1. Le droit fondamental à la vie. l’homicide. définition et réglementation.
La réglementation pénale de l’infraction d’homicide vise à protéger le droit à la vie. La vie humaine est un droit fondamental consacré dans le droit international, européen et français. Le droit à la vie est consacré explicitement dans le domaine international et européen. L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme établit que tout individu a le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté. L’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. L’article 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dit que toute personne a le droit à la vie.
L’homicide est une infraction laquelle est punie depuis le début de l’humanité. Le mot homicide est issu du mot latin homicidia et signifie homo (homme) et caedere (tuer). Depuis l’abolition de la peine de mort par la loi du 9 octobre 1981, le droit à la vie est fermement protégé en droit français [1].
La Constitution française ne consacre pas le droit à la vie de manière explicite.
Son article 66-1 dispose que :
« nul ne peut être condamné à la peine de mort ».
Le droit interne français, avec l’article 16 du Code civil, assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. Le droit pénal français considère la vie humaine comme une valeur essentielle dans la société, contribue à sa protection et réprime son atteinte.
Une des questions à nous poser est la suivante : quelle est la différence entre les termes meurtre, assassinat et homicide ? Malgré leur usage indistinct dans la vie courante, il s’agit de termes bien différents dans le monde juridique. La différence entre ces termes est très importante parce que la responsabilité pénale varie selon la gravité et les circonstances présentes dans la mort donnée à autrui.
L’homicide est un terme générique et le meurtre et l’assassinat sont chacun une classe d’homicide. C’est-à-dire, le terme homicide désigne tout acte volontaire ou involontaire ayant conduit à la mort de la victime [2]. L’homicide volontaire peut être classé en meurtre ou en assassinat, selon s’il y a eu préméditation ou non. L’assassinat est l’homicide volontaire commis avec préméditation ou guet-apens.
L’élément constitutif nécessaire pour l’existence d’un homicide est l’existence d’une vie humaine protégée. L’infraction d’homicide ne peut pas être qualifiée si la victime n’est pas vivante. Un cadavre a des qualifications pénales qui le protègent spécifiquement [3]. Il n’y a pas d’homicide si une personne décide de poignarder un cadavre. La victime de l’homicide doit être une personne différente que l’auteur de l’infraction. Ainsi, le suicide n’est pas considéré comme un meurtre.
Le Titre II du Livre II du Code pénal français (CP) est intitulé « Des atteintes à la personne humaine ». Ce Titre s’ouvre sur un premier chapitre concernant les atteintes à la vie de la personne, dans les articles 221-1 à 221-11-1.
2. Le meurtre : neutralisation et circonstances aggravantes.
Selon l’article 221-1 CP, le meurtre est le fait de donner volontairement la mort à autrui. Il s’agit d’un acte intentionnel, mais sans l’avoir prémédité.
2.1. L’élément matériel et moral du meurtre.
Le meurtre, comme toute infraction pénale, nécessite la réunion de deux éléments : l’élément matériel et l’élément moral.
2.1.1. L’élément matériel.
L’élément matériel de l’infraction est le fait de donner la mort à autrui.
L’expression « donner la mort » nous montre que le meurtre est une infraction de commission. La Cour de cassation a dit qu’un homicide volontaire peut résulter de moyens multiples et successifs employés pendant un temps plus ou moins long, ce qui implique que le crime n’est pas nécessairement commis en un lieu unique [4].
Un lien de causalité entre le comportement et le décès de la victime est nécessaire [5].
L’expression « à autrui » nous montre que la victime de l’infraction est nécessairement une personne. Ainsi, un animal ne peut pas être la victime du meurtre. Il y a un problème juridique très important concernant l’élément matériel : un fœtus peut-il être considéré comme une victime du meurtre ? C’est une question à laquelle les domaines juridique, scientifique et moral se mélangent. En France, la dépénalisation de l’IVG résulte de la loi n°93-121 du 27 janvier 1993. Que se passe-t-il avec l’avortement pratiqué au-delà du délai légal ? Ou si la mort du fœtus se produit contre la volonté de sa mère ? L’article L2222-2 du Code de la santé publique établit que l’interruption de la grossesse d’autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende lorsqu’elle est pratiquée, en connaissance de la cause, après l’expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif médical.
