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Travailler en Allemagne : notions élémentaires sur le contrat de travail et la durée du temps de travail. Par Cathy Neubauer
Parution : mercredi 29 décembre 2010
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Depuis la mise en place de la libre circulation des travailleurs dans l’Union Européenne, de nombreux travailleurs ont fait le choix d’aller travailler à l’étranger, soit en s’y installant, soit en traversant quotidiennement la frontière pour se rendre à leur lieu de travail.

I- LES TRAVAILLEURS CONCERNES

L’Allemagne fait partie des pays qui attirent bon nombre de travailleurs étrangers.

Un certain nombre de français exercent leur activité professionnelle en Allemagne, certains en temps que travailleurs frontaliers, d’autres en s’y étant installés, en tant que travailleurs migrants.

Si la protection sociale est réglementée par l’Union Européenne pour ce qui concerne les travailleurs migrants et frontaliers, et notamment par le règlement CE N°883/2004 modifié par le règlement CE N°988/2009 et son règlement d’application CE N°987/2009, le droit du travail applicable est en général le droit du travail du pays d’accueil.

Que le travailleur soit un travailleurs migrant au sens où l’entend la réglementation Européenne ou qu’il soit un travailleur frontalier au sens de cette même réglementation, en droit du travail stricto sensu, c’est à dire sans son volet protection sociale et hormis les cas exceptionnels du type chantier temporaire fait par une entreprise étrangère avec son propre personnel, impossible d’échapper au droit du travail du pays d’accueil.

En l’occurrence que le travailleur traverse la frontière tous les matins ou qu’il s’installe directement en Allemagne pour travailler dans une entreprise sur place, il sera en principe, soumis au droit du travail allemand.

Ce droit, même s’il comporte quelques similitudes avec le droit français, du fait de l’Union Européenne, est dans la pratique très différent de ce que nous connaissons en France.

II- LA REGLEMENTATION APPLICABLE

L’objectif des présentes est de décrire les principes du droit du travail allemand, tel qu’il s’applique au de travail du salarié, tant du point de vue de sa conclusions que de la durée du travail en elle-même.

Il n’existe pas en Allemagne de code du travail tel qu’il est connu en France. Les textes sont épars et bien que la question revienne régulièrement à l’ordre du jour, la codification n’ a jamais eu lieu.

Le droit du travail est issu de nombreuses lois qui mises bout à bout sont considérées comme les « Arbeitsgesetze » ( lois régissant la relation de travail).

De plus, les textes concernant le droit du travail ne sont pas forcement tous des textes pris au niveau Fédéral.
La loi concernant les congés est par contre une loi fédérale : il s’agit du « Bundesurlaubsgesetz » (loi Fédérale sur les congés)

Les jours fériés eux, dépendent des Länder concernés et varient d’un Land à l’autre souvent pour des raisons historico-religieuses.

Les délais des préavis eux, sont directement intégrés dans le Bürgerlichen Gestezbuch (BGB) qui est le code civil allemand.

III- LE CONTRAT DE TRAVAIL

1) Le contrat de travail à durée indéterminé.

Tout comme le droit du travail français, le droit du travail allemand connaît le contrat de travail à durée indéterminée.

Comme en France, la conclusion du contrat peut parfaitement être verbale.

Néanmoins, après cette embauche par oral, l’employeur dispose de 4 semaines, en vertu du Nachweisgesetz ( loi sur les éléments de preuve) pour fixer les éléments minimums que doit comporter un tel contrat.

En effet, le Nachweisgesetz oblige l’employeur à mettre en place un document, une sorte de lettre d’embauche, qui pour être valable n’exige que la signature de l’employeur et qui doit comporter au minimum les éléments suivants :

- Les coordonnées complètes des parties contractantes

- La date d’effet du contrat de travail

- Le lieu de travail ainsi que les différents autres lieux, en dehors du lieu de travail habituel, dans lesquels le salarié peut être amené à exercer son activité professionnelle

- Une description au moins sommaire, des fonctions et attributions du salarié

- La composition détaillée du salaire, des accessoires du salaire, des primes gratifications et autres éléments pouvant être versés au salarié avec leur périodicité et leur échéance

- La durée des congés annuels

- Les divers préavis en cas de résiliation, de part ou d’autre, du contrat de travail

- Les indications générales concernant les Conventions Collectives, les accords d’entreprise ou autres textes conventionnels s’appliquant à la relation de travail

2) Le contrat de travail à durée déterminée

Le contrat de travail à durée déterminée en bien plus fréquent en France qu’en Allemagne.

Comme en France il doit impérativement faire l’objet d’un écrit.

Les contrats de travail à durée déterminée sont régit par la TzBfG « TeilZeitundBefristetearbeitsGesetz » ( loi sur le travail à temps partiel et à durée déterminée) du 1er janvier 2001.

Le contrat à durée déterminée se divise en deux catégories.

