Précisions sur l’effet d’un nouveau permis de construire en cours de procédure contentieuse.

Par Antoine Louche, Avocat.

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Explorer : # permis de construire # procédure contentieuse # recours en annulation

La délivrance d’un nouveau permis de construire portant sur un terrain et un projet précédemment suspendu par le juge administratif, entraine implicitement, mais nécessairement que ce nouveau permis ait rapporté et remplacé la précédente autorisation de construire. La délivrance de ce nouveau permis met également fin aux effets de l’ordonnance de suspension. Dès lors, l’éventuel pourvoi en cassation formé à l’encontre de cette ordonnance devient sans objet. Le fait que ce nouveau permis puisse faire l’objet d’un recours administratif ou contentieux et par la même d’une annulation contentieuse est sans incidence sur ce point.

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En l’espèce, le Maire de Lamentin avait autorisé la construction de neuf bâtiments comprenant soixante-dix-huit logements locatifs.

Cet arrêté avait fait l’objet d’un recours en excès de pouvoir doublé d’un référé suspension.

Par ordonnance en date du 24 janvier 2013, le Tribunal administratif de Basse-Terre a suspendu l’exécution du permis de construire litigieux.

La société pétitionnaire a formé un pouvoir en cassation à l’encontre de cette ordonnance.

Par cette décision, la Haute Assemblée est venue préciser les effets de la délivrance d’un nouveau permis de construire en cours de procédure contentieuse et après qu’un précédent permis est fait l’objet d’une suspension.

Les juges du Palais Royal ont indiqué que la délivrance d’un nouveau permis de construire portant sur un terrain et un projet précédemment suspendu par le juge administratif, entraîne implicitement, mais nécessairement que ce nouveau permis ait rapporté et remplacé la précédente autorisation de construire.

De même, la délivrance d’une nouvelle autorisation de construire pour ce projet met immédiatement fin aux effets de l’ordonnance ayant prononcé la suspension du permis précédemment délivré.

Cette solution s’inscrit parfaitement dans la jurisprudence traditionnelle du Conseil d’Etat.

Ce dernier avait déjà appliqué un tel raisonnement à l’égard du recours en annulation dirigé contre un permis de construire, ce dernier perdant son objet en raison de la délivrance d’un nouveau permis pour le même projet (voir notamment en ce sens CE, 7 avril 2010, SCI La Tilleulière, n°311694).

En application du principe selon lequel l’accessoire suit le principal il était donc impossible que le référé suspension ne suive pas le même sort que le recours en annulation auquel il est lié.

Rappelons sur ce point que l’irrecevabilité du recours en annulation rejaillit nécessairement sur le référé suspension qui y est lié (voir notamment en ce sens CE, 15 mai 2001, Commune de Loches, n°231802).

Plus fort, il appartient même au juge des référés de relever d’office une telle irrecevabilité sous peine d’entacher d’illégalité sa décision (voir notamment en ce sens CE, 1er mars 2004, Socquet-Juglard, n°258505).

De même, le recours en annulation et l’éventuelle ordonnance ayant ordonné la suspension de l’exécution d’une décision administrative deviennent sans objet et sans effet en raison du retrait ou de l’abrogation de la décision litigieuse (voir notamment en ce sens s’agissant d’un retrait CE, 17 décembre 2003, n°258022 ; s’agissant d’une abrogation voir notamment CE, 27 février 2009, n°324185).

Ainsi, si la sagesse impliquait que la société pétitionnaire forme un pourvoi en cassation à l’encontre de l’ordonnance litigieuse, le délai de 15 jours pour former un tel pourvoi étant plus court que le délai réglementaire d’instruction d’une demande de permis de construire, une fois la délivrance du nouveau permis de construire obtenue, cette dernière aurait pu se désister de sa demande.

Le pourvoi en cause a donc été rejeté comme étant devenu sans objet.

Références : CE, 23 juin 2014, Société Castel Invest, n°366498 ; CE, 7 avril 2010, SCI La Tilleulière, n°311694 ; CE, 15 mai 2001, Commune de Loches, n°231802 ; CE, 1er mars 2004, Socquet-Juglard, n°258505 ; CE, 17 décembre 2003, n°258022 ; CE, 27 février 2009, n°324185

Antoine Louche,
Avocat associé chez Altius Avocats
www.altiusavocats.fr

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  • Dernière réponse : 9 juin 2017 à 11:41
    par J. , Le 13 février 2015 à 14:40

    L’arrêt du CE qui sert de base à l’article précise que la délivrance d’un nouveau permis de construire a, implicitement mais nécessairement, eu pour effet de rapporter le premier permis de construire.

    On peut donc considérer que le deuxième permis "annule et remplace" le premier permis (cas où les deux permis ont le même objet).

    La jurisprudence citée dans l’article, qui reprend les arguments développés par le Conseil d’État dans un arrêt de 1993 (CE, 29/10/1993, n°104037), ne concerne que des affaires dans lesquelles les permis de construire avaient été délivrés par les communes.

    Peut-on considérer que cette solution est applicable à des cas où les permis de construire auraient été refusés ?

