Le champ d’application des heures supplémentaires.
Dans le cadre du droit français, le régime des heures supplémentaires est de portée générale mais aussi d’ordre public.
Les travailleurs concernés.
Ce régime concerne tous les employeurs et tous les salariés qui sont soumis à la réglementation de la durée du travail.
Il s’agit tout d’abord des employeurs de droit privé, et, dans le secteur public, des établissements publics industriels et commerciaux
Une réponse ministérielle du 1er juillet 1999 [1] a confirmé que les dispositions du Code du travail sur la durée de travail s’appliquait également aux établissements d’hospitalisation privée à but lucratif ou non lucratif ainsi qu’aux organismes de sécurité sociale.
Les salariés des syndicats de copropriété sont également soumis à ces dispositions. [2]
Par contre, les chambres d’agricultures, les chambres de commerces et d’industries sont exclues de ce système y compris en ce qui concerne leurs agents privés. [3]
Des textes particuliers régissent l’agriculture, la marine marchande et de pêche, les mines, les transports collectifs de voyageurs.
Les travailleurs à domicile, les employés de maison, et les assistants maternels sont aussi régit par des dispositions particulières.
Les travailleurs de moins de 18 ans font eux aussi l’objet d’un régime particulier.
Aussi ces catégories de travailleurs ne sont pas concernées par la présente note. Par ailleurs, les règles ici exposées ne concernent que les travailleurs salariés ayant un emploi à temps complet.
Les sanctions en cas d’infraction.
Le non-respect de la réglementation applicable aux heures supplémentaires est passible de sanctions pénales mais aussi de sanctions civiles.
L’employeur contrevenant risque en tout premier lieu une ou plusieurs contraventions de 4ème classe, qui est une amende qui peut aller jusqu’à 750 euros pour une personne physique et 3750 euros pour une personne morale étant rappelé qu’il y aura autant d’amendes que de salariés que l’employeur aura fait travailler en infraction avec la réglementation.
La contravention de 4ème classe n’est malheureusement pas la seule sanction pénale possible dans ce cas.
En effet, le non-paiement de tout ou partie des heures supplémentaires peut également être considéré comme du travail dissimulé, ce qui est un délit qui relève du tribunal correctionnel.
Enfin, du point de vue des sanctions civiles, le défaut de paiement à titre habituel des heures supplémentaires autorise le salarié à obtenir en justice l’indemnité spéciale de travail dissimulé qui équivaut à 6 mois de salaire, mais qui lui permet aussi de faire une prise d’acte de rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, ce qui lui permet d’obtenir, outre le paiement des heures supplémentaire en justices, mais aussi, outre cette indemnité spéciale de travail dissimulé, les habituels dommages et intérêts et autres indemnités allouées lorsqu’une prise d’acte de rupture est validée par la justice et a ainsi les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les caractéristiques des heures supplémentaires.
Les heures supplémentaires sont des heures de travail effectif effectuées à la demande de l’employeur et qui dépassent l’horaire réglementaire.
La définition légale des heures supplémentaires.
L’article L3121-22 du code du travail dispose que :
« Les heures supplémentaires sont celles qui sont accomplies au-delà de la durée légale de travail effectif, en dehors des heures de récupération ou d’équivalence »
La Cour de Cassation est intervenue pour préciser cette notion.
A ce titre, elle a clairement posé le principe que les heures effectuées au-delà de la durée prévue par un salarié en vertu d’un accord collectif et qui ne dépassent pas la durée légale du travail, ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires. [4]
La question du trajet inhabituellement long s’est posé en termes d’heures supplémentaires.
La Cour de cassation a été appelée à trancher.
