Infractions routières : obligation pour les employeurs de dénoncer leurs salariés à compter du 1er janvier 2017.

A compter du 1er janvier 2017, l’employeur-délateur devra révéler l’identité du salarié-chauffard ayant commis certaines infractions routières avec un véhicule de société. Après un arrêté du 15 décembre 2016 (J.O.R.F. du 22/12/2016) précisant les modalités pratiques de cette dénonciation, un décret n°2016-1955 du 28 décembre 2016 listant les infractions concernées est paru au Journal Officiel du 30 décembre 2016. Présentation d’une réforme censée réduire la délinquance routière et qui risque de tendre le climat social dans de nombreuses entreprises…

L’article L 121-6 du Code de la route dispose à compter du 1er janvier 2017 que :
« Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L. 130-9 a été commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit indiquer, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou de façon dématérialisée, selon des modalités précisées par arrêté, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, à l’autorité mentionnée sur cet avis, l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule, à moins qu’il n’établisse l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe
. »

A compter du 1er janvier 2017, la loi impose donc, dans un certain nombre de cas, aux employeurs propriétaires de véhicules utilisés par leurs salariés de révéler l’identité du conducteur ayant commis une infraction routière.

Sauf à sauf à établir l’existence d’un vol, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre événement de force majeure, l’employeur devra alors, sous 45 jours, communiquer l’identité et les coordonnées du salarié ou prouver qu’il ne peut s’agir d’un salarié de l’entreprise.

Les infractions concernées

Selon les articles R 121-6 et R 130-11 du Code de la route introduits par le décret n°2016-1955 du 28 décembre 2016, il s’agit de 12 types d’infractions routières constatées par des appareils de contrôle automatique homologués, qui portent sur :
- le port de la ceinture de sécurité ;
- l’usage du téléphone tenu en main ;
- l’usage des voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules ;
- la circulation sur les bandes d’arrêt d’urgence ;
- le respect des distances de sécurité entre les véhicules ;
- le franchissement et le chevauchement des lignes continues ;
- les signalisations imposant l’arrêt des véhicules ;
- les vitesses maximales autorisées ;
- les dépassements (ex. : dépassements à droite).

La procédure de dénonciation

Concrètement, à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention, l’employeur disposera de 45 jours pour communiquer à l’autorité visée à l’avis de contravention l’identité, l’adresse et la référence du permis de conduire du salarié contrevenant.

Pour communiquer ces informations, l’employeur pourra remplir un formulaire en ligne sur le site de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (www.antai.fr) ou remplir le formulaire joint à l’avis et l’envoyer en recommandé avec avis de réception à l’autorité compétente.

S’il n’est pas en mesure de le faire en raison du vol du véhicule, d’une usurpation de plaque d’immatriculation ou de tout autre cas de force majeure, il devra produire des justificatifs tels que la copie du récépissé du dépôt de plainte pour vol ou destruction du véhicule ou pour le délit d’usurpation de plaque d’immatriculation, la copie de la déclaration de destruction du véhicule ou les copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d’enregistrement dans le système d’immatriculation des véhicule.

Les sanctions encourues

Le représentant légal de l’employeur qui ne dénoncera pas son salarié sera puni d’une contravention de 4e classe (750 euros maximum).
Cette sanction pèse sur le dirigeant qui sera personnellement redevable de l’amende qui ne pourra pas être prise en charge par l’entreprise.
En outre, il devra également payer l’amende due pour la contravention routière.

En cas de fausse déclaration, l’entreprise et son représentant légal s’exposeront à des poursuites pénales.

Conséquences pour les entreprises françaises

Cette réforme, qui fait partie des nouveautés introduites par la loi de modernisation de la Justice du XXIème siècle a été diversement appréciée et a reçu un accueil pour le moins mitigé des représentants des employeurs compte-tenu de la complexité et de la contrainte que la procédure de dénonciation va engendrer, mais également en raison du fait qu’une telle réforme est de nature à menacer la paix sociale dans un certain nombre d’entreprises.

Dans les faits, aujourd’hui, les entreprises révèlent très souvent l’identité des conducteurs lorsque les véhicules sont attribués à un seul salarié, mais quasiment jamais lorsque le véhicule est utilisé par plusieurs salariés, sans conducteur attitré.

La CGPME, qui avait tenté de faire retirer le texte juge cette mesure délétère pour le climat social : « Pour dénoncer un salarié, explique l’organisation patronale, l’employeur devra mener une enquête interne et, en cas d’échec, c’est lui qui portera personnellement la responsabilité de l’infraction en étant sanctionné. » ( Source : « Les entreprises obligées de dénoncer les conducteurs en infraction », Les Echos Entrepreneurs du 9 novembre 2016)

Au delà, dénoncer son salarié peut, dans un certain nombre de situations, par exemple s’agissant de commerciaux ou de chauffeurs, conduire l’employeur à se tirer une balle dans le pied.
Car en dénonçant son salarié, l’employeur pourrait contribuer à la perte du permis de conduire du salarié.

En effet, sans dénonciation, faute de contrevenant, il n’y avait pas de perte de points sur le permis de conduire.
Avec le nouveau régime, le salarié dénoncé perdra automatiquement, sauf contestation fructueuse, des points sur son permis de conduire, ce qui pourra entraîner l’annulation de son permis pour solde nul.
Si le permis de conduire est nécessaire, cela entrainera son licenciement.

