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Droit du travail : panorama de jurisprudence 2010. Par Arnaud Pilloix, Avocat
Parution : mercredi 29 décembre 2010
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La finalité de ce panorama de jurisprudence 2010 n’est pas de lister tous les arrêts publiés en 2010 sur le site de la Cour de cassation, mais de focaliser sur quelques arrêts importants ou innovants de la chambre sociale.

- 24 mars 2010 n° 08-45552 :

“Mais attendu que la fraude corrompt tout ; que si la signature d’un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l’entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu’ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite, a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse“.

Cet arrêt permet d’opposer la fraude à un salarié qui a délibérément refusé de signer son contrat de travail écrit dans le but d’obtenir la requalification en CDI. Rappelons qu’un contrat de travail écrit est obligatoire pour les contrats dits ’précaires’ comme les CDD, les temps partiel ou les contrats d’intérim comme en l’espèce.

-  28 septembre 2010 n° 08-43161 :

« Mais attendu que l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié »

Cet arrêt a fait l’effet d’une « bombe » dans la doctrine et impliquera nécessairement des aménagements de la part de la chambre sociale tant les effets collatéraux indésirables sont nombreux et constituent un frein à certaines restructurations.

-  16 novembre 2010 n° 08-42207 :

“Attendu que la règle de l’unicité de l’instance résultant de ce texte n’est applicable que lorsque l’instance précédente s’est achevée par un jugement sur le fond”

Par cet attend, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence par rapport à la rigidité habituelle de la règles de l’unicité de l’instance (voir notamment 12 novembre 2003 n° 01-41901).

-  26 octobre 2010 n° 09-42740

« Attendu, d’abord, que dès lors que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur, une sanction ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par ce règlement intérieur ; Attendu, ensuite, qu’une mise à pied prévue par le règlement intérieur n’est licite que si ce règlement précise sa durée maximale »

Inspiré d’un arrêt ancien du Conseil d’état (CE 21 septembre 1990 n° 105247 et 105317, Min. du travail c/ SA Maison Aufrère) et du principe de droit pénal sur la légalité des délits et des peines, cette arrêt prévoit que la nature et l’échelle des sanctions doivent être prévus par le règlement intérieur.

- 8 avril 2010 n° 09-40975 :

« Attendu cependant que, selon l’article R. 4624-31 du code du travail, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude qu’après avoir réalisé deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines ; que ce texte n’impose pas que la constatation de l’inaptitude soit faite lors d’un examen médical de reprise consécutif à une suspension du contrat de travail, le médecin du travail pouvant la constater après tout examen médical qu’il pratique au cours de l’exécution du contrat de travail »

Par cet arrêt, la chambre sociale précise que le constat de l’inaptitude peut se faire après n’importe quel examen médicale (d’embauche, de reprise ou périodique), sous réserve que les conditions de l’article R.4624-31 du Code du travail soient respectées.

- 
19 novembre 2010 n° 10-10095 et 10-30215 (chambre mixte)

« Vu l’article L. 227-6 du code de commerce, ensemble les articles L. 1232-6 du code du travail, 1984 et 1998 du code civil ;
Attendu qu’aucune disposition n’exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu’elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ;
Attendu que pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient l’absence de qualité à agir de la signataire de la lettre de licenciement ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement avait été signée par la personne responsable des ressources humaines de la société, chargée de la gestion du personnel et considérée de ce fait comme étant délégataire du pouvoir de licencier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ».

Ces arrêts étaient particulièrement attendu en raison d’une part des positions divergentes des Cours d’appel et d’autre part et surtout de l’impact de la nullité de tous les licenciement prononcés au sein des sociétés par actions simplifiées par une personne non-visée dans le Kbis.

Le débat est désormais clos et les licenciements sécurisés.

D’autres « chantiers » et constructions jurisprudentielles ont connu des évolutions plus ou moins importantes :

- En matière d’égalité de traitement

- En matière de harcèlement moral

- En matière de licenciement économique

- En matière de congés payés

Sans oublier le nouvel outil à disposition des justiciables : la question prioritaire de constitutionnalité

Bref, une année de jurisprudence riche en droit du travail… la suite en 2011 !

Pour plus d’informations sur tous ces sujets : http://ellipse-avocats.com/

Arnaud PILLOIX,

Avocat

pilloix chez ellipse-avocats.com