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Renonciation à la garantie des vices cachés

MessagePosté: Mar 30 Juin 2009 1:07
de Nancy54
Bonsoir,

Est-il possible de stipuler dans les conditions générales d'un contrat de vente que l'acheteur ne bénéficiera d'aucune garantie d'aucune sorte, ce qui exclut celle des vices cachés des articles 1641 et suivants du Code Civil ?

Merci pour vos avis.

MessagePosté: Mar 30 Juin 2009 8:09
de Camille
Bonjour,
Sujet déjà pas mal discuté sur ce forum.
http://www.village-justice.com/forum/vi ... sc&start=0

C'est toujours possible de prévoir une clause...
Mais la cour de cassation a une position un peu différente suivant qu'il s'agit d'immobilier ou de mobilier, par exemple vente de voiture d'occasion.
Mais, en tout état de cause, cette clause ne protégera pas le vendeur qui, en toute connaissance de cause, parfaitement au courant de la gravité d'un vice non apparent, l'aura caché délibérément et sciemment à l'acheteur, voire l'aura "camouflé à l'aide d'un emplâtre".

En principe, un vice caché est un vice non apparent aussi bien aux yeux du vendeur qu'aux yeux de l'acheteur ou connu du vendeur mais dont il n'avait pas la conscience de la gravité.
"caché" = "non apparent" et pas forcément "caché par le vendeur".

MessagePosté: Mar 30 Juin 2009 9:50
de Nancy54
Merci Camille. Mais ce sujet que je suis aussi avec intérêt n’est pas tout à fait le même.

Je me demande en effet plus particulièrement si une société qui a pour activité la vente aux enchères publiques amiable et volontaire de matériels d’occasion, de TP par exemple, peut valablement prévoir dans le contrat qu’elle fait signer aux enchérisseurs qu’elle ne sera tenue à aucune garantie d’aucune sorte, y compris donc celle des vices cachés, alors qu’elle est un vendeur professionnel.

Certes la plupart du temps ne connaît elle pas l’existence des vices parce qu’elle fait rentrer du matériel pour le vendre aux enchères aux jours et heures qu’elle organise, sans nécessairement le diagnostiquer, mais il m’apparaît que cette clause ne doit pas beaucoup la protéger. Qu’en pensez-vous ?

Je précise que cette société prend une commission du le prix de vente qui est payée par le fournisseur du bien, mais que c’est elle qui facture le bien au meilleur enchérisseur.

MessagePosté: Mar 30 Juin 2009 9:58
de aiki
Voir l'article 1649 du Code civil

MessagePosté: Mar 30 Juin 2009 14:26
de Nancy54
aiki a écrit :Voir l'article 1649 du Code civil

Comme précisé, il s'agit de ventes amiables et volontaires, non pas faites par autorité de Justice, et l'article 1649 ne me parait dès lors pas applicable.

MessagePosté: Mer 01 Juil 2009 17:40
de Papinien
Bonjour,

Je partage l'avis de Nancy54 au sujet de l'art. 1649 : une vente aux enchères n'est pas nécessairement faite par autorité de justice.

Pour le surplus, je m'interroge sur le rôle exact de cette société de vente. Apparemment, elle n'est pas à proprement parler venderesse, puiqu'elle n'est pas propriétaire des biens vendus, à la différence d'un marchand. Elle semble donc jouer un rôle d'intermédiaire en vertu d'un mandat donné par le propriétaire du matériel à vendre, lequel serait donc alors le véritable vendeur et, comme tel, tenu à la garantie des vices cachés. J'avoue mon embarras, d'autant que, n'étant plus en fonctions, je n'ai plus de documentation sous la main, mais peut-être faudrait-il explorer cette piste... non garantie !

MessagePosté: Jeu 02 Juil 2009 8:34
de Camille
Bonjour,
Bien d'accord, mais dans ce cas, il y a un "hiatus" :

Nancy54 a écrit :Je précise que cette société prend une commission du le prix de vente qui est payée par le fournisseur du bien, mais que c’est elle qui facture le bien au meilleur enchérisseur.

