Quelles responsabilités sociales pour l'entreprise ?

Quelles responsabilités sociales pour l’entreprise ?

Rédaction du village

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Dans un contexte économique et mondialisé plus difficile, la pression s’est accrue inévitablement au sein des entreprises avec une multiplication des souffrances au travail et une volonté de retrouver un meilleur équilibre socio-économique.

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L’entreprise est donc plus que jamais remise face à ses engagements sociaux avec la multiplication de thèmes d’actualité législative et sociétale tels que la discrimination, la lutte contre les maladies professionnelles, le stress au travail et le harcèlement, mais également l’obligation d’adaptation. On peut alors se demander comment trouver un équilibre entre des besoins de productivité et de compétitivité accrus nécessaires aux entreprises et les obligations en matière de responsabilités sociales et sociétales qui reposent sur elles ?

Dans ce dossier paru dans la revue Management Juridique et Règlementaire, nous nous sommes interrogés sur ce nouvel équilibre entre les besoins des entreprises et ceux des salariés.

I. LES CONSEQUENCES DE LA CRISE

Dégradation du marché du travail, principalement chez les jeunes, et ralentissement des salaires le bilan 2008 dressé par l’Insee montre bien l’impact de la crise en France, malgré un système de protection sociale plus favorable que dans d’autres pays. Dans ce contexte, le premier ministre a fixé en priorité aux partenaires sociaux la mobilisation pour l’emploi. Ainsi fin 2009 des mesures ont été prises pour favoriser l’emploi des jeunes, mesures régulant également le chômage partiel.

Dès le 8 Juillet 2009, les partenaires sociaux ont conclu un ANI (Accord National Interprofessionnel) sur la gestion des conséquences sociales de la crise. Les signataires ont ainsi réclamé aux pouvoirs publics un assouplissement des conditions d’accès au chômage partiel pour les salariés travaillant en roulement, le développement de formations pendant les périodes de chômage partiel. L’ANI est également venu encadrer le recours au prêt de main d’œuvre à but non lucratif entre entreprises. Il a aussi été prévu que les dispositions, dans un contexte exceptionnel, de cet ANI cessent de s’appliquer au 1er janvier 2011.

Face à ces mesures exceptionnelles, d’autres responsabilités ont été fortement mises en avant l’année dernière. Les risques sociaux deviennent ainsi de plus en plus importants. Lutte contre les discriminations, lutte contre le stress au travail, renforcement de la formation continue, les responsabilités sociales de l’entreprise vont être de plus en plus encadrées.

II. LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS

Faut-il y voir une conséquence de plus de la crise économique ou l’avènement d’une volonté politique ? Dans un contexte de tensions sociales et d’accroissement des inégalités, la lutte contre les discriminations est affichée de plus en plus comme une des priorités du Ministère du travail. Des quotas dans les grandes Ecoles aux quotas pour les seniors et les femmes ; des listes de bons élèves aux systèmes de bonus malus, le gouvernement promet de favoriser l’égalité des chances par des sanctions positives ou négatives.

1. Le CV anonyme mis au banc d’essai

Pour réduire la discrimination à l’embauche et favoriser certains recrutements, le CV anonyme avait été inscrit dans la loi de 2006 sur l’égalité des chances, sans pour autant qu’aucun décret ne soit venu permettre son application. Dans un contexte d’exacerbation des discriminations, le Chef de l’Etat a pourtant lancé une expérimentation dans 7 départements auprès de 50 entreprises.
Seuls quelques grands groupes comme l’Oréal, PSA-Peugeot Citroën ou Accor ont mis en place le CV anonyme de manière volontaire. Certains contestent son efficacité dans un contexte où 50% des recrutements se fait par cooptation, d’autres son couû de mise en œuvre.

Par ailleurs, selon un rapport du service des études juridiques du Sénat comparant les règles en vigueur dans 7 pays européens, on constate que le CV anonyme reste peu exploité. Seule la Belgique impose le recours au CV anonyme pour le recrutement du personnel contractuel de l’administration fédérale.

2. Egalité entre les femmes et les hommes

Si certaines études récentes comme celles de Mc Kinsey ont mis en avant une corrélation entre la place des femmes dans des postes de décisionnaires et la performance des entreprises, il n’en reste pas moins que les femmes gagnent encore en moyenne 27 % de moins que les hommes.

