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La distinction subrogation / délégation / novation...

MessagePosté: Jeu 18 Déc 2008 17:39
de benj0
Dites, est ce que quelqu' un pourrait expliquer clairement la distinction subrogation / délégation / novation, car j' ai beau lire plein de sources, je n' en trouve aucune qui soit éclairante sur ce qui les rapproche et les distingue !

Merci beaucoup !

MessagePosté: Jeu 18 Déc 2008 19:08
de Kleinaster
Il y aurait tant à dire sur ces trois mécanismes du droit des obligations et tant a d'ailleurs déjà été dit depuis des lustres. Pour autant, ils restent souvent de mystérieux concepts sortis tout droit d'un droit des obligations parfois obscur.

En réalité, ce sont des mécanismes abstraits dans leur formulation mais qui sont éminemment concrets dans leur application. Le droit des obligations reste ainsi une théorie générale, ensemble de notions et de concepts abstraits, dont la force est de parvenir à englober un grand nombre de situations et de possibilités différentes.

Je ne me livrerai pas à des définitions, déjà fournies par les ouvrages nombreux en la matière. Je proposerai plutôt une approche qui n'engage que moi.

Délégation, novation, subrogation : considérons-les comme trois mécanismes juridiques dont le point commun est de créer une nouvelle source d'obligation.

Dans la délégation, la nouvelle source d'obligation se crée entre le délégué vis-à-vis du délégataire par l'effet de la stipulation du délégant.

Dans la novation, la nouvelle source d'obligation se crée soit entre les mêmes parties en cas de novation par changement de dette, soit entre l'une d'elle et un tiers, devenant soit nouveau créancier en cas de novation par changement de créancier, soit nouveau débiteur en cas de novation par changement de débiteur, selon le type de novation au sens de l'article 1271 du Code civil.

Dans la subrogation, la nouvelle source d'obligation se crée entre le subrogé et le subrogataire par l'effet de la stipulation du subrogeant.

Tous trois créent ainsi une nouvelle source d'obligation, ce qui constituent leur point commun. Cependant, chacun d'eux n'opère pas les mêmes effets, ce qui constitue leurs différences.

Dans la délégation, le rapport de droit primitif entre le délégant et le délégataire ne s'éteint pas. Seule une manifestation expresse de volonté en ce sens de la part du délégataire est susceptible de libérer le délégant de ce rapport, conformément à l'article 1275 du Code civil. La pratique parle à ce titre de "délégation parfaite" et de "délégation imparfaite", selon que le délégant est libéré ou non.

Dans la novation, le rapport de droit primitif entre les mêmes parties ou entre l'une d'elles et le tiers, selon le type de novation, s'éteint. La novation constitue ainsi un mode d'extinction des obligations, conformément à l'article 1234 du Code civil. La pratique qualifie à ce titre la délégation parfaite de "délégation novatoire" car en réalité, la manifestation de volonté de la part du délégataire de libérer le délégant opère novation par changement de débiteur.

Dans la subrogation, le rapport de droit primitif entre le subrogeant et le subrogataire s'éteint car elle intervient en même temps qu'un paiement, lequel est un mode extinctif des obligations au sens de l'article 1234 du Code civil. La pratique parle à ce titre de "paiement subrogatoire". La subrogation constitue ainsi, elle aussi, un mode d'extinction des obligations, conformément à l'article 1249 du Code civil.

Outre ces points de différences, ces trois mécanismes se différencient également par leur mode de création de la nouvelle source d'obligation.

Dans la délégation, la nouvelle source d'obligation se crée par l'ordre que donne le délégant au délégué de payer au délégataire la créance qu'il a contre lui. La délégation n'opère pas transfert de créance mais, en quelque manière, juxtaposition de créances.

Dans la novation, la nouvelle source d'obligation se crée par la substitution soit de dette, soit de créancier, soit de débiteur, selon le type de novation. La novation n'opère pas transfert de créance mais substitution soit de créance, soit de créancier, soit de débiteur, selon le type de novation.

Dans la subrogration, en revanche, la nouvelle source d'obligation se crée par le transfert de la créance du subrogeant contre le subrogé au bénéfice du subrogataire. La subrogation opère ainsi transfert de créance et, comme telle, emporte transmission à la fois de la créance et de tous les droits qui y sont attachés, conformément à l'article 1250 1° du Code civil.

En conclusion, ces différences amènent la pratique à utiliser plus largement la subrogation que la délégation ou la novation, que même la cession de créance. La subrogation se retrouve ainsi dans l'affacturage, dans les quittances subrogatives, dans les versements d'indemnités d'assurance ou encore dans les versements d'indemnités de la sécurité sociale.

MessagePosté: Jeu 18 Déc 2008 20:13
de françois
Comme le rappelle Kleinaster, dont l'exposé est à la fois suffisamment complet et synthétique pour vous donner une bonne idée de ces différents mécanismes, il y a beaucoup à en dire.

J'ajouterai juste un point à ce qui a été rappelé ci-desus: selon les mécanismes, il y a opposabilité/inopposabilité des exceptions issues du rapport de droit initial. Et c'est loin d'être neutre.

MessagePosté: Jeu 18 Déc 2008 22:45
de benj0
Un énorme merci pour cette réponse fort complète, je pense qu' il faudra que je la relise quelques fois avant de bien y voir clair, mais donc déjà, si je comprend bien, la délégation parfaite et la novation sont des synonymes ?

MessagePosté: Ven 19 Déc 2008 11:59
de Kleinaster
La délégation parfaite est la délégation qui emporte libération du débiteur primitif. Or, pour formuler le mécanisme à la manière de l'article 1583 du Code civil, la délégation n'est parfaite que par la volonté du créancier de libérer son débiteur primitif. Il s'opère alors une novation par changement de débiteur. "Délégation parfaite" et "délégation novatoire" deviennent ainsi synonymes : c'est en effet une novation par changement de débiteur.

C'est précisément ce qu'énonce l'article 1275 du Code civil : "La délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation."