Harcèlement sexuel ou séduction personnelle : Où se situe la frontière ?
L’Article 222-33 du Code pénal dispose que :
"Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende".
Les personnes physiques ou morales coupables de harcèlement sexuel encourent également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion du jugement de condamnation pénale.
Quels sont les éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel ?
1°L’infraction suppose l’existence d’un élément moral
Le délit de harcèlement sexuel est une infraction intentionnelle.
Le caractère intentionnel sera apprécié en fonction du comportement matériel de l’auteur.
Les tribunaux jusqu’à présent n’ont sanctionné que des comportements multiples :
•Soit en raison d’agissements répétés à l’égard d’une victime unique,
•Soit en raison de comportements répétés à l’égard d’une pluralité de victimes même s’ils sont uniques pour chacune d’elles, soit en raison de leur étalement dans le temps (Cass. crim., 20 nov. 2002. – Cass. crim., 18 févr. 2004 – Cass. crim., 27 janv. 2007 – CA Toulouse, 7 nov. 2002 – Relaxe pour un acte unique – mais renvoi pour autre qualification, Cass. crim., 20 nov. 2004).
Mais cela ne veut pas dire que les tribunaux ne retiendraient pas la sanction en cas de comportement unique particulièrement grave.
2° L’infraction suppose également un harcèlement sexuel
Il pourrait en effet s’agir d’une séduction personnelle.
Les tribunaux refusent de punir des comportements qui n’auraient pas d’autre but que de faire comprendre à l’interlocuteur l’intérêt, en soi parfaitement légitime, que l’on éprouve pour lui.
La jurisprudence retient comme infraction, des allusions nettes à des comportements qui, s’ils étaient imposés, relèveraient du viol ou de l’agression sexuelle.
Sont considérés comme constituant l’infraction :
•Soit “Un climat malsain et grossier... (blagues salaces, geste et mimiques suggestifs et déplacés)”, CA Montpellier, 16 sept. 1999 – CA Douai, 23 mai 2000 – CA Rennes, 3 oct. 2000 – CA Dijon, 26 nov. 1998 – CA Toulouse, 24 févr. 2000),
•Soit un comportement d’obsédé sexuel (CA Pau, 22 oct. 1997 – CA Lyon, 26 nov. 1998 ).
Notons toutefois que si toutes ces décisions ont estimé que l’élément matériel du harcèlement était réalisé, beaucoup n’ont pas condamné au motif que l’élément de pression dans le travail exigé par la loi en vigueur au moment où elles ont été rendues, n’était pas constitué.
Ont, au contraire, échappé à la sanction :
•De “simples signaux conventionnels... espacés les uns des autres de façon à permettre d’exprimer la manifestation, non fautive au plan pénal, d’une inclination pouvant être sincère” (CA Douai, 10 sept. 1997).
Par contre :
• Le cadeau de sous-vêtements a été considéré comme suffisant à constituer l’infraction (CA Aix-en-Provence, 5 févr. 2001).
3° Evolution législative : le contexte du travail n’est plus exigé pour caractériser le délit de harcèlement sexuel
La loi du 17 janvier 2002 a supprimé l’exigence des rapports de travail ou de subordination qui étaient auparavant requis en rendant ainsi à l’infraction de harcèlement sexuel son visage de droit commun.
Bien que la pratique démontre que c’est essentiellement dans les rapports de travail que le harcèlement est invoqué et constaté, cette modification juridique permet désormais de réprimer les agissement de harcèlement de la vie courante.
Demeurant à votre disposition pour plus d’informations,
Claudia CANINI
Avocat à la Cour
Lire également nos articles :
"Harcèlement : nouvel arrêté ministériel du 31 juillet 2010" : http://www.legavox.fr/blog/canini-formation/harcelement-nouvel-arrete-ministeriel-juillet-2882.htm
"Harcèlement moral : même sur une brève période" : http://www.legavox.fr/blog/canini-formation/harcelement-moral-meme-breve-periode-2515.htm