La première concerne le contrat de travail à durée déterminée avec un objectif légitime. Ce contrat peut durer de nombreuses années à condition que l’employeur justifie d’une cause ou d’un objectif légitime.
Il s’agit en pratique d’une mission qui est confiée à un salarié et qui peut durer de longues années, ce qui relèverait de l’impossible en France.
Ce contrat est pourtant très courant en Allemagne. Le salarié est soumis au droit du travail comme les autres salariés mais son contrat comporte une « frist » ( un délai) qui doit être objectivement motivée, ce qui permet aux parties contractantes d’être libres dans la fixation dudit délai.
Les motifs sont bien moins encadrés qu’en France ; il est par exemple tout à fait possible en Allemagne de conclure un contrat à durée déterminée pour un travail à l’essai.

La seconde catégorie de contrat à durée déterminée est celle des contrats sans objectif légitime. Ceci ne signifie pas que le contrat n’est pas possible, cela signifie simplement que ce contrat, dès lors qu’il n’est pas motivé par un tel objectif va être encadré dans le temps.
En fait, le contrat à durée déterminé de ce type là ne doit pas dépasser une durée de 2 ans et n’est renouvelable que trois fois, soit 8 ans au total et toujours sans qu’un motif ait à être avancé.

Le titulaire d’un contrat à durée déterminée a droit aux mêmes avantages que les titulaires de contrats à durée indeterminée.

Par contre, pour éviter les fraudes au KündigungsGesetz ( loi sur les ruptures des contrats ) ce type de contrat ne peut être passé avec un ancien salarié, qu’il ait été en CDI ou en CDD.

Un régime dérogatoire a cependant été mis en place pour les jeunes entreprises depuis 2004. Sont considérées comme « jeunes entreprises » les entreprises qui ont 4 ans au plus d’existence.

Dans leurs quatre premières années ces entreprises peuvent passer un contrat à durée déterminée allant jusqu’à 4 ans, sachant également que dans ce même délai un contrat à durée déterminée peut être renouvelé selon les besoins, sans que la règle des 3 renouvellements maximum trouve à s’appliquer.

De surcroît le contentieux relatif aux contrats à durée déterminée est enfermé dans des règles très strictes. Le co-contractant qui s’estime lésé dans le cadre de cette relation de travail ne dispose que de trois semaines à la fin du contrat pour porter son affaire devant le « ArbeitzGericht » (tribunal du travail). Passé ce délai i lest forclos.

3) Les « 400 euros Jobs » ou « mini-jobs »

Il s’agit d’un emploi ou de courte durée (deux mois au maximum) ou d’un emploi dont la rémunération ne dépasse pas 400 euros par mois.

Jusqu’en 2003, ces emplois étaient limités à 15 heures de travail par semaine ; cette limite a été abrogée en 2008.
Ces contrats sont loin d’être rares. En mars 2009, la Bundesagentur für Arbeit in Deutschland ( l’agence fédérale pour l’emploi en Allemagne) a décompté environ 4,9 millions de personnes titulaires d’un tel mini-job à titre principal. Les femmes sont la plupart du temps les titulaires de ce type d’emploi. Selon les régions, leur proportion va jusqu’à deux tiers des travailleurs dans cette catégorie d’emploi.

Très peu de cotisations sociales sont assises sur ces mini-jobs. Dans certains cas l’exonération peut être totale.
Néanmoins les mini-jobs peuvent également être des emplois d’appoint.
Depuis le 1er janvier 2008, les bénéficiaires de pensions de vieillesse anticipées ou de pensions pour « diminution de la capacité de gains » peuvent exercer ces mini-jobs.

IV- LA DUREE DU TEMPS DE TRAVAIL

1) Le travail à temps complet

Le contrat de travail doit obligatoirement préciser la durée du temps de travail. En général, le contrat précise la durée hebdomadaire du travail mais il peut très bien fixer une période mensuelle voire annuelle.

D’après le Arbeitszeitgesetz (loi sur la durée du temps de travail) la durée du travail hebdomadaire peut aller jusqu’à 48 heures reparties sur 6 jours.
Sous certaines conditions très précises, la durée hebdomadaire peut exceptionnellement aller jusqu’à 60 heures ce qui serait impossible en France.

Il convient dès lors d’être très précis dans le cadre de la rédaction du contrat de travail dès lors que les heures au de la de la durée du travail ne sont pas forcément rémunérées en argent mais peuvent l’être en temps libre.

Par contre, le AZG (Arbeitszeitgesetz) qui est la loi allemande réglementant le temps de travail dont la version du 6 juin 1994 est actuellement en vigueur, réglemente la durée de la journée de travail des salariés allemands.
Sont exclus du champs d’application de cette loi, les Leitende Angestelte ( les cadres), les fonctionnaires et agents publics, les membres de la marine marchande et de l’aviation civile, les employés de maison, les médecins chefs, les militaires, les détenteurs de ministères du culte et les mineurs de moins de 18 ans.

Pour tous les autres salariés, le AZG fixe la durée du temps de travail de la façon suivante : en principe est prohibée toute durée de travail supérieure à 8 heures par jour.

Cependant, lorsque la moyenne horaire ne dépasse pas 8 heures par jour sur une durée de 6 mois calendaires ou sur une durée consécutive de 24 semaines.