Si elle facture à son en-tête, alors ce n'est plus une commission, c'est une marge bénéficiaire sur vente et la société et réputée la vendeuse du bien. Forcément.
Et il faudra qu'elle puisse exhiber un document de cession entre le bénéficiaire de l'opération et elle-même.


Pour le reste :
Nancy54 a écrit :Certes la plupart du temps ne connaît elle pas l’existence des vices parce qu’elle fait rentrer du matériel pour le vendre aux enchères aux jours et heures qu’elle organise, sans nécessairement le diagnostiquer, mais il m’apparaît que cette clause ne doit pas beaucoup la protéger. Qu’en pensez-vous ?

Peu importe. Par défaut, si l'on s'en tient à une pratique constante, un vendeur est réputé connaître les défauts des biens qu'il vend. De toute façon, la notion de vice caché ne fait pas appel à la bonne ou la mauvaise foi du vendeur. "Caché" signifie "non apparent", aussi bien aux yeux du vendeur qu'aux yeux de l'acheteur.
En matière de vice caché, le vendeur ne peut pas dire "j'étais pas au courant, donc...". Ici, on ne recherche pas une culpabilité mais une responsabilité (civile) : celle d'avoir vendu un bien qui ne correspondait pas à ce que l'acheteur en attendait raisonnablement et à ce qu'on en avait promis dans sa proposition de vente.

Pour moi, du moment que la vente est "amiable et volontaire", peu importe qu'elle soit "aux enchères", c'est une vente comme une autre. Sa nature ne change pas sous prétexte que le prix a été déterminé par des enchères. Une enchère est un mode de détermination du prix comme un autre.

MessagePosté: Mer 08 Juil 2009 8:39
de Nancy54
Bonjour,

Effectivement, il y a un hiatus. Voici les précisions que j’ai pu obtenir :

La société de ventes volontaire (SVV) fait signer un contrat de mandat au vendeur volontaire pour vendre aux enchères un bien que ce dernier déclare être en bon état de fonctionnement, moyennant une commission sur le prix de vente.

La SVV fait préalablement signer aux enchérisseurs inscrits un contrat aux termes desquels elle ne se présente pas comme mandataire et indique n’offrir aucune garantie d’aucune sorte, l’enchérisseur devant examiner préalablement le matériel. Il stipule encore que l’acheteur déclare faire les réparations à ses frais pour mettre le matériel acheté en état de fonctionnement ou conformes aux normes.

Après les enchères, c’est la SVV qui facture l’acheteur, le nom du vendeur volontaire mandant n’apparaissant nulle part, et le SVV se refusant à le faire connaître.

Au vu de cette facture et du contrat avec l’enchérisseur, c’est la SVV qui apparaît comme le vendeur. Mais quand on sait par le contrat du vendeur volontaire que la SVV n’est que mandataire, c’est ce vendeur volontaire qui serait le véritable vendeur et donc tenu à une garantie des vices cachés qui ne semble pas être exclue à son égard, si toutefois une telle exclusion conventionnelle est liicite.

La question se pose de savoir si l’acheteur peut se prévaloir du contrat que le vendeur volontaire a signé avec la SVV et que cette dernière refuse de divulguer, et si la clause de renonciation à garantie vis-à-vis de la SVV est valide dans son principe, notamment si la garantie des vices cachés n’est pas d’ordre public, et si la mention « vendu en l’état » suffit à l’exclure.

Il semblerait en tous cas que le recours pour vice cachés existe contre le vendeur volontaire qui même caché derrière un mandataire refusant toute garantie en son nom, ce qui à mon sens ne suffit pas à l’exclure pour son mandant.

MessagePosté: Mer 08 Juil 2009 10:12
de Camille
Bonjour,
Donc SVV facture comme si le bien lui appartenait.

Pour moi, facture au seul nom de SVV, sans aucune allusion au mandant du propriétaire précédent, c'est SVV qui sera seule considérée comme "le vendeur".
Qui plus est, une "professionnelle de la vente de matériels d'occasion", donc la cour considèrera qu'elle est - par défaut - au courant de l'état réel du bien.

