1) Parcours et matières privilégiées.
« Mon parcours n’est pas juridiquement pur et parfait, car je suis tombé tardivement dans la marmite du droit. Je suis d’abord entré en hypokhâgne et khâgne B/L par goût pour la pluridisciplinarité et pour repousser le moment de me spécialiser professionnellement, ce qui m’a permis d’effectuer une double Licence de Philosophie et de Science Politique à la Sorbonne.
Aspirant à travailler au sein de l’État en passant les concours de la fonction publique, j’ai effectué une Licence de Droit à Assas et ai intégré ensuite SciencesPo Paris dans son Master Politiques Publiques. Ce Master m’a permis d’approfondir le droit (droits fondamentaux, administratif, européen et constitutionnel) mais surtout de le pratiquer, notamment au cours d’un stage « aide à la décision » au Conseil d’État. Rencontrer, échanger et travailler avec des professionnels du droit m’a aidé à me projeter et a affermis mon désir de travailler dans ce secteur. Je suis donc entré à l’ENA avec le souhait d’exercer, à l’issue, un métier juridique.
Au fond, je n’étais aucunement prédestiné au droit, mais je m’y suis destiné par passion et sans avoir un profil de juriste. Un parcours n’est donc jamais joué d’avance, mais se construit ! Et les parcours pluri-disciplinaires et évolutifs sont souvent des forces plus que des erreurs : comme disait Pompidou à propos de la double nature, parlementaire et présidentielle de la Constitution de 1958, transposé au sujet des parcours académiques, "les corniauds sont souvent plus intelligents que les chiens de pure race" ! »
2) Les difficultés rencontrées Durant le parcours.
« J’ai eu à surmonter deux difficultés principales. La première est l’accès à l’information, la seconde la confiance en soi.
Trouver le temps de s’informer sur la réalité concrète et quotidienne des métiers n’est pas évident, malgré les sollicitations déjà chronophages des études supérieures. S’orienter en droit, c’est souvent choisir un métier (avocat, juge, docteur, conseiller juridique, etc) sur lesquels il n’est pas aisé de revenir et où le premier pas est souvent déterminant. Pour le surmonter, effectuer des stages, échanger avec des professeurs ou ne pas hésiter à contacter des professionnels du droit offre une information absolument indispensable pour réussir à se projeter et faire tomber les œillères.
Ensuite, l’auto-censure est une défense très fréquente pour certains étudiants. Les cursus sélectifs en général et les concours administratifs en particulier sont des chemins de croix arides psychologiquement. La confiance en soi – qui ne signifie pas l’absence totale de doute mais plutôt la capacité à rebondir en dehors de la réussite aux concours – permet de s’offrir le confort psychologique d’un filet de sécurité.
Pour ce qui est du reste, le droit est une discipline exigeante, qui aime la subtilité, manie la précision et adore la concision. Ce sont donc des qualités fortement appréciées ! »
3) La profession actuelle (missions, préférences).
« Sortant de l’ENA en octobre 2020, je suis devenu à compter du 15 octobre magistrat au Tribunal administratif de Paris. Il y a une très grande variété de contentieux (liberté publique, fiscal, environnement, fonction publique, étrangers, etc).
Je débute pour ma part en contentieux fiscal, ce qui était mon vœu de prédilection. C’est une matière riche, avec une haute technicité juridique qui permet de se livrer à des questions de droit passionnantes et permet beaucoup d’innovation dans les jugements. On est ici dans le purement régalien, le nerf de la guerre pour l’État : l’impôt. Et c’est un droit fluctuant, parfois casuistique mais très divers, qui va de la situation du joueur de poker aux revenus d’origine indéterminée aux contentieux financiers de grandes entreprises internationales. De plus, je travaille sur du contentieux de l’éducation et du contentieux de l’étranger, autrement passionnants, dont la dimension humaine est encore plus présente. »
4) Tout le monde peut réussir ou existe-t-il encore des barrières (économiques, territoriales, socio-culturelles) à la réussite ?
« L’égalité des chances est un idéal difficile à atteindre et encore largement irréalisé.
Les barrières sont connues et complexes à résorber : elles sont principalement économiques malgré les bourses ; sociales malgré les politiques de discriminations positives ; genrées malgré les quotas paritaires et territoriales malgré la décentralisation.
L’ensemble de ces facteurs brident évidement certaines catégories de la population plus qu’une autre et la crise sanitaire n’a fait qu’exacerber ces inégalités de destin.
Selon une approche plus « wébérienne », on peut toutefois penser que la psychologie individuelle joue aussi un rôle. Alors, au-delà des déterminismes, restaurer la confiance en soi est une partie de la solution pour permettre à l’ascenseur de l’égalité des chances de fonctionner.
Originaire de Sologne, terre rurale, c’est notamment pour cette raison que j’ai fondé l’association Du Loir-et-Cher aux Grandes Écoles : pour recréer un lien entre les lycéens du département et les jeunes diplômés. De la même manière, nous avons repris avec deux amis une association Prépa Concours A+ visant à démocratiser et diversifier l’accès à la haute fonction publique [2]. »
5) Un conseil à donner aux étudiants pour réussir ?
« D’abord, n’avoir jamais aucun tabou sur l’échec. Il faut savoir gérer les réussites et les défaites : c’est là le secret ! Comme dirait le poète : « Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front ! »
Ensuite, toujours s’ouvrir aux autres et rester curieux. Ne pas hésiter à échanger avec des anciens récemment passés par votre cursus ou bien des professionnels dans des secteurs différents. Les gens sont en général généreux en conseils, alors tentez votre chance ! »