Par ailleurs le AZG dispose qu’à la fin de sa journée de travail, le salarié doit bénéficier d’un repos consécutif de 11 heures.

Le AZG impose aussi des périodes de repos pendant la journée de travail. Ainsi lorsque la durée quotidienne de travail va de 6 à 9 heures, l’employeur est tenu de faire respecter une pause de 30 minutes. Une pause de 45 minutes est imposée lorsque la durée quotidienne du travail dépasse 9 heures.

Cette pause peut être divisée en périodes de 15 minutes.
Il est souligner qu’une période de travail consécutive ne peut dépasser 6 heures sans qu’elle soit interrompue par une pause d’au moins 15 minutes.

2) Le travail à temps partiel

Dans le droit allemand, le travail à temps partiel est une notion relative.

En effet, les salariés à temps partiel sont définis par rapport à l’horaire de travail à temps plein dans l’entreprise.
Par exemple dans une entreprise où la durée du travail est fixée à 8 heures par jours sur 6 jours ouvrables, soit 48 heures, le travailleur qui travaille 8 heures par jours sur 5 jours ouvrables soit 40 heures sera considéré comme un travailleur à temps partiel.

Ce même travailleur sera considéré comme un travailleur à temps complet dans une entreprise dont l’horaire de travail est de 40 heures.

Depuis l’entrée en vigueur du TzBfG « TeilZeitundBefristetearbeitsGesetz » ( loi sur le travail à temps partiel et à durée déterminée) le 1er janvier 2001, les salariés ont droit, sous certaines conditions au travail à temps partiel.

En effet, pour que le salarié soit éligible à un contrat à temps partiel, il lui faut une ancienneté de 6 mois au moins dans une entreprise comportant au moins 15 salariés, étant rappelé que les apprentis ne comptent pas pour le décompte du nombre des salariés.

La demande doit être présentée au moins trois mois avant le début prévisible de l’horaire réduit.
Le TzBfG ouvre cette possibilité à tous les salariés, cadres et détenteurs de mini-jobs y compris.

L’employeur est en droit de refuser cet aménagement pour des raisons inhérentes à l’entreprise. Certaines conventions collectives listent les motifs de rejet des demandes de passage d’un contrat à temps plein à un contrat à temps partiel.

La loi prévoit que la diminution du temps de travail se fait par accord entre l’employeur et le salarié.
Lorsque les parties n’arrivent pas à un accord, il appartient à l’employeur dans les 30 jours de faire connaître son refus au salarié ou de lui faire une proposition détaillée concernant la durée du travail, l’éventuel laps de temps pendant lequel cette durée sera en vigueur, ainsi que les nouveaux horaires et ce dans les 30 jours du constat du désaccord.

Si l’employeur omet d’agir dans ce délai, la demande du salarié est validée dans toutes ses dispositions.

Si dans ce délai de 30 jours l’employeur oppose au salarié un refus fondé sur les impératifs de l’entreprise, le salarié peut saisir le tribunal du travail ( Arbeitsgericht) pour lui demander de trancher.
L’employeur peut également accéder à la demande du salarié mais en modifier les modalités. Si la proposition de l’employeur est faite dans le délai de 30 jours, sa proposition va se substituer à la demande du salarié et être considérée comme valant accord des deux parties.

Le salarié peut cependant contester cette proposition en saisissant la justice.
Enfin, il convient de souligner qu’en cas d’accord ou de refus non contesté, le salarié ne pourra demander une nouvelle diminution de son temps de travail qu’après l’écoulement d’un délai de 2 ans.

3) Les dimanches et jours fériés

La AZG (Arbeitszeitgesetz) interdit que les salariés soient employés le dimanche et les jours fériés de 0 à 24 heures.
En cas de travail posté, l’heure de début du dimanche ou du jour férié peut être avancée ou reculée de 6 heures, à condition qu’un repos effectif de 24 heures s’en suive.
Les chauffeurs routiers et leurs passagers peuvent avancer cet horaire de 2 heures dans les mêmes conditions que le travail posté.

La AZG prévoit des dérogations en fonction des professions ; il s’agit bien entendu des professions vitales comme les services médicaux, les services de police, les pompiers mais également de professions autres comme par exemple l’hôtellerie, la restauration ou le transport de personnes.

Néanmoins il est tout à fait possible pour une convention collective ou un accord d’entreprises de déroger à ce repos dominical ou afférent aux jours fériés.
Les Aufsichtsbehörde ( autorités de surveillance) peuvent également homologuer des dérogations.

Pour ce qui concerne les jours fériés, il faut rappeler que le nombre de jours fériés exact dépend des différents Länder ( les états fédérés)
Le Saarland a 12 jours fériés contre 11 pour le Rhénanie- Palatinat. Le Bade Wurtemberg lui en compte 12 également.
La différence est en général due à la religion dominante du Land, ce qui fait que dans les Länder avec une forte population catholique, l’Assomption est également un jour férié. C’est le cas dans le Saarland.

En définitive, et malgré l’Union Européenne, force est de constater que de très nombreuses disparités existent dans le monde du travail.

Cathy NEUBAUER

cathy.neubauer chez wanadoo.fr