La Cour de cassation ne reconnaît pas l'expression "vendu en l'état" puisque tout matériel d'occasion est forcément vendu en l'état, par principe et par définition en l'absence de garantie contractuelle. Ou plus exactement, elle considère l'expression sous la forme "vendu en l'état apparent" et non pas réel. C'est-à-dire dans l'état dans lequel un acheteur lambda s'attend à le trouver après un examen précautionneux habituel (supposé sans démontage). Donc l'action en vice caché et rédhibitoire reste possible, même avec ce genre de formule vague, sans autre précision (à ne pas confondre avec le défaut de conformité).

L'acheteur final, particulier je suppose, n'a à connaître que son vendeur, la société SVV.
Donc à mon humble avis, SVV sera "en première ligne", à sa charge de se retourner contre son propre fournisseur. Si c'est un particulier, peu de chances de gagner. Encore plus si ce dernier n'a signé qu'un mandat de vente...

Pas mal de jurisprudences sur le sujet, dont celle-là
Il résulte des dispositions de l'article 1643 du Code civil que le vendeur professionnel est tenu de connaître les vices cachés affectant la chose par lui vendue et ne peut se prévaloir d'une situation excluant à l'avance sa garantie pour vices cachés. Il ne peut en être autrement que dans le cas d'une vente passée entre professionnels.
Dès lors, ne peut se prévaloir d'une clause excluant la garantie légale des vices cachés le concessionnaire dont la qualité de professionnel de la vente d'automobile ne peut être contestée.
C.A. Lyon (6° Ch.), 20 février 2002

Sur la base d'arrêts de C.Cass. plus anciens.

MessagePosté: Mer 08 Juil 2009 12:00
de Nancy54
La mention suivante figure en bas de sa facture : « la SVV n’est pas propriétaire des matériels, la SVV agit en tant qu’agent ».

Si la SVV établit qu’elle n’est intermédiaire, elle ne serait pas tenue à la garantie selon la jurisprudence : Absence de présomption de connaissance des vices, s'agissant d'un intermédiaire, agent immobilier, et non d'un vendeur: V. Civ. 1re, 20 déc. 2000: Bull. civ. I, no 335; RCA 2001. Chron. 11, par Agard.

Dans le contrat de mandat, il n’est pas prévu que le vendeur volontaire facture le bien ni à l’acheteur final, ni à la SVV. Je me demande comment il le sort de ses immobilisations en comptabilité…

En l’espèce, le vendeur volontaire est une grande société de location. C’est donc également un professionnel qui est censé connaître les vices cachés de ses matériels.

Dans le contrat d’enchérisseur, il faut déclarer être professionnel. L’arrêt de la CA de Lyon semble a contrario valider une clause excluant la garantie des vices cachés entre professionnels. Mais un professionnel qui n’est qu’utilisateur, a fortiori pour ses besoins personnels étranger à son objet professionnel n’est-il pas considéré de ce point de vue comme un consommateur vis-à-vis d’un professionnel de la vente ?

Du point de vue de la garantie de conformité des articles L211-1et suivants du code de la consommation, le professionnel utilisateur serait dans ce cas considéré comme un consommateur et pourrait en bénéficier, s’il ne s’agissait d’une vente aux enchères qui exclut son application.

Pour en revenir à la question initiale et si j’ai bien compris, le vendeur professionnel ne pourrait par une clause même explicite et expresse s’affranchir de la garantie des articles 1641 et suivants du code civil, notamment de l’obligation posée par l’article 1643, pour une vente faite à un consommateur, qu’il soit particulier ou professionnel (société ou profession libérale par exemple dont le bien est étranger à son objet professionnel), mais serait en revanche autorisé à le faire pour une vente à un professionnel, soit que le bien soit utilisé pour l’objet professionnel, soit qu’il soit destiné à la vente. Est-ce bien cela ?

Le problème reste de déterminer au vu de ces éléments contradictoires pour certains qui est le vendeur pour savoir lequel des deux professionnels doit la garantie des vices cachés.