Les promesses du gouvernement en matière d’égalité salariale hommes-femmes « seront tenues », y compris si elles nécessitent des « sanctions » ont rappelé successivement de nombreux membres du gouvernement. Un premier travail avait ainsi été confié à Brigitte Grésy afin d’élaborer une note d’orientation sur les inégalités salariales. Le gouvernement entend ainsi construire rapidement des mesures d’incitation et des sanctions. Le rapport de Brigitte Grésy met ainsi en avant les lois importantes en matière d’égalité professionnelle (la loi Roudy de 1983, la loi Génisson de 2001 et la loi de 2006 sur l’égalité salariale) qui ne sont aujourd’hui encore que peu appliquées. Le rapport mais ainsi en avant les diverses inégalités qui subsistent. Ainsi, un tiers des femmes qui travaillent sont à temps partiel et les écarts de rémunération perdurent ; on constate également encore la faible place des femmes dans les instances de décision.

Au mois de novembre Xavier Darcos a promis des sanctions contre les entreprises ne respectant pas l’égalité et a envisagé des quotas de femmes dans les conseils d’administration. Le Ministre du Travail a invité les partenaires sociaux à négocier un nouvel accord interprofessionnel sur le thème de l’égalité hommes femmes. Récemment plusieurs accords ont été signés au sein de grandes entreprises. Ainsi, Danone produits frais a conclu un accord sur les obligations en matière de rémunérations pour assurer l’égalité professionnelle en intégrant notamment la parentalité. Salaire égal à l’embauche, puis rémunération sur la performance durant le temps de présence, pas d’impact du congé maternité sur les évolutions de rémunération et ouverture d’un droit à indemnité complémentaire pour les pères en congé paternité ayant plus de 9 mois d’ancienneté. Danone a également proposé un aménagement du temps de travail sans perte de salaire pendant la grossesse.

3. Seniors vers un bonus-malus ?

Avec 38 % de seniors actifs chez les 55-64 ans (contre 70% en Suède), le taux d’activité des seniors en France est le plus faible d’Europe. Si la moyenne européenne est de 43,5 %, la Commission européenne a fixé un objectif pour 2010 de 50% aux Etats membres et ce afin d’assurer la viabilité des modèles économiques face à l’allongement de la durée de vie.

La réflexion sur l’emploi des seniors a débuté avec l’accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 qui visait à faire évoluer les mentalités, à sécuriser les parcours professionnels des seniors et à favoriser leur retour à l’emploi. Cet accord a été suivi par un plan national d’action pour l’emploi des seniors, impliquant les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Il a conduit à de nombreuses évolutions législatives. Plus récemment, l’article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré une pénalité spécifique pour les entreprises de 50 salariés et plus, qui n’auraient pas, à partir du 1er janvier 2010, adopté une politique active en faveur de l’emploi des seniors.

Ainsi, les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe de même taille avaient l’obligation de conclure un accord ou un plan en faveur de l’emploi des seniors avant le 1er Janvier 2010, au risque d’être soumises à une pénalité de 1% de leur masse salariale. L’accord ou le plan d’action devait ainsi comporter des dispositions favorables au recrutement et au maintien de l’emploi des seniors, avec également l’amélioration des conditions de travail et la diminution des pénibilités ainsi qu’un aménagement des fins de carrière.
Le gouvernement pense également proposer un projet de loi avant la fin d’année, projet qui devrait initier un système de bonus-malus et imposer aux entreprises un « quota » de 5 % de seniors dans sa masse salariale.
Là encore, des entreprises comme Bull ou Carrefour ont mis en avant la signature d’accords visant à maintenir les seniors dans l’emploi, prévenir la pénibilité et mieux gérer les fins de carrière.

4. Favoriser la diversité culturelle

Un rapport d’SOS racisme publié en novembre dernier a révélé des pratiques de fichages ethniques dans plusieurs grandes entreprises, comme Nissan, Air France et Euro Disney. Interdit depuis 1978, le fichage ethno-racial demeure pourtant dans certaines entreprises, même si la HALDE, fondée en 2004 veille régulièrement sur ces pratiques, elles perdurent néanmoins. Ces fichages posent d’autant plus question que pendant la campagne électorale de nombreux débats avaient été menés autour d’une éventuelle mise en place de processus de discrimination positive.