Par conséquent, la femme enceinte n’est pas responsable de l’avortement illégal [6]. L’article 223-10 CP dispose que l’interruption de la grossesse sans le consentement de l’intéressée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
2.1.2. L’élément moral : la volonté de tuer.
La volonté de l’auteur de tuer est un élément-clé pour l’existence du meurtre. Le meurtre est toujours une infraction intentionnelle. C’est-à-dire, l’auteur a l’intention de tuer (l’animus necandi). L’article 221-1 CP inclut cet élément quand il utilise l’expression « volontairement ». Si l’acte qui a conduit à la mort de la victime a été commis par imprudence ou négligence de l’auteur, l’infraction est un homicide involontaire.
La jurisprudence française examine la partie du corps de la victime exposée aux coups et l’arme utilisée [7].
Par exemple, tirer en direction d’une partie vitale du corps, comme le crâne de la victime, montre que l’auteur a eu l’intention de tuer [8].
Ce critère peut être très utile, parce que l’intention de tuer peut être difficile à prouver dans certaines situations. On ne peut pas lire les pensées de l’auteur de l’infraction. En cas de doute entre l’intention et la non-intention de tuer, tirer en direction d’une partie vitale du corps peut être une évidence de l’intention de tuer de l’auteur. En tout cas, il faut faire attention à l’interprétation faite de la loi pénale : l’article 111-4 CP établit en effet que la loi pénale est d’interprétation stricte.
Si un cadavre a des qualifications pénales qui le protègent spécifiquement, cela n’empêche pas que les actes attentatoires sur un cadavre pourraient être une tentative d’homicide. C’est-à-dire, si une personne exerce sur un cadavre des violences avec l’intention de tuer, il importe, pour que soit caractérisée la tentative d’homicide volontaire, que la victime soit déjà décédée [9]. La Cour de cassation considère que la commission des actes attentatoires sur un cadavre n’empêche pas la volonté de l’auteur, parce que le début de l’exécution de l’infraction a déjà commencé.
2.2. Punition et neutralisation.
Le meurtre est puni de 30 ans d’emprisonnement. Le meurtre est donc un crime. Cette sanction peut être neutralisée ou aggravée, selon les circonstances de la commission de l’homicide intentionnel.
L’homicide intentionnel n’est pas constitué s’il y a un fait justificatif. La légitime défense aux termes de l’article 122-5 CP ou encore l’état de nécessité aux termes de l’article 122-7 CP sont des causes d’irresponsabilité pénale. La loi pénale donne le droit de se défendre à condition que certaines conditions soient réunies : qu’il y ait une atteinte injustifiée envers une personne ou autrui, que l’agression soit vraisemblable, que l’acte de défense soit accompli dans le même temps que l’atteinte, et que la riposte soit raisonnable par rapport à la nature de l’agression [10]. En France, la Cour de cassation et la Cour d’appel de Paris ont apprécié la légitime défense pour le policier qui a tué Romain Chenevat en 2018 à Paris [11].
Le 14 août 2018, le policier Kévin a tué dans l’exercice de ses fonctions Monsieur C., après un refus de ce dernier d’obtempérer à la suite de la commission d’une contravention. Pendant la fuite, Monsieur C. avait engagé une marche arrière, se trouvant derrière lui le policier. Le policier a tiré en direction du bras de Monsieur C., le blessant mortellement au thorax. La Cour de cassation considère que le policier a pu croire raisonnablement à l’existence d’un danger imminent de mort au moment du tir. La riposte par l’usage d’une arme à feu, de surcroît par un tir dirigé vers le bras du conducteur, dès lors qu’aucun autre moyen n’a pu être retenu par les experts pour arrêter le véhicule, était proportionnée à la gravité de l’atteinte. Cette affaire nous montre l’existence d’éléments de la légitime défense dans le domaine de l’homicide. Au sens de l’article 122-5 CP, il y a une légitime défense. Concernant l’état de nécessité, il pourrait justifier l’acte du naufragé qui, en cas de besoin de s’approprier de la nourriture suffisante pour un seul, tue un autre [12].
2.3. Aggravation.
Si le meurtre est commis dans une des circonstances aggravantes, il est puni de la réclusion criminelle à la perpétuité. Le CP contient des circonstances aggravantes particulières dans les articles 221-2 à 221-4 : la pluralité d’infractions et le meurtre commis sur certaines personnes.
2.3.1. Pluralité d’infractions.
L’article 221-2 CP distingue deux situations : le meurtre qui précède, accompagne ou suit un autre crime et le meurtre qui a pour objet de préparer ou de faciliter un délit, de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice.
Si le meurtre précède, accompagne ou suit un autre crime, il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. C’est-à-dire, un accusé ne peut pas être déclaré coupable de meurtres ayant précédé, accompagné ou suivi un autre crime que si lui-même, ou l’un de ses coauteurs ou complices, a été déclaré coupable dudit crime concomitant [13].
