mentionnés au 4° du I détenus par un prestataire de services d’investissement dans son portefeuille de négociation au sens de la directive 2006 / 49 / CE du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 sur l’adéquation des fonds propres des entreprises d’investissement et des établissements de crédit à condition que ces instruments ne donnent pas accès à une quotité du capital ou des droits de vote de l’émetteur de ces titres supérieure à un seuil fixé par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ».

Le nouveau texte précise enfin qu’il revient au Règlement Général de l’AMF de fixer la liste précise des accords ou instruments financiers mentionnés au 4° du I de l’article L. 233-9 du Code de commerce qui doivent être pris en compte pour la détermination de cette détention. Pour mémoire, le 4° du I de l’article L. 233-9 renvoie certes déjà au Règlement Général de l’AMF pour son application ; toutefois, dans le présent article, le renvoi est plus précis puisqu’il reviendra à l’AMF de déterminer, parmi cette catégorie de titres, ceux qui seront pris en compte pour la détermination du seuil de détention déclenchant une offre obligatoire.

c. La modification du point de départ de la période rétrospective de douze mois utilisée pour déterminer le prix équitable de l’offre

L’article L. 433-3-I-2° du Code monétaire et financier précise désormais que le prix proposé doit être au moins égal au prix le plus élevé payé par l’auteur de l’offre, agissant seul ou de concert, au sens de l’article L. 233-10 du Code de commerce, sur une période de douze mois précédant le fait générateur de l’obligation de dépôt du projet d’offre publique (qui peut être bien antérieure à la date de dépôt de l’offre), et non plus comme auparavant à partir de la date de dépôt de l’offre.

5. Simplification des modalités de déclaration des chiffres d’affaires trimestriels par les sociétés cotées sur les marchés réglementés (article 52 de la loi RBF)

Afin d’alléger la présentation des déclarations de chiffres d’affaires trimestriels des sociétés cotées, l’article L. 451-1-2 du Code de commerce est reformulé de manière à permettre aux sociétés de présenter uniquement le montant net par branche d’activité du chiffre d’affaires du trimestre écoulé et de l’ensemble de l’exercice en cours, ainsi que les données comparatives de l’exercice précédent (au lieu des chiffres d’affaires correspondant à chacun des précédents trimestres de l’exercice en cours, qui par définition étaient déjà connus du marchés !).

6. La suppression de la garantie de cours et introduction de l’offre publique obligatoire sur Alternext (article 53 de la loi RBF)

L’article L. 433-3-II du Code monétaire et financier est reformulé de manière à supprimer la procédure de garantie de cours sur les marchés non réglementés, et de la remplacer par une procédure d’offre publique obligatoire sur les marchés organisés non réglementés (Alternext).

Cet article est désormais rédigé comme suit :

«  II. ― Dans les conditions et modalités prévues au I par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, un projet d’offre publique doit également être déposé lorsque toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce vient à détenir, directement ou indirectement, plus des cinq dixièmes (souligné par mes soins) du capital ou des droits de vote d’une société dont le siège social est établi en France et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché d’instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande auprès de l’Autorité des marchés financiers » (…),

le dispositif prévoyant la procédure de garantie des cours étant, quant à lui, purement et simplement supprimé.

Le seuil de l’offre publique obligatoire pour les marchés non réglementés est fixé à 50 % du capital ou des droits de vote.

7. Habilitation à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE sur les droits des actionnaires (article 56 de la loi RBF)

Le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi RBF, soit au plus tard le 23 avril 2010, de régulation bancaire et financière, l’ensemble des dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées.

Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de cette ordonnance.

Cette habilitation se justifie par l’urgence de la transposition, puisque celle-ci devait en principe intervenir avant le 3 août 2009. La Commission a fait savoir qu’elle envisageait une procédure de sanction contre la France.

L’article 13 de la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée prévoyait déjà cette habilitation, mais il a été censuré par le Conseil constitutionnel qui a considéré qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Cette habilitation avait été également reprise dans le cadre des débats sur le formidable « fourre-tout » législatif que constitue la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture le 2 décembre 2009 et actuellement en cours de première lecture au Sénat, l’article 151 de cette proposition de loi habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE…

Elle figurait également dans le projet de loi portant transposition de diverses directives du Parlement européen et du Conseil en matière civile et commerciale qu’à l’article 6 du projet de loi, déposé sur le bureau du sénat le 22 septembre 2010.

Il en ressort que cette proposition d’habilitation figurait donc curieusement au sein de quatre textes différents en un an !