Il s’agissait en l’espèce d’un salarié engagé en qualité d’enseignant en technique de maintenance en électricité et automatismes industriels, il était ensuite devenu formateur itinérant. Par la suite, il avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement d’heures supplémentaires et de repos compensateur correspondant aux temps de trajet effectués pour se rendre sur ses différents lieux de missions. La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 11 octobre 2012, [5] avait estimé que M. B arrivé sur son lieu de mission le plus souvent en début de semaine et y restant le plus souvent jusqu’à la fin de la même semaine, n’avait plus de trajet quotidien à effectuer puisqu’il avait tout loisir une fois sur place de s’installer à proximité immédiate du centre local où il était amené à intervenir, sauf à démontrer au cas par cas que cela n’était pas possible. Ainsi, pour fixer le temps de trajet hebdomadaire surpassant celui supporté par un travailleur type, cette part excédentaire ayant seule vocation à représenter un travail effectif, il convenait de défalquer non pas simplement 30 minutes au titre du déplacement depuis le domicile au lieu de mission et 30 minutes au titre du déplacement inverse, comme le soutient le salarié, mais 5 heures par semaine à l’instar du modèle de référence. Le salarié avait formé un pourvoi en cassation.
La Haute Cour a cassé l’arrêt au visa de l’article L. 3121-22 du Code du travail au motif que le temps de déplacement du salarié au-delà de la durée hebdomadaire conventionnelle de 39 heures constitue des heures supplémentaires effectuées devant être appréciées de manière casuistique et par voie de conséquence en estimant que lorsque le temps de trajet entre le domicile du salarié et son lieu de travail dépasse le temps normal du trajet d’un travailleur se rendant de son domicile à son lieu habituel de travail ce temps de déplacement excédentaire, qui constitue du temps de travail effectif, s’apprécie mission par mission lorsque celle-ci dépasse une journée et que le salarié ne regagne pas son domicile chaque jour. [6]
Une demande de l’employeur.
Une jurisprudence ancienne et constante estime que seules les heures supplémentaires qui ont été effectuées sur demande de l’employeur ou avec son accord implicite donnent lieu à rémunération. [7]
Cette règle a été précisée au fil des années, dès lors que certaines entreprises ont tenté de contourner la loi, en faisant faire des heures supplémentaires à leurs salariés, mais en leur opposant ensuite le fait qu’ils ne pouvaient prouver que lesdites heures ont été faites sur la demande de l’employeur.
Ainsi un salarié qui a accompli régulièrement et sur une longue période, des heures supplémentaires au vu et au su de l’employeur, qui ne s’y est jamais opposé, a droit au paiement de ces heures. [8]
Et ceci dès lors que l’employeur a eu connaissance de ces heures, même si la procédure d’autorisation interne concernant les heures supplémentaires n’a pas été respectée. [9]
La même solution a été opposée à l’employeur, qui tout en faisant défense au salarié, par lettre recommandée avec accusé de réception, de faire des heures supplémentaires, le sollicitait systématiquement pour travailler avant l’horaire habituel et après l’horaire habituel, s’est vu condamné à payer les heures supplémentaires à son salarié. [10]
Cet arrêt est dans la droite ligne de celui rendu par la Cour de cassation lorsqu’elle a estimé que lorsque le salarié établissait lui-même des fiches de temps à la demande de l’employeur, les juges pouvaient légitimement en déduire que ledit salarié avait pour le moins l’accord implicite de son employeur pour accomplir des heures supplémentaires. [11]
Le fait pour un salarié d’organiser librement sa journée de travail ne peut être invoqué pour écarter l’application du régime des heures supplémentaires lorsqu’il est prouvé que le salarié les a bien effectuées. [12]
Enfin, lorsque la salariée effectue, accessoirement à ses fonctions, des travaux de comptabilité et qu’il n’est pas établi que cette double activité lui laisse des périodes d’inaction, cette activité accessoire ouvre droit à paiement d’heures supplémentaires. [13]
Le paiement des heures supplémentaires.
Le nombre d’heures supplémentaires effectuées, ainsi que leur taux de valorisation doivent être détaillées sur la fiche de paye.
Un décompte par semaine.
Les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile qui sauf disposition conventionnelle contraire commence le lundi à zéro heure pour terminer le dimanche à vingt-quatre heures.
Il faut cependant savoir que la mensualisation du salaire n’empêche pas le paiement des heures supplémentaires effectuées.