La Cour de cassation a précisé qu’un même fait ne peut pas être retenu simultanément comme constitutif d’un crime et comme une circonstance aggravante accompagnant une autre infraction [14]. La Cour admet qu’une même circonstance peut être relevée comme aggravant des crimes distincts.
Si le meurtre a pour objet soit de préparer ou de faciliter un délit, soit d’assurer la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un délit, il est puni de la réclusion criminelle à la perpétuité. Cette circonstance aggravante de concomitance est uniquement prévue à l’égard de l’auteur d’un meurtre et ne peut pas être retenue, par exemple, contre un co-accusé poursuivi pour vol qualifié [15].
2.3.2. Le meurtre commis sur certaines personnes.
L’article 221-4 CP prévoit une aggravation de la peine lorsque :
- La victime est un mineur de quinze ans.
- La victime est un ascendant légitime ou naturel ou est le père ou la mère adoptifs.
- La victime est une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. Le seul constat de l’âge de la victime ne suffit pas pour caractériser la situation de particulière vulnérabilité de celle-ci [16].
- La victime est un magistrat, un juge, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire, entre autres.
- Le meurtre est commis sur le conjoint, les ascendants et les descendants en ligne directe des personnes mentionnées précédemment ou sur toute autre personne vivant habituellement à leur domicile, en raison des fonctions exercées par ces personnes.
- La victime est agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute autre personne chargée d’une mission de service public ainsi que sur un professionnel de santé, dans l’exercice de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur.
- La victime est témoin, une victime ou une partie civile. Dans ce cas, le CP exige que le meurtre doive être pour l’empêcher de dénoncer les faits, de porter plainte ou de déposer en justice ou que le meurtre soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition.
- Le meurtre a été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime a une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
- Le meurtre a été commis à raison de l’orientation sexuelle de la victime.
- Le meurtre a été commis par plusieurs personnes agissant en bande organisée.
- L’auteur du meurtre est le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de la solidarité. Dans cette hypothèse, l’auteur de l’infraction doit commettre un acte comme des coups ou un étranglement. La Cour de cassation a précisé que cette circonstance aggravante est aussi constituée si les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, si l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur et la victime [17].
Le meurtre commis dans une de ces circonstances est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.
3. L’assassinat.
L’assassinat est, aux termes de l’article 221-3 CP, le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens. La préméditation et le guet-apens sont la différence principale entre l’assassinat et le meurtre. Par exemple, imaginons une personne qui se dispute avec un autre dans un restaurant. Conséquence de la dispute, la première attrape un couteau et poignarde la seconde. Si cette dernière meurt de ses blessures, il y a un meurtre. L’élément déterminant pour qualifier cette infraction pénale comme un meurtre est que la première personne n’avait pas planifié de tuer la seconde. Au contraire, si après une dispute au travail, une personne attend son collègue de travail cachée derrière la porte pour le poignarder et le tuer, la qualification retenue sera l’assassinat.
La délimitation entre la préméditation et le guet-apens a donné lieu aux confusions. La préméditation et le guet-apens sont deux termes différents. Si le plus souvent, le guet-apens s’accompagne de la préméditation, il peut y avoir guet-apens sans préméditation.
L’article 132-72 CP définit la préméditation comme le dessein formé avant l’action de commettre un crime ou un délit déterminé.
L’article 132-71-1 CP définit le guet-apens comme le fait d’attendre un certain temps une ou plusieurs personnes dans un lieu déterminé pour commettre à leur encontre une ou plusieurs infractions. La loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a introduit le guet-apens dans le CP.
La doctrine a admis que la distinction entre la préméditation et le guet-apens n’a pas le même objet : l’une se rattache à l’exécution de l’infraction et l’autre se rattache à la résolution criminelle de l’auteur [18].
La Cour de cassation a dit que la préméditation est un dessein formé avant l’action. Selon la Cour, le guet-apens implique que l’auteur du crime a attendu plus ou moins de temps sa victime pour lui donner la mort ou exercer sur elle des violences [19].
L’assassinat est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.
4. Les coups mortels, à mi-chemin entre le meurtre et l’homicide volontaire.
4.1. Définition et délimitation.
Il y a une catégorie intermédiaire entre le meurtre et l’homicide involontaire : les coups mortels. Cette infraction est aussi connue comme les coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ou comme les violences mortelles. Cette infraction se trouve dans la catégorie des atteintes volontaires à l’intégrité physique ou psychique. Si le premier chapitre du titre II CP règle les atteintes à la vie de la personne, le deuxième chapitre règle des atteintes à l’intégrité physique et psychique des personnes.
