L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations vient d’être publiée au Journal officiel du 11 février.
Pourquoi cette réforme a-t-elle suscité tant de débats ?
Le contraire aurait été étonnant, voire inquiétant.
Deux motifs peuvent être avancés. Le premier tient à la méthode employée par la réforme. Le recours à l’article 38 de la Constitution a beaucoup été commenté, voire critiqué, mais l’Assemblée nationale a, in fine, habilité le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance. La Chancellerie a pu ainsi procéder à une consultation publique, permettant à la direction des affaires civiles et du Sceau de bénéficier de nombreuses contributions écrites, et de s’entretenir avec des représentants des entreprises ou encore des professions juridiques. Le travail interministériel, particulièrement efficace, puis l’examen du projet gouvernemental par le Conseil d’État ont permis, je l’espère, d’aboutir à un texte à la hauteur de l’enjeu.
Le second motif tient bien évidemment à l’objet même de la réforme. Depuis les annonces faites à l’occasion du bicentenaire du code, et surtout depuis les travaux des groupes menés par Pierre Catala et, plus récemment, par le professeur François Terré, la réflexion n’avait pas, jusqu’à présent, abouti. Il a donc fallu, à compter de 2012, non seulement parachever un projet global de réforme du droit des obligations, mais aussi remobiliser des énergies employées, jusque-là, sans résultat. Car c’est finalement dans
le cadre du vaste chantier de simplification lancé par le président de la République, et des travaux de modernisation de la justice entamés par Christiane Taubira, qu’il a enfin été décidé de lancer une réforme parfois injustement présentée comme un exercice théorique, alors même que l’efficacité du droit des contrats est un élément clé du parangonnage dont les systèmes juridiques sont constamment l’objet. L’importance des contributions, et l’ampleur de la controverse qui a suivi le lancement de nos travaux illustrent non seulement la vitalité de la réflexion juridique en France, mais également et surtout la conscience de chacun du caractère historique de la réforme. Si l’on ne doit toucher aux lois que d’une main tremblante, alors que dire des textes du code civil relatifs au droit des obligations... Parce qu’ils constituent le socle commun des nombreux droits spéciaux, parce que le droit des obligations est l’une des matières fondamentales de l’enseignement juridique, tout juriste, de l’étudiant au plus chevronné, a un avis sur la question...
Quelles modifications du projet ont été apportées suite à la consultation lancée par le ministère de la justice ?
Le projet d’ordonnance du gouvernement a tenu compte des retours de la consultation ouverte sur le site internet du ministère de la justice du 25 février au 30 avril 2015. Le bureau du droit des obligations de la direction des affaires civiles et du Sceau a analysé, hors courriels adressés par des particuliers, plus de 300 contributions, représentant plus de 3 200 pages (provenant d’universitaires, de professionnels ou représentants des professions du droit, d’entreprises, d’institutions ou associations diverses), auxquelles il faut bien sûr ajouter les publications représentant plus de 2 300 pages de doctrine. Je tiens d’ailleurs à saluer les nombreux contributeurs qui se sont pliés à un certain formalisme (commentaires par article, assortis de propositions de rédactions) pour nous faciliter la tâche. Le texte soumis à consultation a donc évolué, sans qu’il soit possible, ici, de lister de façon exhaustive tous les amendements dont il a fait l’objet. En fin de compte, nous avons notamment enrichi le projet d’articles préliminaires sur les sources d’obligations. La définition du contrat a évolué, se recentrant autour de la création d’obligations, et un article destiné à clarifier l’articulation entre droit commun et droit spécial a été introduit. Sans surprise, les articles relatifs au devoir d’information, aux clauses abusives, à l’imprévision ont fait l’objet d’une attention toute particulière, de même que les textes relatifs aux cessions de créance, de dette et de contrat, dont le régime a été complété et précisé. L’analyse du Conseil d’État s’est bien évidemment concentrée sur les sujets sensibles déjà évoqués. Son intervention a par ailleurs conduit à remodeler diverses dispositions, sans compter le renforcement de la qualité formelle du texte. Sont ainsi précisés dans le texte définitif le régime de la caducité, de l’action interrogatoire en matière de pacte de préférence, ou encore celui des exceptions en matière de compensation. Est aussi affirmé, dès les dispositions liminaires, le principe de force obligatoire du contrat.
Quand ce nouveau droit s’appliquera-t-il ?
Le nouveau droit des contrats entrera en vigueur à compter du 1er octobre 2016. Des dispositions transitoires sont prévues, aux termes desquelles les contrats conclus avant cette date demeureront soumis à la loi ancienne. Les instances introduites antérieurement également. Seule exception à la survie momentanée du code Napoléon : les actions interrogatoires, applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Il reste donc quelques mois pour se familiariser avec le texte, étant précisé que le Parlement devra rapidement être saisi d’un projet de loi de ratification.
Les propos exprimés n’engagent que l’auteur.