Aussi la rémunération qui doit être versée au salarié mensualisé qui a accompli des heures supplémentaires est le salaire mensuel déterminé sur la base de l’horaire légal ou conventionnel si celle-ci est inférieure, ainsi que la rémunération des heures supplémentaires accomplies par le salarié.
Néanmoins lorsque l’horaire hebdomadaire d’une entreprise est supérieur à 35 heures, l’article L3121-23 prévoit qu’à ce moment-là, la rémunération mensuelle due au salarié peut être calculée en multipliant la rémunération horaire par les 52/12 de cette durée hebdomadaire de travail, en tenant compte des majorations de salaire correspondant aux heures supplémentaires accomplies.
Il faut cependant relever que le nombre d’heures supplémentaires n’est pas libre.
En effet, à défaut de dispositions conventionnelles différentes, l’employeur a droit à un contingent de 220 heures supplémentaires par an et par salarié ( [14]). Dans cette limite, il peut utiliser librement les heures supplémentaires. Il doit néanmoins en informer l’inspecteur du travail. De son côté, le salarié ne peut pas refuser d’effectuer ces heures.
Au-delà du contingent annuel réglementaire ou conventionnel, les heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu’après consultation des représentants du personnel et autorisation de l’inspecteur du travail. A défaut de réponse de l’inspecteur du travail dans les 15 jours suivant le dépôt de la demande, l’autorisation est réputée accordée. Si l’autorisation est donnée à l’employeur, le salarié ne peut pas non plus refuser d’effectuer ces heures supplémentaires.
Enfin, il faut rappeler que même lorsque les heures supplémentaires sont autorisées par l’inspecteur du travail, il est interdit de dépasser les plafonds horaires maximum.
En d’autres termes, il en résulte qu’effectuer des heures supplémentaires ne doit pas aboutir à dépasser les durées maximales du travail fixées à 10 heures par jour et 48 heures par semaine ou 44 heures en moyenne par semaine sur une période de 12 semaines consécutives.
Une valorisation en fonction des seuils de déclenchements.
Les heures supplémentaires sont majorées de la façon suivante, et ce à partir du seuil de déclenchement, qui est en général 25 heures, sauf dispositions contractuelles ou conventionnelles contraires.
Les 8 premières heures, qui sont en général de la 36ème à la 43ème incluse, sont valorisées à 125%.
A partir de la 44ème heure, la majoration est de 150%.
Ces heures majorées ainsi que leur valorisation doivent apparaître distinctement sur la fiche de paye et plus précisément sur la fiche de paye du mois à la paye à laquelle elles sont rattachées.
La rémunération des heures supplémentaires, majorations comprises ayant la nature de salaire, elle obéit au même régime juridique que les salaires que ce soit au niveau des saisies, des compensations avec les créances, ou encore des prescriptions.
La contrepartie en repos compensateur.
Lorsque les heures supplémentaires ont pris une ampleur telle que les heures accomplies par le salarié sont au-delà du contingent annuel, la loi prévoit, outre le paiement des heures supplémentaires en tenant compte des valorisations mises en place par la loi, une contrepartie est également due en repos obligatoire.
Néanmoins il convient de rappeler que pour arriver au seuil de déclenchement du repos obligatoire, il faut que les heures supplémentaires aient été réellement accomplies.
Certaines entreprises règlent les heures supplémentaires rubis sur l’ongle. D’autres ont tendance à se faire tirer l’oreille.
Les litiges portant sur les heures supplémentaires relèvent comme tous les autres litiges du Conseil des Prud’hommes.
Il ne fait cependant pas trop tarder lorsque les non-paiements d’heures supplémentaires s’accumulent. En effet, il faut savoir que depuis juin 2013, les salaires donc les heures supplémentaires, se prescrivent par 3 ans, étant rappelé que seule la saisine de la justice arrête la prescription.
Discussion en cours :
Bonjour,
Il me semble que l’obligation pour l’employeur de demander l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail est supprimée depuis le 22 août 2008.
Cordialement