L’article 222-7 CP prévoit que : « les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies de quinze ans de réclusion criminelle ». C’est-à-dire, cette catégorie intermédiaire divise entre deux les trente ans d’emprisonnement prévus pour le meurtre. Les coups mortels se différencient du meurtre et de l’assassinat par son élément moral, c’est-à-dire, par l’existence de l’intention de porter des coups et des blessures sans l’intention de tuer. Les violences ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner sont un crime et l’homicide involontaire est un délit.
4.2. L’élément matériel et l’élément moral.
Les coups mortels sont composés par l’élément matériel et l’élément moral.
Concernant l’élément matériel, un acte de violence est nécessaire. Cette violence se manifeste au travers de coups et de blessures. L’infraction suppose la mort de la victime.
La Cour de cassation a dit que la violence volontaire est constituée, quel que soit son résultat, par tout acte positif commis avec la conscience du caractère prévisible du dommage [20].
Concernant l’élément moral, les coups mortels sont une infraction intentionnelle. L’auteur a l’intention de commettre un acte de violence et de porter atteinte à l’intégrité physique de la victime sans l’intention de la tuer. La Cour de cassation a dit que ce crime est, par définition, exclusif de l’intention de tuer [21]. Selon la Cour, l’élément intentionnel des violences volontaires réside dans le seul fait de vouloir l’acte, peu importe que l’auteur ait ou non voulu causer le dommage.
4.3. Punition.
Les coups mortels sont punis avec une peine de réclusion criminelle de quinze ans. Cette infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle dans les hypothèses prévues à l’article 222-8 CP.
5. L’homicide involontaire.
5.1. Définition et réglementation.
Le CP français règle les atteintes involontaires à la vie dans les articles 221-6 à 221-7 du CP. Le droit français définit l’homicide involontaire dans l’article 221-6 CP, aux termes duquel cet homicide se produit si la mort d’autrui a été provoquée par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. L’homicide involontaire se produit, par exemple, dans le cadre des accidents de la route.
En droit français, le meurtre et l’assassinat sont des crimes. Ils se trouvent dans la catégorie d’infractions les plus graves du droit français [22].
L’homicide involontaire fait partie des délits, une infraction pénale intermédiaire entre les contraventions et les crimes.
5.2. L’élément matériel et moral de l’homicide.
L’homicide involontaire nécessite la réunion de deux éléments : l’élément matériel et l’élément moral.
5.2.1. L’élément matériel.
Lorsque l’article 221-6 CP utilise le terme « autrui », il se réfère à un être humain. Il y a le débat concernant l’application de l’article 221-6 CP au fœtus lorsqu’il est vivant. La Cour de cassation a fermé la porte à cette possibilité [23].
La Cour a utilisé le principe de la légalité des délits et des peines, lequel impose une interprétation stricte de la loi pénale, pour justifier son refus. La Cour dit que l’embryon et le fœtus ont un régime juridique qui relève des textes particuliers. Le débat est servi, parce que le droit à la vie et le droit à naître peuvent être invoqués pour protéger le fœtus.
Concernant l’acte d’homicide, l’article 221-6 CP énumère cinq types de comportements : la maladresse, l’imprudence, l’inattention, la négligence ou le manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. L’acte doit avoir provoqué le décès d’autrui.
L’homicide involontaire suppose l’existence d’un lien de causalité certain entre la faute et le décès [24].
5.2.2. L’élément moral.
L’article 221-6 CP renvoie à l’article 121-3 CP. Cet homicide est caractérisé par l’absence d’une intention. C’est-à-dire, il y a une absence de volonté de donner la mort à autrui.
5.3. Punition.
L’homicide involontaire est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Les peines sont aggravées dans les hypothèses suivantes :
- En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende, aux termes de l’article 221-6 CP.
- La commission d’un homicide involontaire par un conducteur est lourdement réprimée. L’article 221-6-1 CP établit que, tant que l’hypothèse que l’auteur soit conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, l’homicide involontaire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Les peines peuvent être portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende si les circonstances de l’article 221-6-1 sont présentes. Par exemple, la peine sera augmentée si le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste ou était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang ou dans l’air expiré égale ou supérieure aux taxes fixées par les dispositions du Code de la route. La peine sera aussi augmentée si, par exemple, le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou si son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu. Actuellement, il y a une proposition de création de l’homicide routier en France. Le but de cette proposition est la création d’un délit en cas d’accident mortel causé par un conducteur après la réalisation d’une conduite de risque, comme l’état d’ivresse ou la conduite sans permis.
