Le dirigeant d’une société s’est porté caution solidaire envers la banque. Une procédure de sauvegarde a été ouverte à l’égard du débiteur. Par la suite, un plan de sauvegarde a été adopté et la banque a assigné la caution en remboursement de la dette du débiteur. Le plan de sauvegarde a été résolu et la société a été mise en liquidation judiciaire.
La caution a été condamnée par la cour d’appel au paiement, considérant que le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ne suspend les poursuites contre la caution que jusqu’au jugement arrêtant le plan de sauvegarde et que c’est donc à la date de l’assignation qu’il convient de se placer pour apprécier la disproportion. La cour d’appel considère également que c’est à la caution d’établir que son patrimoine et ses revenus ne lui permettent pas de faire face à son obligation.
La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel :
sur la base des articles L. 626-11 du Code de commerce et L. 341-4 du Code de la consommation, dans un attendu de principe, la Cour considère que : « pour apprécier si, (…), le patrimoine de la caution lui permet de faire face à son obligation au moment où elle est appelée, le juge doit, en principe, se placer au jour où la caution est assignée ; que cependant si, à ce moment, le débiteur principal bénéficie d’un plan de sauvegarde en cours d’exécution, l’appréciation doit être différée au jour où le plan n’est plus respecté, l’obligation de la caution n’étant exigible qu’en cas de défaillance du débiteur principal ».
sur la base des articles 1315 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation, la Cour rappelle que : « il résulte de la combinaison de ces textes qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ; Attendu que pour condamner la caution à payer à la banque une certaine somme, après avoir constaté la disproportion de son engagement, l’arrêt retient qu’il appartient à la caution de prouver que son patrimoine ne lui permet pas de faire face à son obligation au moment où elle est appelée ; Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ».
Par cet arrêt, la Cour de cassation précise les conditions d’appréciation de la disproportion de l’engagement de la caution et rappelle les conditions de preuve de ladite disproportion.
1 – Disproportion du cautionnement en présence d’une procédure de sauvegarde
Le jugement d’ouverture entraînant la suspension des poursuites au profit des cautions, conformément à l’article L. 622-28, alinéa 2, du Code de commerce, celles-ci doivent pouvoir être poursuivies en paiement après l’arrêté du plan de sauvegarde (Cass. com., 24 mai 2005, n° 03-21043).
Ceci tend à encourager, comme en l’espèce, les dirigeants cautions à solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde en temps utile.
La Cour de cassation vient préciser ici, toujours dans un objectif de protection de la caution, notamment lorsqu’un plan de sauvegarde est arrêté, que le créancier, tenu des dispositions du plan de sauvegarde, ne peut engager la responsabilité de la caution qu’en cas d’inexécution du plan par le débiteur principal.
Ce n’est ainsi qu’en cas de défaillance du débiteur que la caution peut être appelée et seulement à ce moment que la proportionnalité entre son engagement et ses biens est appréciée.
2 – Sur la charge de la preuve de la disproportion du cautionnement
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Cette proportionnalité s’apprécie au moment de la formation du contrat. Il est néanmoins possible, pour le créancier professionnel, d’en apporter la preuve au moment de l’appel en paiement.
En l’espèce, la cour d’appel avait considéré qu’il revenait à la caution d’établir la disproportion.
Néanmoins, confirmant sa position sur la question (Cass. com., 1er avr. 2014, n° 13-11313), la Cour de cassation rappelle qu’il résulte de la combinaison des articles 1315 du Code civil et L. 341-4 du Code de la consommation qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir que, au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.