La réponse à la question de savoir si tout redressement engendre un risque de poursuite pour fraude fiscale est affirmative. Dès lors qu’une entreprise reçoit un redressement, quel qu’en soit le montant, le risque de poursuite pour fraude fiscale existe. Le dirigeant peut être convoqué devant le juge pénal pour répondre d’une accusation de fraude fiscale, ce qui peut résulter en une condamnation pénale, une peine d’amende, une peine de sursis, une interdiction de gérer et d’autres sanctions désagréables qui vous empêcheront de travailler.
La fraude fiscale est définie par l’article 1741 du Code général des impôts. Dans le cas d’une entreprise, c’est le fait pour un dirigeant de minorer ses déclarations fiscales ou de ne pas les souscrire tout en sachant qu’on a minoré les montants déclarés, ou qu’on n’a pas déclaré des sommes, c’est-à-dire qu’on n’a pas fait les déclarations. Le fait matériel est assez facile à établir. A telle date vous auriez dû déclarer 100 et vous avez déclaré 30. Ensuite, l’intention frauduleuse, ou intention d’avoir agi en connaissance de cause, est aussi un élément très facile à démontrer pour l’accusation.
Si vous êtes poursuivi pour fraude fiscale, la durée de prescription est de 6 ans, en réalité presque 7 ans depuis quelques années ; vous avez donc un risque long d’être poursuivi pour fraude fiscale pour n’importe quel type de redressement. La sanction de la poursuite pour fraude fiscale comprend aussi la mise à votre charge personnelle de la dette de la société. L’article 1745 du Code général des impôts permet en effet au tribunal de vous condamner à payer la dette. Les risques sont extrêmement élevés.
Il est assez effrayant de voir des dirigeants d’entreprise ne pas avoir conscience que lorsqu’ils ont un redressement, ils ont par voie de conséquence un risque aussi important d’être poursuivis pour fraude fiscale dans la foulée. Malheureusement, beaucoup se disent que suite au redressement ils vont déposer le bilan et que tout s’arrêtera là. Ce n’est évidemment pas si simple. L’entreprise peut déposer, il y a quand même un risque derrière d’être poursuivi pour fraude fiscale et ce risque n’est pas maîtrisé ; il est aléatoire et rien ne permet de le supprimer.
J’aurais de nombreux exemples pour illustrer ce propos. Ainsi, j’ai défendu un avocat qui avait eu un redressement de 60 000 euros, ce n’était pas un montant très important. Bien évidemment il avait intégralement payé ce redressement, il était complètement débordé et vraiment en incapacité de gérer ses affaires administratives, sans avoir une phobie pour autant. Il était inondé de travail, mais il a été poursuivi pour fraude fiscale alors même que la totalité des sommes, les 60 000 euros, avaient été payés. Il a eu une dispense de peine, mais il a eu le côté infamant de la condamnation pénale. Il ne faut donc pas se baser sur un cas qui a été redressé et qui n’a pas été poursuivi pour penser que l’on n’est pas soi-même pénalisable à cause d’un redressement fiscal.
Il faut savoir qu’un redressement n’est pas anodin et peut générer derrière une action pénale qui sera assez problématique pour votre activité.
Discussion en cours :
Au delà de l’incidence purement fiscale-pénale classique, il conviendrait peut-être d’envisager également les conséquence de l’affaire Cahuzac. Le fiscal tient désormais le pénal de sorte que les Magistrats Judiciaires (échaudés de ce déclassement du pénal et l’hégémonie du Juge fiscal qui en résulte) paraissent ardemment envisager un retour sur ce type de problématiques sous l’angle de l’ABS.
A cet égard la Circulaire de Mai 2014 renforce les liens entre la Dgfip et le Parquet en termes de transmissions et d’échanges d’informations, et, au cas qui nous intéresse au plan des incidences, plus particulièrement sur l’aspect transmission Art.40.
Nombre de rectifications fiscales qui méritent indéniablement une approche PPC étant susceptibles d’être bloquées par le "verrou de Bercy" peuvent donc renaître au pénal sous une nouvelle forme procédant d’une fluidification des relations entre la Dgfip et l’administration judiciaire.
Il est cependant peut-être rassurant de constater qu’il y a aussi là un verrou, résultant du défaut de sanction du fonctionnaire qui ne satisfait à son obligation de communication à l’autorité judiciaire.
Modification législative potentielle à surveiller donc.