- Si l’agression est commise par un chien et ladite agression provoque l’homicide involontaire, le propriétaire ou celui qui détient le chien au moment des faits est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, aux termes de l’article 221-6-2 CP. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende si les circonstances de l’article 221-6-2 CP sont réunies. Par exemple, si la propriété ou la détention du chien est illicite ou si le propriétaire ou le détenteur du chien se trouvait en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste des produits stupéfiants.
6. L’empoisonnement.
6.1. Définition, éléments et punition.
En France, les origines de l’empoisonnement sont très anciennes. La première législation spécifique à l’incrimination spéciale d’empoisonnement a été donnée par le roi Louis XIV au travers de l’Edit de juillet 1682 [25].
Après la Révolution française, la loi du 25 septembre 1791 dispose que :
« l’homicide commis volontairement par poison sera qualifié de crime d’empoisonnement ».
L’article 301 de l’ancien Code pénal français établissait que l’empoisonnement est tout attentat à la vie d’une personne, par l’effet de substances qui peuvent donner la mort plus ou moins promptement, de quelques manières que ces substances aient été employées ou administrées, et quelles qu’en aient été les suites.
L’article 221-5 CP définit l’empoisonnement comme le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort. L’empoisonnement n’est pas un homicide et diffère du meurtre et de l’assassinat [26]. La mort d’autrui est un élément nécessaire pour que l’infraction de meurtre soit constituée. Dans l’empoisonnement, la rédaction de l’article 221-5 CP nous montre que le décès de la victime n’est pas un élément nécessaire. L’empoisonnement est un crime secret, de préméditation et de trahison.
L’empoisonnement est composé de :
- L’élément matériel. L’élément matériel de l’empoisonnement est composé par l’emploi ou l’administration d’une substance mortifère à la victime. À la différence du meurtre, de l’assassinat et de l’homicide involontaire, la mort de la victime n’est pas l’événement qui déclenche la répression. Il suffit d’une simple ingestion de substances de nature à entraîner la mort de la victime. C’est-à-dire, les substances doivent avoir l’effet potentiel de provoquer la mort à autrui. Peu importe que la victime survive. L’empoisonnement est donc une infraction formelle.
- L’élément moral. L’empoisonnement est une infraction intentionnelle. L’auteur doit avoir connaissance de l’effet potentiel des substances d’entraîner la mort d’autrui (l’animus necandi). La Cour de cassation a dit que si l’auteur n’a pas connaissance de la nature mortelle de la substance, il n’y a pas empoisonnement [27].
L’empoisonnement est puni de trente ans de réclusion criminelle.
La peine sera de réclusion criminelle à la perpétuité s’il y a des circonstances aggravantes :
- si l’empoisonnement précède, accompagne ou suit un autre crime ;
- si l’empoisonnement a pour objet soit de préparer ou de faciliter un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité de l’auteur ou du complice d’un délit ;
- et si l’empoisonnement a été commis avec préméditation, guet-apens et dans l’une des hypothèses de l’article 221-4 CP.
6.2. Différence entre l’empoisonnement et l’administration de substances nuisibles.
L’empoisonnement doit être distingué d’autres infractions pénales, comme le délit d’administration de substances nuisibles de l’article 222-15 CP. Cet article définit cette infraction comme l’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui.
À l’aune des articles 222-5 et 222-15, il est possible de différencier ces deux infractions pénales : l’empoisonnement est un attentat à la vie d’autrui avec l’intention de tuer et l’administration des substances nuisibles est un attentat à l’intégrité physique et psychique qui n’implique pas l’intention de tuer [28].
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 23 mars 2021 nous permet de connaître les éléments constitutifs du délit de l’administration de substances nuisibles [29]. Cet arrêt est important parce qu’il réaffirme les caractéristiques et explique les éléments de ce délit [30].
Il y en a deux :
- L’élément matériel. La substance administrée doit être une substance nuisible. L’administration est caractérisée par une simple remise de substance à la victime, indifféremment de la présence ou non de l’auteur lors de l’absorption.
- L’élément moral. Le droit d’administration des substances nuisibles implique l’existence d’un élément intentionnel. L’auteur doit avoir une connaissance du caractère nuisible de la substance qu’il administre.
Certains faits ont donné lieu à l’appréciation de la frontière entre l’empoisonnement et le délit d’administration de substances nuisibles. Par exemple, le fait d’entretenir des relations sexuelles sans protection en se sachant porteur du virus VIH est un délit d’administration des substances nuisibles, selon la Cour de cassation [31].