Bilan pour le salarié-chauffard, la perte non seulement de son permis de conduire, mais aussi de son travail.
Bilan pour l’employeur-dénonciateur : la perte d’un salarié, l’obligation de réorganiser l’entreprise, de recruter, de mettre en place une procédure de licenciement et d’en supporter le coût…

Il faut donc espérer que la peur de la sanction sera de nature à responsabiliser non seulement les salariés quant à leur comportement sur la route, mais aussi les employeurs quant à la fixation d’objectifs et de délais compatibles avec le respect du Code de la route.

Et que cette réforme atteindra son objectif premier, renforcer la sécurité routière.

Maître Jean-Christophe BASSON-LARBI
Avocat à la Cour
Diplômé de l\’ESSEC - Diplômé de Sciences Po LYON

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Discussions en cours :

  • par denis , Le 10 janvier 2017 à 15:01

    bonjour

    j’ai le droit de prêter mon véhicule d’entreprise, à un collègue, ma conjointe, comment l’employeur peut-il savoir qui conduit le véhicule.
    Pourquoi devrais-je perdre des points si c’est un collègue qui conduisait ?

  • par JITB , Le 28 avril 2017 à 14:57

    Bonjour,
    Suite à une infraction de l’un de nos collaborateurs le 30/12/2016 (avis du 10/01/2017) et n’ayant pas trouvé le décret de cette loi, je ne l’ai pas dénoncé.
    Nous recevons maintenant une contravention de 450 €. Après des heures de recherche et un coup de fil à Antai qui me soutient que c’est l’avis qui compte mais sans pouvoir me le prouver officiellement ("cherchez sur legifrance" —> fait mais rien trouvé), je ne sais que faire.
    Quel est votre avis ?
    Merci

  • par ambles sylvie , Le 28 avril 2017 à 14:23

    Je suis chef d’entreprise et je me vois dans l’obligation de DENONCER un salarié qui a roulé à 1 Km/H au dessus de la vitesse autorisée.
    Je pensais vivre au pays des droits de l’homme et ne pas avoir à recourir à des mesures nazies de dénonciation.
    Je suis très étonnée que personne ne réagisse de façon énergique surtout en ces périodes d’élections.

  • par Christiane GRIMAUD , Le 27 avril 2017 à 17:13

    Bon, Alors ? Va t’on enfin connaitre la date de prise en compte pour l’application de la sanction en cas de non dénonciation ? Celle de l’infraction ou bien celle de l’envoi de la contravention ? Après maintes et vaines recherches sur Internet, nous avons fini par appeler le 0811 10 20 30 en expliquant les raisons de notre appel. (Nous sommes une Société de 37 employés avec de nombreux déplacements dans toute la France)
    - Infraction le 14 décembre 2016 pour excès de vitesse limitée à 110 km/h, retenue pour 114. Date de l’avis de contravention le 05 janvier 2017. Nous fiant en toute bonne foi à la date de l’infraction ( 14 décembre), Nous réglons les 45 € par carte bancaire le 24 janvier 2017. ..... Et le 20 Avril 2017, Nous recevons notre 1ère sanction pour non dénonciation d’un montant de 450 €. Total de cette histoire, 495 € (parce que c’est une nouvelle amende qui s’ajoute à la 1ère) ... !!! Nous dénonçons, (depuis le 1er janvier 2017), comme la loi nous y oblige, mais depuis le 1er janvier, et pas depuis le 14 décembre !!!! LA LOI , C’EST LA LOI ;

  • Bonjour,

    Votre article est très explicatif cependant, et j’espère que des améliorations seront faites, sur certains points par exemple :
    un commercial qui réalise au minimum 30 000 km/an est logé à la même enseigne qu’une personne qui en fait 1000 à 10000 alors que
    1) les risques de "se faire prendre" sont plus grands (nombre de km parcourus), et vu les changement incessants des limites de vitesses ...
    2) l’expérience de conduite n’est bien entendu pas la même ...

    récemment en allant sur un rendez-vous de bon matin, vitesse retenue 71 km pour limite de vitesse à 70 km, donc 45€ et un point, et dans ce cas il n’y a rien à voir avec le fait de renforcer la sécurité routière, mais malheureusement on ne peut rien justifier à ce niveau.

    Bref, un budget annuel est alloué aux amendes, il est impossible d’y échapper.

    • par Cathy , Le 2 avril 2017 à 19:06

      Bonjour.
      Je ne pense pas qu’un individu qui roule 30 000 km/an ait moins de chance qu’un autre qui ne parcourt que 1000 km/an.
      On peut se tuer au premier kilomètre et il n’est pas utile de rouler très vite pour tuer quelqu’un.

      Si la vitesse retenue pour votre amende est de 71 km/h, c’est que la vitesse effective était plus élevée. Vous dîtes que la route était limitée à 70 km/h. Il y a une raison. C’est une sortie d’ agglomération, c’est une route dangereuse, un passage piéton est implanté, etc.
      Je comprends que ce soit désagréable de recevoir une amende. Mais la question a se poser n’est-elle pas plutôt : "pourquoi je n’ai pas ralenti mon allure" ?
      Vous parlez de l’expérience de la conduite. Il ne faudrait pas confondre avec l’expérience de rouler vite.
      N’oublions pas que la vitesse indiquée n’est pas la vitesse à laquelle nous devons rouler, mais la vitesse maximum à pratiquer sur route sèche, pas encombrée, de jour, et avec une bonne visibilité.

      Je pense que : oui, sanctionner les excès participe au renforcement de la sécurité routière.
      La route est un lieu public à partager, respecter les indications est un acte citoyen.

      Je vous souhaite de bons voyages en toute sécurité.

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