    Exemple : un permis de construire (PC n°1) a été refusé puis a fait l’objet d’un recours devant le juge administratif.
    Pendant l’instruction du dossier au contentieux, le demandeur dépose un nouveau permis de construire (PC n°2) pour le même projet (projet strictement identique au PC n°1). Ce deuxième permis est refusé. Ce deuxième refus n’est pas contesté par le pétitionnaire.
    Puis décision du TA = annulation du refus pour le PC n°1.
    Peut-on considérer que la deuxième demande de PC retire implicitement la première demande ?
    Et dans ce cas, doit-on considérer que le dépôt du PC n°2 vaut demande d’annulation du PC n°1 ?

    • par Me Antoine LOUCHE , Le 13 février 2015 à 16:11

      Je vais tenter de réponse à votre question.

      A mon sens votre approche n’est pas la bonne. Je m’explique.

      Votre refus initial a été annulé au contentieux. Tout porte à croire, que le juge administratif a dû enjoindre à la mairie d’avoir à réétudier dans un délai déterminer votre demande.

      Si tel n’est pas le cas, au regard de la nature de la décision contestée, l’annulation de cette dernière implique nécessairement un nouvel examen de votre demande de permis.

      Un nouvel arrêté va donc être pris. Il pourra s’agir d’une délivrance de permis ou d’un nouveau refus.

      Toutefois, ce dernier refus ne pourra retenir l’argumentation qui a été censurée au contentieux pour refuser de vous délivrer le permis sollicité.

      Votre 2 nde demande a également été rejetée. Vous n’avez pas contesté ce rejet. Ce rejet ne peut donc plus être contesté.

      Il convient donc d’attendre que l’autorité compétence se prononce à nouveau sur cette demande, dans le délai déterminé. Cette dernière ne pourra se délivrer de cette obligation.

      Votre seconde demande de permis, au demeurant strictement identique, ce qui implique votre souhait de réaliser ce projet, n’a pas eu pour effet de délirer la Commune de cette obligation.

      Si ce délai n’est pas respecté, il conviendra alors de mettre en demeure l’administration de respecter la décision de justice rendue, et le cas échéant, de former une demande d’exécution forcée.

      Il vous appartiendra ensuite, et le cas échéant, en fonction du sens de la décision prise, de contester cette nouvelle décision via des recours précontentieux et/ou contentieux.

    • par J. , Le 16 février 2015 à 09:55

      La question que je me pose est la suivante :
      est-il possible pour la mairie de refuser de nouveau le permis de construire (permis annulé au contentieux) sur la base de la non contestation du refus formulé sur le deuxième permis ?

      En l’espèce, la commune considère que le permis initial qui a fait l’objet du recours contentieux doit être refusé sur la base des éléments suivants :
      - un deuxième permis a été déposé pour le même objet
      - le deuxième permis en question a "annulé" le premier permis (qui doit faire l’objet d’une nouvelle décision) compte tenu de la jurisprudence du CE de 2014 (la délivrance d’un nouveau permis de construire a, implicitement mais nécessairement, eu pour effet de rapporter le premier permis de construire)
      - le deuxième permis a fait l’objet d’un refus qui n’a été contesté

      De ces éléments, la commune considère que le premier permis doit être refusé puisque le demandeur a renoncé à son projet en ne contestant pas le deuxième refus.

      Donc la question est la suivante : la jurisprudence du CE de 2014 s’applique t-elle, selon vous, aux décisions de refus ?

    • par chrystom , Le 16 octobre 2015 à 20:52

      Bonsoir,

      Je souhaite apporter cette question sur un nouvel angle dans l’ordre chronologique :
      1.- Permis de construire déposé, accepté et vierge de tout recours donc définitif.
      2.- Nouvelle demande de permis de construire pour le même objet fait ensuite, pour revoir le projet totalement différent.

      Si ce second permis est refusé, normalement pas de soucis, le 1er reste valide.
      Si ce second est accepté, là ca se corse d’ou ma question, que va t’il se passer ?
      a.- Le premier permis sera immédiatement abrogé le jour J du procès verbal d’accord du permis
      b.- Le premier permis restera valable jusqu’au fin des délais de recours (privés et administratif 3mois)
      c.- Le premier permis devra être annulé par mes soins à un délai précis (lequel ?)

      Vous remerciant d’avance de vos lumières.
      Chrystom

    • par Katell , Le 9 juin 2017 à 11:41

      Chrystom a déposé ce message en octobre 2015 mais je n’ai pas lu de commentaires. Je me trouve dans la même situation.

      "Je souhaite apporter cette question sur un nouvel angle dans l’ordre chronologique :
      1.- Permis de construire déposé, accepté et vierge de tout recours donc définitif.
      2.- Nouvelle demande de permis de construire pour le même objet fait ensuite, pour revoir le projet totalement différent.

      Si ce second permis est refusé, normalement pas de soucis, le 1er reste valide.
      Si ce second est accepté, là ca se corse d’ou ma question, que va t’il se passer ?
      a.- Le premier permis sera immédiatement abrogé le jour J du procès verbal d’accord du permis
      b.- Le premier permis restera valable jusqu’au fin des délais de recours (privés et administratif 3mois)
      c.- Le premier permis devra être annulé par mes soins à un délai précis (lequel ?)

      Vous remerciant d’avance de vos lumières."
      Merci des informations que vous pourriez me fournir
      Katell

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