Ce système, fortement utilisé dans les pays anglo-saxons, ouvre ainsi la porte à des fichages ethniques intégrés également aux pratiques de recrutement. Si le législateur fait un jour ce choix, il conviendra de se pencher sur ses éventuelles conséquences. Si en vertu des principes de non discrimination, on ne peut aujourd’hui mentionner par exemple des critères religieux lors d’entretiens de recrutements, il conviendra de s’interroger sur ces interdictions dans le cadre de la mise en place de quotas ou de systèmes de discrimination positive.

5. Favoriser l’intégration des travailleurs handicapés

Si les chiffres restent encore en deçà du quota légal de 6% de travailleurs handicapés qui reste l’objectif à atteindre du gouvernement, la Dares a recensé une progression de 12% de plus de travailleurs handicapés dans le privé par rapport à 2006.

Ainsi, en 2007, 56,1% des établissements assujettis à l’OETH ont employé directement des travailleurs handicapés et 36,8% n’ont employé directement aucun travailleur handicapé mais ont versé une contribution ou passé des contrats de sous-traitance.

6. Rappels sur la problématique de l’égalité de traitement

Plusieurs arrêts de la cour de cassation sont venus récemment rappeler les pratiques en matière d’égalité salariale. Ainsi, dans un arrêt du 28 Octobre 2009, la Cour de cassation a jugé qu’un accord d’entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d’établissements différents d’une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit pouvoir contrôler concrètement la réalité et la pertinence.

Par ailleurs, par un arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation est également venue rappeler l’importance du respect du principe d’égalité de traitement entre cadres et non-cadres. Pour rappel, dans cette affaire, M. X, démarcheur livreur de DHL se plaignait de ne bénéficier que de 25 jours de congé par an, contre 30 pour les cadres. L’employeur faisait état de l’importance des responsabilités des cadres, mais la Cour de cassation est venue donner raison au salarié en opposant à l’employeur l’égalité de traitement des salariés et l’obligation que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives.
« La seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. » Ainsi, l’employeur ne pourra-t-il plus justifier une différence de traitement fondée sur une convention collective ou un accord de branche ? Tout salarié serait donc en droit de revendiquer cette égalité ?

Pour Maître Arnaud Doumenge, avocat associé chez Lamartine Conseil, «  Bien que le principe de l’égalité de traitement soit ancré maintenant depuis plusieurs années dans la jurisprudence, la Cour de Cassation a entendu franchir un nouveau pas, en remettant en cause pour la première fois un accord d’entreprise au motif que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait justifier une différence de traitement » (l’accord en cause attribuant des jours de congés supplémentaires aux salariés cadres). Bien que cet arrêt ne vaille pas condamnation systématique des différences de traitement opérées entre les salariés cadres et non cadres, celles-ci doivent désormais être justifiées par des raisons objectives et pertinentes, soumises au contrôle des juges. Dans le droit fil de cet arrêt, la Cour d’Appel de Montpellier, le 4 novembre 2009, a, quant à elle, donné raison à une salariée non cadre, qui réclamait l’alignement de ses indemnités conventionnelles de préavis et de licenciement sur celles applicables aux cadres, dès lors que ni les partenaires sociaux signataires de l’accord de branche, ni l’employeur n’ont pu justifier, par des raisons objectives et pertinentes, la différence de traitement entre ces salariés en matière de licenciement... Il ne fait nul doute que ces deux arrêts ne vont pas manquer d’engendrer un certain bouleversement des « tissus conventionnels », les partenaires sociaux devant désormais veiller à justifier l’attribution d’avantages catégoriels par des éléments objectifs. »

