Au sommaire de cet article...
I. Les enjeux de la qualification juridique : la saisine in rem.
1. Le juge limité aux faits.
Le juge pénal dispose, en principe, de larges pouvoirs lors de l’instruction d’une affaire afin de s’assurer de la matérialité des faits.
Pourtant, lorsqu’il est saisi, à l’initiative du magistrat instructeur, du parquet ou encore de la partie civile, il est limité dans le cadre de sa saisine en raison du principe de séparation des fonctions de poursuite et de jugement. En effet, l’article préliminaire du Code de procédure pénale, I dispose que la procédure pénale
« doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement ».
Sous peine de commettre un déni de justice, le juge pénal est tenu de statuer sur la totalité des faits dont il est saisi.
Autrement dit, il doit statuer sur tous les faits qui pourraient entrer dans une qualification pénale.
Toutefois, il ne doit pas statuer sur des faits autres que ceux mentionnés dans l’acte de poursuite. C’est le principe de la saisine in rem.
Par conséquent, la Cour de cassation considère que le juge correctionnel peut modifier la qualification pénale retenue dès lors qu’elle ne repose pas sur des faits étrangers à l’acte de poursuite initiale [1].
2. Le juge confronté aux faits nouveaux.
Par exception, dans certains cas, le juge pénal peut juger de faits dont il n’est pas saisi. Il a alors le devoir de leur donner une qualification.
Tout d’abord, lorsque des faits nouveaux sont révélés au cours des débats, le juge peut statuer sur ces faits.
Cependant, cette comparution sur des faits nouveaux qui ne sont pas compris dans la saisine du juge, ne peut être imposée car elle violerait les droits de la défense.
En pratique, lorsque le juge ajoute des faits à la prévention dans le cadre de sa requalification, il doit impérativement recueillir le consentement du prévenu afin d’être jugé sur des faits non compris dans la prévention.
L’irrespect de cette condition reviendrait à admettre l’arbitraire du juge qui pourrait juger des faits dont il n’est pas saisi et porter ainsi atteinte au principe de saisine in rem.
Enfin, à défaut d’accord du prévenu, le parquet pourra le faire citer sur ces faits nouveaux à une audience ultérieure.
Ensuite, le juge pénal peut également se prononcer sur des faits commis lors de l’audience.
En effet, l’article 675 du Code de procédure pénale dispose que
« Sous réserve des dispositions des articles 342 et 457, les infractions commises à l’audience sont jugées, d’office ou sur les réquisitions du ministère public, suivant les dispositions ci-après, nonobstant toutes règles spéciales de compétence ou de procédure ».
Cependant, ces faits nouveaux ne peuvent être jugés d’office, lorsqu’il s’agit d’outrages à magistrat au cours d’une audience [2].
II. Le pouvoir de requalification du juge pénal.
En droit, le principe de légalité impose qu’un comportement ne peut être puni que s’il entre dans le champ d’application d’une incrimination.
En effet, l’article 111-3 du Code pénal dispose que
« Nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement ».
Il est donc interdit de réprimer un comportement s’il n’entre pas dans les prévisions d’un texte.
Ainsi, le juge pénal a le droit et le devoir d’examiner la qualification des faits qui lui est soumise. Si elle lui apparaît inexacte, il doit la modifier en vertu de son pouvoir de requalification des faits dont il est saisi.
À cet effet, il ne peut se contenter de prononcer la relaxe d’un prévenu sur la qualification initialement retenue sans pour autant vérifier que les faits ne constituent pas une autre infraction [3].
Le pouvoir de requalification du juge pénal est toutefois limité par les droits de la défense.
Tout d’abord, le juge pourra avoir recours à la requalification des faits dont il est saisi sans en informer préalablement le prévenu :
- S’il décide d’abandonner une circonstance aggravante [4]
- Quand il requalifie un délit en contravention. L’article 466 du Code de procédure pénale dispose que
« Si le tribunal régulièrement saisi d’un fait qualifié délit par la loi, estime, au résultat des débats, que ce fait ne constitue qu’une contravention, il prononce la peine et statue, s’il y a lieu, sur l’action civile ».
Dans ces deux situations, la requalification des faits est favorable au prévenu, ce qui justifie l’atteinte aux droits de la défense.
Enfin, le juge pourra procéder à la requalification des faits à condition de recueillir les observations du prévenu, lorsqu’il procède seulement à un changement d’appréciation de la qualification. Par exemple, lorsqu’il requalifie un usage de stupéfiants en détention de stupéfiants, une banqueroute en abus de biens sociaux ou encore un abus de faiblesse en extorsion de fonds.
Le 16 mai 2007, la Cour de cassation a rappelé que si les juges doivent restituer aux faits leur véritable qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été mis en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée [5].
Dans cette dernière hypothèse, le juge requalifie des faits dont il est déjà saisi et non des faits nouveaux.