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Quand cesser de payer la pension alimentaire d’un enfant majeur ? Telle est la question, par Sabine Haddad, Avocat
Parution : mardi 9 novembre 2010
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L’article 203 du code civil dispose :

« Les époux contractent ensemble, par le fait seul du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants »

Bien heureusement, cette pension est due pour tous les enfants indépendamment de l’union maritale des parents.

L’article 371-2 Code Civil dispose :

" Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur".

La pension est fixée en fonction des besoins de l’enfant, des ressources et charges des parties à l’instant où le JAF statuera pour apprécier les besoins de celui qui la reçoit au regard des ressources respectives de parties.

Donc elle sera due au-delà de la majorité tant que l’enfant vit chez sa mère, ou son père, qu’il poursuit des études dument justifiées ou qu’il n’a pas été en mesure de trouver un emploi suffisamment rémunérateur.

Lorsqu’un enfant devient majeur, se posera un problème de preuve de la continuation des études ou de son activité rémunératrice.

Le juge aux affaires familiales a la possibilité de suspendre, réviser, voire supprimer la pension alimentaire.

I- La preuve des circonstances permettant de décharger ou non le débiteur de la pension

Alors que la pension alimentaire d’un mineur est un droit absolu ; la pension d’un jeune majeur est un droit conditionnel.

1ère Civ, 9 janvier 2008, pourvoi n° 06-19581 : a jugé que

"...il appartient à celui qui demande la suppression d’une contribution à l’entretien d’un enfant de rapporter la preuve des circonstances permettant de l’en décharger "

Il conviendra de produire des justificatifs suffisants au titre de démarches sérieuses de celui-ci pour trouver un emploi.

La preuve incombe au demandeur. ( article 1315 du code civil)

Cette preuve qui sera difficile à rapporter lorsque le parent sait que l’enfant a trouvé un emploi mais ne sait pas où... ou qu’il est en rupture avec lui.

A) L’absence de production de justificatifs à la poursuite des études ou à l’activité professionnelle : cause de suspension ou de suppression

Le débiteur de la pension aura intérêt à démontrer au JAF qu’il a demandé par lettre RAR au créancier de la pension, ( son ex) de lui produire les divers les justificatifs de poursuite des études de leur enfant majeur, et qu’aucune réponse ne lui a été apportée.

A défaut, il aura intérêt à saisir le Juge aux affaires familiales pour TROIS raisons

1°- Le JAF saisi pourra exiger la production des justificatifs, à défaut de quoi, il serait logique que la pension soit supprimée, au regard des "circonstances"
2°- pour apprécier la situation et faire cesser le versement de la pension,
3°- pour s’éviter au cas où les enfants sont toujours à la charge de son ex, des poursuites civiles et pénales en abandon de famille

B) La contestation des motifs et/ou des justificatifs produits

1°- le maintien de la pension dans des situations précises

La pension restera due en cas de preuve de la

a- poursuite d’études sérieuses,

exemple des études universitaires, doctorat, BEP, écoles privées.. etc...

Elle pourrait même être majorée au regard de la situation de frais accrus, sous réserve de l’appréciation du JAF.

b- absence d’emploi stable et rémunérateur ( ex smic)

De ce fait, en cas d’absence de travail, malgré une recherche assidue , ou en cas de petits boulots occasionnels, engendrant une rentrée de revenus non fixes , cela ne sera pas considéré comme un travail stable et donc la pension reste due.,

c- charge effective de l’enfant majeur par le parent chez qui il réside et qui ne prend pas en charge un budget,

d- pour un motif légitime ne lui permettant pas de subvenir seul à ses besoins

exemple santé déficiente, handicap , un majeur paralysé , diplômé qui n’a pas encore trouvé d’emploi

Bien évidemment, la révision est envisageable pour celui qui la reçoit au regard de sa situation personnelle ( ex licenciement... )

2°- L’insuffisance des arguments au maintien de la pension

Un défaut d’assiduité aux cours , des échecs renouvelés, une incohérence dans le cursus ou des études non sérieuses seront autant de raisons à plaider pour demander le terme de l’obligation d’entretien.

La 7ème chambre de la cour d’appel de Douai le 8 février 2001 a considéré :

« …. attendu que le domaine de l’obligation d’entretien est essentiellement celui de l’éducation et de la préparation de l’avenir, alors que le mineur a un droit absolu à être aidé financièrement, le jeune majeur n’a qu’un droit conditionnel au fait qu’il ne peut lui-même subvenir à ses besoins… »

Dans cette espèce la mère a été déboutée, parce qu’elle ne fournit aucune indication concrète sur la vie de l’enfant, telle que sur la date de fin de scolarité, la formation éventuelle, les stages , ni sur les recherches effectives d’emploi durant les deux années postérieures à l’inscription assedic du majeur…aucun élément probant à l’incapacité de subvenir seul à ses besoins n’a été retenu ici.

