En effet, les conventions de forfait jours conclues en application d’une convention collective ne respectant pas ces dispositions étaient déclarées nulles, avec les conséquences inévitables en matière de risque de condamnation de l’employeur au paiement d’heures supplémentaires, si le salarié arrivait à prouver la réalisation effective d’heures supplémentaires.
Un contentieux abondant était résulté de cette situation.
La loi Travail n°2016 -1088 du 8 août 2016 a tenté de remédier à cette situation, et comporte des dispositions visant à sécuriser les forfaits jours.
Cependant ces dispositions conduisent inévitablement à se poser des questions, pour savoir comment bien anticiper ce nouvel environnement législatif.
1. Est-ce que l’accord collectif applicable dans l’entreprise, répond aux nouvelles dispositions de la loi Travail ?
2. Dans la négative, comment sécuriser les conventions de forfait jours pour l’avenir ?
1. Est-ce que l’accord collectif applicable dans l’entreprise répond aux dispositions de la loi Travail ?
Rappelons que le recours au forfait jours n’est possible que si un accord d’entreprise ou d’établissement, ou à défaut un accord de branche, le prévoit, et que le salarié a signé une convention individuelle de forfait, répondant à diverses exigences.
La loi Travail dispose désormais que les accords collectifs mettant en place les forfaits annuels en heure ou en jours doivent désormais fixer la période de référence du forfait, qui peut être l’année civile, ou toute autre période de 12 mois consécutifs, les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période.
Pour les forfaits jours, de nouvelles clauses sont prévues qui doivent être précisées dans l’accord.
Les partenaires sociaux doivent déterminer (article L 3121-64 II) les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
Les modalités d’évaluation et de suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail du salarié doivent être prévues.
Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail, sur l’articulation activité professionnelle / vie personnelle, sur sa rémunération, et sur l’organisation du travail dans l’entreprise doivent également être incluses dans ces accords révisés.
Il faudra donc vérifier dans chaque entreprise, si les accords d’entreprise, d’établissement, ou à défaut les conventions ou accords de branche répondent à ces exigences.
Très souvent, la réponse sera négative. L’accord collectif régissant ces dispositions ne répondant souvent que partiellement aux exigences de la loi.
2. Que faire dans ce cas et comment sécuriser les conventions de forfait jours pour l’avenir ?
Selon la loi Travail si l’accord ne fixe pas les modalités d’évaluation, de suivi de la charge de travail, et de communication entre l’employeur et le salarié, l’employeur pourra toutefois conclure valablement des conventions individuelles de forfaits jours sous réserve :
D’établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées,
De s’assurer que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires,
D’organiser un entretien annuel avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
Donc les entreprises pourront individuellement, remédier aux accords collectifs qui ne seraient pas en conformité avec les exigences légales.
Par ailleurs, si l’accord collectif ne comporte pas de disposition sur les modalités d’exercice de son droit à la déconnexion, il revient à l’employeur de les définir, et de les communiquer par tout moyen aux salariés concernés.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, ces modalités sont conformes à la charte sur l’utilisation des outils numériques.
Dès lors il semblerait que les employeurs aient tout intérêt d’anticiper sur ces solutions, et de réagir en adoptant de leur propre initiative, les dispositions exigées par la loi, voire en modifiant les conventions de forfait jours conclues avec leurs salariés, pour les adapter aux dispositions nouvelles.
Car à l’avenir, l’employeur qui n’aura pas pris ces mesures, ne pourra s’exonérer.
Quel est le sort des anciens accords collectifs ?
La loi Travail a prévu que les anciens accords, ne répondant pas aux exigences nouvelles, restaient valables.
L’exécution d’une convention de forfait jour conclue sur le fondement d’un accord collectif qui, à la date de la publication de la loi, ne répond pas aux exigences nouvelles, peut être poursuivie, sous réserve que l’employeur respecte les dispositions ci-dessus (document de contrôle du nombre de jours travaillés, contrôle de la charge de travail, entretien annuel avec le salarié). Sous ces mêmes conditions, cet accord peut servir de fondement à la conclusion de nouvelles conventions individuelles de forfait.
Les partenaires sociaux peuvent bien évidemment réviser les accords conclus avant la publication de la loi Travail, pour inclure les nouvelles clauses obligatoires. Dans ce cas, l’employeur n’aura pas à requérir l’accord du salarié pour poursuivre la convention individuelle de forfait conclue antérieurement.
En conséquence, sur ce point, il y aura deux hypothèses : soit l’accord collectif sera révisé pour répondre aux exigences nouvelles, et les conventions individuelles de forfait seront de ce fait, validées pour l’avenir, soit aucune révision ne sera prévue, et l’employeur devra prendre l’initiative de se conformer aux exigences de la loi.
Il devra pour réduire les risques de contentieux, et de sa propre initiative mettre en œuvre les documents et le contrôle de la charge de travail du salarié sans oublier d’instaurer et de communiquer au salarié les éléments sur le droit à la déconnexion.
S’il est vrai que la loi Travail permet de sécuriser les conventions de forfait jours, elle met cependant à la charge des employeurs une obligation renforcée de vigilance, dont il faut avoir conscience.