Cela étant dit, le Gouvernement est enfin habilité à transposer par ordonnance cette fameuse directive qui tend à renforcer l’information des actionnaires de sociétés cotées et à faciliter leur participation aux assemblées générales ainsi que l’exercice de leurs droits, en particulier de leur droit de vote. Elle prévoit notamment à cette fin un élargissement des modalités du vote par procuration, en permettant à l’actionnaire de désigner comme mandataire toute personne de son choix.

A ce titre, la directive nécessite a priori les modifications suivantes :

a. Création d’un nouveau régime de vote par procuration

Il convient d’abord de redéfinir en profondeur le régime actuel de vote par procuration.

En effet, l’article 10 de la directive prévoit en effet que chaque actionnaire a le droit de désigner comme mandataire toute autre personne physique ou morale pour participer à l’assemblée générale et y voter en son nom et que le mandataire bénéficiera des mêmes droits de prendre la parole et de poser des questions lors de l’assemblée générale que ceux dont bénéficierait l’actionnaire représenté.

Il est expressément prévu par la directive que le nombre d’actionnaires que mandataire peut représenter n’est pas limité. Au cas où un mandataire détient des procurations de plusieurs actionnaires, il pourra exprimer pour un actionnaire donné des votes différents de ceux exprimés pour un autre actionnaire.

Il est précisé que les Etats membres pourront limiter la désignation d’un mandataire à une seule assemblée ou aux assemblées tenues durant une période déterminée.

De la même manière, les États membres pourront limiter le nombre de personnes qu’un actionnaire peut désigner comme mandataire pour une assemblée générale donnée, sauf si l’actionnaire concerné est propriétaire de ses actions sur plusieurs comptes titres, auquel cas, le législateur ne pourra pas limiter le nombre de mandataires (au moins, un mandataire par compte titre).

En-dehors de ces deux dernières limites, les Etats membres ne pourront restreindre l’exercice des droits de l’actionnaire par un mandataire que pour régler des conflits d’intérêts potentiels entre le mandataire et l’actionnaire. A cet effet, la directive est extrêmement claire et vise les trois cas de figure suivants :

-  Il est possible d’imposer au mandataire de divulguer « certains faits précis qui peuvent être pertinents pour permettre aux actionnaires d’évaluer le risque éventuel que le mandataire puisse poursuivre un intérêt autre que l’intérêt de l’actionnaire » ;

-  Il est possible de limiter ou interdire l’exercice des droits des actionnaires par des mandataires ne disposant pas d’instruction de vote spécifique pour chaque résolution ;

-  Il est enfin possible de limiter ou interdire le transfert d’une procuration à une autre personne.

La directive donne également quelques exemples de conflits d’intérêts, notamment lorsque le mandataire est un actionnaire qui contrôle la société ou est une autre entité contrôlée par un tel actionnaire, ou bien lorsque le mandataire est un membre de l’organe d’administration, de gestion ou de surveillance de la société ou d’un actionnaire qui la contrôle.

Bien évidemment, le mandataire devra voter conformément aux instructions de vote données par l’actionnaire qui l’a désigné et il est peut être prévu que le mandataire conserve une trace des instructions de vote pendant une période minimale donnée et doive confirmer que les instructions de vote ont été exécutées.

b. Droit pour les actionnaires de demander l’inscription de points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, non accompagnés de projets de résolution

La directive consacre le droit pour les actionnaires de demander l’inscription de points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, non accompagnés de projets de résolution, en établissant que « les États membres veillent à ce que les actionnaires, agissant individuellement ou collectivement aient le droit d’inscrire des points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, à condition que chacun de ces points soit accompagné d’un projet de résolution à adopter lors de l’assemblée générale ou d’une simple justification ».

c. Adaptation du droit de poser des questions en vue de l’assemblée générale

La directive rappelle que chaque actionnaire a le droit de poser des questions concernant des points inscrits à l’ordre du jour d’une assemblée générale et que la société doit répondre aux questions qui lui sont posées par les actionnaires.

Il est prévu que des règles pourront être aménagées pour permettre aux sociétés de s’assurer de l’identification des actionnaires, du bon déroulement des assemblées générales et de leur préparation, ainsi que de la protection de la confidentialité et de leurs intérêts commerciaux.

Enfin, les sociétés pourront être autorisées à fournir une seule réponse globale à plusieurs questions ayant le même contenu, de même qu’il pourra être prévu que la réponse à une question donnée sera réputée avoir été donnée si l’information demandée est disponible sous la forme de questions-réponses sur le site internet de la société : il convient à cet égard de prévoir sur ce point un certain nombre de contentieux à venir, une seule question pouvant être particulièrement protéiforme surtout dans la langue française…

Stéphane Michel, Avocat au Barreau de Paris

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