Quel est le rôle du Sénat ?
"Il faut distinguer le rôle des sénateurs et celui de leur président. Le Sénat, sous la Ve République, est la deuxième chambre du Parlement. Il est composé de trois cent quarante-huit sénateurs élus au suffrage universel indirect par un collège de grands électeurs. Ses prérogatives sont fixées à l’article 24 de la Constitution et partagées avec l’Assemblée nationale. Selon l’alinéa 1er de cet article, le Sénat détient le pouvoir législatif. C’est-à-dire qu’il vote la loi (ordinaire, finances, financement de la sécurité sociale, organique, constitutionnelle, référendaire). C’est là une mission essentielle en régime parlementaire.
De même, il contrôle l’action du gouvernement (commissions permanentes, commissions d’enquêtes, commission des finances, questions au gouvernement, auditions, missions). Un contrôle, symbolique (car ne pouvant mettre en cause le gouvernement) s’exerce aussi par l’article 49, alinéa 4, qui permet au premier ministre de demander au Sénat l’approbation d’une déclaration de politique générale. C’est une procédure très peu utilisée. Toujours selon l’article 24, alinéa 1er, le Sénat, avec l’Assemblée, évalue les politiques publiques notamment grâce à la délégation sénaoriale à la prospective.
Par ailleurs, de nouveaux domaines de contrôle parlementaire sont apparus en matière d’affaires européennes, de politique étrangère et de défense et de nominations présidentielles (art. 13). De même, selon l’alinéa 2 de l’article 24, le Sénat a aussi vocation à représenter les collectivités territoriales de la République. C’est la France du seigle et de la châtaigne (M. Duverger). Enfin, selon l’alinéa 5 de l’article précité, comme l’Assemblée, le Sénat représente les Français établis hors de France.
Le président du Sénat dispose de pouvoirs politiques importants. Notamment, il assure l’intérim en cas de vacance de la présidence de la République (art. 7 Const.). Il nomme un tiers des membres du Conseil constitutionnel (art. 56 Const.) et en est une des autorités de saisine (art. 54 et 61 Const.)."
Pouvez-vous nous présenter le projet de réforme impulsé par Gérard Larcher ?
"Régulièrement, la question de la légitimité démocratique du Sénat est posée, son mode de représentation est notamment contesté. Ainsi, on ne compte pas moins de trente-sept réformes ou projets de réforme sénatoriaux depuis 1969. Conformément aux engagements pris lors de son élection à la présidence du Sénat, Gérard Larcher a mis en place, dès novembre 2014, deux groupes de travail destinés à réformer le Sénat, l’un sur la gouvernance (rapporteur M. Dupont), l’autre sur les méthodes de travail (rapporteurs MM. Karoutchi et Richard), qu’il a lui-même présidés.
Les préconisations, présentées les 3 et 4 mars, ont été adoptées le 11 mars par le Bureau du Sénat. Elles s’articulent autour de trois principes. D’abord, renforcer la participation aux travaux sénatoriaux. Une rationalisation de l’organisation du travail parlementaire doit favoriser la présence aux votes solennels, ainsi que celle en commission.
Cela signifie une nouvelle organisation fondée sur plusieurs points : une semaine de travail évitant les chevauchements de séances, la publication sur le site du Sénat d’un tableau des activités et des présences de chaque sénateur, la non- dispersion des sénateurs dans des activités non directement liées à leur mission, le vote solennel sur les textes les plus importants. Surtout, on note un nouveau dispositif de retenues financières en cas d’absences répétées d’un sénateur. Ce dispositif entrera en vigueur le 1er octobre 2015 et touchera l’indemnité de fonction et celle représentative des frais de mandat.
Le deuxième principe adopté vise à mieux élaborer la loi et exercer le contrôle parlementaire. Parmi les réformes à instaurer : alléger la séance publique et renforcer le travail en commission (dont certaines séances seront publiques) ; rechercher un temps législatif concerté (entre groupes politiques) ; organiser une séance de questions au gouvernement en supprimant les questions cribles thématiques ; créer une émission télévisée sur certains débats.
Le troisième principe a pour objectif de garantir la transparence financière et une gestion exemplaire. Il est décliné selon cinq points. Tout d’abord, quant au budget du Sénat, quelques préconisations sont à noter : test par un panel de citoyens et suppression des logements de fonction. Deuxième point, concernant le statut et les finances des groupes politiques, il recommande de se constituer en associations et de publier les comptes sur le site du Sénat. Troisième point, le régime de l’indemnité représentative des frais de mandat (IRFM). Il devra respecter son objet, en particulier avec un compte spécialement dédié et l’interdiction de s’en servir pour acquérir un bien immobilier.
Quatrième point, la dotation d’action parlementaire qui nécessite, dès 2015, d’en clarifier l’utilisation et d’en publier les affectations. De même, une réflexion s’impose sur le mode de gestion des crédits.
Cinquième point, la gestion des ressources humaines.
Un bilan de la réforme de 2010 sera établi. La principale préconisation est de maîtriser les dépenses. Convenons avec Gérard Larcher qu’il y a là « un ensemble de mesures qui ne sont pas cosmétiques »."
Raphaël Piastra est maître de conférences en droit public à l’Université d’Auvergne.