3°- Une pension pas au-delà d’une certaine durée

« L’obligation d’entretien des parents pour un majeur ne poursuivant aucune étude, ne pourra perdurer au-delà d’une certaine période pour trouver un stage de formation ou un stage, qu’au-delà de cette période d’adaptation suivant la majorité ou la fin des études, l’obligation d’entretien doit cesser à l’égard du majeur physiquement capable d’assurer ses moyens d’existence , même si celui-ci se trouve temporairement sans travail , dès lors qu’il n’est pas rapporté la preuve de recherches sérieuses afin de trouver un emploi. »

En général, les décisions limitent dans le temps la durée de la pension alimentaire.

« Ordonnons ( au débiteur de la pension) de payer une pension alimentaire de X euros par mois à son fils ou sa fille Y jusqu’à la fin de ses études et au plus tard, jusqu’à une date indiquée ex 2020 ou un âge indiqué ex 24 ou 25 ans ... » ;
ou bien posent des conditions expresses à respecter pour le majeur

« Ordonnons à l’enfant majeur, de fournir copie de son inscription au programme de telle étude à son ( débiteur parent) ,ainsi qu’une copie de ses horaires de cours et tous ses relevés de notes ».

C) L’analyse du juge

Le juge analysera divers éléments, tels que l’âge , l’état de santé, la nature et les résultats liés aux études , la cohérence du cursus, les efforts pour subvenir à une partie de ses besoins, les dépenses...

II Le versement de la pension entre les mains du majeur qui ne demeure plus au domicile.

A) Sur demande de l’enfant ou du ou des parents

1°- sur demande du ou des parents

L’article 373-2-5 du Code civil envisage possibilité de verser directement la pension alimentaire entre les mains de l’enfant.

— Soit, si le parent qui bénéficie de la fixation de la résidence de l’enfant avec lui est d’accord par un écrit qui le prouve,
— soit par une décision du JAF qui homologue un accord ( conseillée)
— Soit décision du JAF, saisi en dehors de tout accord afin de se faire autoriser à verser la pension à l’enfant directement, et indépendamment d’une demande du majeur.

Mais encore faut-il que le majeur ne réside plus au domicile du parent qui a la fixation de la résidence.

Cass 1ère Civ 11 février 2009, pourvoi n° n° 08-11.769

Au visa de l’article 373-2-5 du code civil a jugé que que la contribution à l’entretien et à l’éducation d’un enfant majeur peut, si le juge le décide, ou si les parents en conviennent, être versée entre les mains de l’enfant, cette faculté n’étant pas subordonnée à une demande de ce dernier ;

"Attendu que lorsque le parent qui assume à titre principal la charge d’un enfant majeur, qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins, demande à l’autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation, le juge peut décider ou les parents convenir que cette contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l’enfant ; que cette faculté n’est pas subordonnée à une demande de l’enfant".

Or, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a ajouté au texte précité une condition qu’il ne prévoit pas.

Mon conseil, au débiteur en dehors de tout accord : solliciter la suspension ou la suppression devant le juge aux affaires familiales compétent en faisant valoir que le ou les enfants ne sont plus à la charge de l’autre parent.

2°- sur demande de l’enfant majeur à l’appui de justificatifs

L’article 371-2 du code civil permet à un enfant majeur de demander à ses parents le versement d’une pension alimentaire, s’il ne peut pas subvenir seul à ses besoins, et justifie de démarches réelles et sérieuses pour trouver un emploi.
De même, s’il poursuit des études, supporte un handicap.

Si le majeur n’est pas malade physiquement ou mentalement, donc incapable de subvenir à ses besoins, il devra établir avoir usé de tous les moyens possibles pour subvenir à ses besoins (exemple : travailler à temps partiel durant ses études...)

Si quelqu’un d’autre l’aide à subvenir à ses besoins (exemple : ses grands-parents, ), la contribution de cette personne ne doit pas être suffisante pour combler ses besoins.

3°- L’analyse du JAF

Le juge calculera les besoins réels et son revenu de travail ou celui susceptible d’être gagné s’il travaillait) afin de déterminer la portion de ses dépenses pour laquelle il est autonome.

La situation financière des parents est également un facteur important qui est considéré dans le calcul.

Cela suppose que vivre d’amour et d’eau fraîche peut avoir un terme…

B) Le versement de la contribution au majeur sous forme d’un avantage en nature.

L’article 211 code civil envisage une alternative à un versement en argent.
Le texte est cité in extenso :

" Le juge aux affaires familiales prononcera également si le père ou la mère qui offrira de recevoir, nourrir et entretenir dans sa demeure, l’enfant à qui il devra des aliments, devra dans ce cas être dispensé de payer la pension alimentaire."

Rappelons que la pension pourra être déduite sous un certain plafond.

Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.

Maître HADDAD Sabine

Avocate à la cour

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