Pour Maître Cécile Bouchaud, Avocate, avec cette décision du 1er juillet 2009, il y a en quelque sorte un renversement de la charge de la preuve. «  Les entreprises sont mécontentes parce qu’elles craignent les contestations de salariés, mais tout n’est pas joué et gagné avec cette décision, d’autant plus qu’il est difficile pour un salarié d’engager une procédure prud’homale en étant encore en poste. Dès 1996, la Cour de cassation a dégagé et appliqué ce principe d’égalité de traitement ». Il semblait donc qu’une porte s’était ouverte mais cela n’a pas été le cas. En effet, tous les dossiers fondés sur l’égalité de traitement n’ont pas abouti car l’employeur justifiait par des éléments objectifs l’inégalité. Il a donc fallu trouver un autre fondement dans un certain nombre de dossiers, notamment celui de la discrimination quand cela est possible, pour engager ce type d’action «  Ce fondement, c’est la discrimination. Cependant, peu de dossiers sont apparus sur ce terrain depuis l’année dernière, soit depuis le fameux arrêt du 1er juillet 2009 » continue Cécile Bouchaud.

Pour Maître Adrien Brousse, Avocat au Barreau de Paris, «  la décision de la Cour de cassation n’est pas si surprenante, le principe d’égalité est un principe général que les normes édictées dans l’entreprise, qu’elles soient unilatérales ou négociées, doivent respecter. »
Les juges peuvent donc remettre en cause ces normes en effectuant un raisonnement en deux temps. Tout d’abord, il faut caractériser l’inégalité de traitement. La charge de cette démonstration, dans un contentieux individuel, revient au salarié. Et, si cette preuve est rapportée, il faut alors que l’employeur justifie des raisons pour lesquelles il y a inégalité de traitement. Le juge doit porter une appréciation sur ces raisons qui doivent être objectives, étrangères à toute discrimination et pertinentes. « C’est sur ce dernier critère d’appréciation qu’il y a le plus souvent des difficultés. Ainsi, l’appartenance à une catégorie professionnelle (cadre ou non cadre par exemple) peut justifier de façon pertinente une différence de traitement, mais pas systématiquement. Ce sera le cas pour la durée de la période d’essai ou de celle du préavis, mais pas pour l’attribution de tickets restaurant. Il faut qu’il existe un lien entre le critère de différenciation entre salariés et l’avantage octroyé » poursuit Adrien Brousse.

III. LES RISQUES PSYCHO-SOCIAUX ET LA SANTE AU TRAVAIL

Le slogan « travailler plus pour gagner plus » semble avoir laissé place au travailler mieux pour vivre mieux et plus longtemps, car au-delà de la forte médiatisation des risques liés au stress au travail, la santé physique au travail reste également une problématique d’actualité.

1. Risque de santé au travail

Les risques sanitaires et environnementaux sont toujours présents. On recense encore le fait que plus de 13 % de la population active sont aujourd’hui exposés à au moins un agent cancérogène. Ainsi, ces dernières années, le contentieux lié à l’amiante a refait surface. Deux cours d’appel ont ainsi donné raison à des salariés percevant l’Acaata qui réclamaient à leur ancien employeur des dommages et intérêts du fait de la perte de revenus entrainée par leur cessation d’activité. Par ailleurs, après un arrêt qui avait condamné une entreprise pour mise en danger de la vie d’autrui, cet argument est aujourd’hui plus couramment utilisé.

Si des progrès ont été accomplis en matière de santé et de sécurité au travail au cours des 10 dernières années, le nombre des accidents du travail stagne encore à 700 000 par an et les maladies professionnelles ne cessent d’augmenter. En moins de 20 ans, le nombre a plus que doublé, pour atteindre 45 000 en 2008.

Après le premier Plan Santé au Travail 2005-2009, qui avait pour objectif de réformer le dispositif national de prévention des risques professionnels, le plan Santé au Travail 2010-2014 (PST 2) vise à renforcer le développement de la santé et du bien-être au travail, avec une amélioration des conditions de travail. L’ambition du PST2 est de diminuer les expositions aux risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Deux objectifs précis ont été assignés : une stabilisation du nombre des maladies professionnelles et une baisse de 25% des accidents du travail.

Au-delà du plan, il est également prévu :
- de traduire la stratégie européenne de santé au travail communautaire 2007-2012,
- de mettre en oeuvre dans les plus brefs délais possibles les règlements protecteurs de la santé des salariés (Reach, CLP),
- de renforcer l’approche sur les risques psycho-sociaux mais également la prévention face à des risques émergents comme les risques chimiques.

