Une récente décision du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 11 février 2009, nous rappelle que marques communautaire et française ont des portées distinctes et que le dépôt de l’une ne saurait être considéré comme de mauvaise foi sous prétexte que l’autre ne serait pas valable.
En l’espèce, la société américaine 3M Company, titulaire de deux marques 3M, l’une française déposée en 1988 et l’autre communautaire déposée en 2004, avait intenté sur le fondement de ces droits antérieurs une action en contrefaçon à l’encontre d’une société mexicaine ayant déposé en France une marque complexe 3M.
La défenderesse contre-attaqua en deux temps.
En premier lieu, elle sollicita reconventionnellement, comme souvent en pareille situation, la déchéance partielle de la marque française 3M (pour un certain nombre de produits désignés). Sa demande fut fort logiquement jugée irrecevable car la société 3M n’avait pas invoqué ses droits de marque sur lesdits produits dans le cadre de son action. La défenderesse n’avait donc pas d’intérêt à agir en déchéance à l’égard de produits pour lesquels la marque ne lui avait pas été opposée.
En second lieu, ce qui relève d’une logique plus audacieuse, la défenderesse tenta de démontrer que la marque communautaire 3M qui était invoquée à son encontre devait être annulée, son titulaire s’étant selon elle montré de mauvaise foi au moment de son dépôt.
L’argument était le suivant : la société 3M, sachant que sa marque française était susceptible de déchéance pour défaut d’usage sérieux à l’égard de certains produits, aurait déposé une demande de marque communautaire (par la suite enregistrée) dans le seul but de contourner cette éventuelle sanction.
Le tribunal rejeta la demande en nullité de la marque communautaire grâce au raisonnement suivant : "la marque communautaire est un titre ayant une portée différente de celle de la marque française notamment quant à sa portée géographique et à la date à partir de laquelle court sa protection. Dès lors, la société 3M ne saurait être considérée comme de mauvaise foi lorsqu’elle a procédé au dépôt de la marque communautaire en cause, la marque communautaire n’ayant pas vocation à se substituer à la marque française".
En outre, aucune fraude n’ayant pu être imputée à la société 3M, la défenderesse se vit également déboutée de sa demande en inopposabilité de la marque communautaire.
Cette décision, qui ne nous semble pas devoir être critiquée sur le fond, risquerait-elle d’inciter certains titulaires de marques nationales à faire enregistrer une marque communautaire identique simplement pour éviter d’être effectivement déchu de leurs droits "d’origine" ?
L’avenir, et sans doute la jurisprudence, nous le dira.
Manuel ROCHE, Juriste Propriété intellectuelle
Cabinet WAGRET, Conseils en propriété industrielle
Réf. décision. TGI Paris, 3ème ch., 3ème sect., 11 février 2009 (RG. 2007/15243)
TRADEMARKS AND BAD FAITH - June 2009
A recent decision from Paris’ Court of First instance, dated February 11, 2009, reminds us that despite some similarities Community trademarks and National trademarks (in our case French) have different scopes and that bad faith of the applicant of one cannot be inferred from the potential nullity of the other.
The case started as American 3M Company, owner of two trademarks 3M, the first a French trademark dating back 1988 the second a Community trademark of 2004, decided to sue a Mexican company for infringing its prior rights when filing for a complex trademark application 3M in France.
The defendant retorted in several stages, one of them is particularly interesting.
The Mexican company asked for the Community trademark to be declared invalid for it argued that 3M Company had been acting in bad faith when it filed the application for the trademark. According to its petition, the bad faith could be inferred from the fact that 3M Company knew that its rights over the French trademark could be declared to be revoked for said trademark had not been put to genuine use in France.
The argument was that 3M Company had filed for a Community trademark application only to avoid the loss of its rights over the sign 3M in France.
The Court however dismissed the petition stating that the Community trademark was a title with a scope different from that of the French trademark (especially regarding its geographic scope and the date from which the protection starts) and that 3M company could not be regarded as in bad faith when it proceeded with the filing of the French trademark for the Community trademark is not designed to be a substitute for the French trademark.
The Court added to make its decision perfectly clear that no fraud could be proven against 3M Company.
Is there a chance that such a decision might encourage some owners of National trademarks to have some identical Community trademarks registered only to avoid that their National rights be declared to be revoked ?
The future, and probably some Courts decisions, will tell.
Manuel ROCHE, IP Lawyer
Cabinet WAGRET, French and European Patent & Trademark Attorneys