2. La prise en compte de la santé psychique : du stress au travail au harcèlement moral

L’utilisation du terme « risques psychosociaux » est un fait récent, directement lié à la prise de conscience par les pouvoirs publics des problématiques de stress au travail, lequel a été défini par l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 1er juillet 2008 comme «  un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui imposent son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. L’individu est capable de gérer la pression à court terme, mais il éprouve de grandes difficultés face à une exposition prolongée ou répétée à des pressions intenses.  »

Bien que mise en avant par l’actualité, l’obligation de protéger la santé des salariés se trouvait déjà en germe dans la notion de prévention des pratiques de harcèlement, l’employeur étant tenu, dans ce domaine, à une obligation de sécurité de résultat (cf. notamment Cass.soc. 21 juin 2006). Dans ce cadre, un grand nombre de sociétés ont déjà entrepris des démarches de prévention, par exemple en mettant en place des actions de formation auprès de leurs managers ou encore des procédures « d’alerte » (via, le plus souvent, les représentants du personnel :
Principalement, Délégués du Personnel et CHSCT). Ceci étant dit, c’est bien au titre de son obligation générale de sécurité, telle qu’issue de l’article L.4121-1 du Code du Travail, que l’employeur est tenu de prévenir les risques psycho-sociaux, donc le stress au travail. » observe Arnaud Doumenge.

Suite à cet ANI, de grandes entreprises, comme PSA Peugeot Citroën, ont conclu un accord sur l’évaluation et la prévention des risques psychosociaux A la suite des nombreux suicides au sein de l’entreprise France Telecom, le Ministre du Travail Xavier Darcos a mis en place un plan d’action d’urgence pour la prévention du stress au travail. L’objectif est que les mesures de ce plan d’urgence soient intégrées au plan de santé au travail 2010 – 2014. Le plan d’urgence prévoyait ainsi que les 2500 entreprises de plus de 1000 salariés ouvrent des négociations sur la prévention du stress au travail en transposant l’ANI sur ce thème. Ces entreprises avaient jusqu’au 1er Février 2010 pour faire part des négociations en cours ou plan d’action prévu. Si aucun système de bonus-malus n’est prévu, il était davantage question de dresser le tableau d’honneur des bons élèves en « valorisant les entreprises où il fait bon vivre » et de pointer du doigt les mauvais élèves.
Pour les TPM-PME, le plan prévoit une politique d’information et une mise à disposition d’outils de diagnostic et d’action.

Pour Arnaud Doumenge, « La décision du Ministre du Travail du 9 octobre 2009 de lancer un plan d’action d’urgence sur les risques psychosociaux (obligeant les entreprises de plus de 1.000 salariés à ouvrir des négociations sur le stress avant le 1er février 2010) a été prise suite à un nombre important de suicides (ou tentatives de suicide) intervenus au sein de grandes entreprises (principalement, Renault et France Télécom). Si certaines d’entre elles ont d’ores et déjà engagé des négociations en la matière, voir ont conclu un accord, d’autres ont rencontré des difficultés pratiques pour répondre à cette exigence du Gouvernement, qui ne leur a laissé que peu de temps pour identifier les problèmes et les actions à mener. Or l’appréhension des risques psycho-sociaux et les solutions à mettre en œuvre pour y remédier ne relèvent pas d’une approche exclusivement juridique, mais suppose nécessairement l’intervention d’acteurs spécialisés (Médecins, Psychologues, Organismes de préventions, Services de santé au travail, etc.), et ce, afin qu’un diagnostic pertinent puisse être établi en la matière. »

Par ailleurs, plusieurs décisions sont venues préciser les contours du harcèlement moral. Ainsi, dans un arrêt du 10 novembre la Cour de cassation est venu préciser que le harcèlement moral peut être reconnu sans intention malveillante. Si le harcèlement moral est défini comme une suite d’agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, les juges du fond n’avaient souvent retenu que les agissements avec une intention de nuire. Ainsi le harcèlement moral peut être involontaire. Un autre arrêt de la Cour de Cassation du 10 novembre est également venu préciser que les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique pouvaient caractériser un harcèlement moral, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour effet ou pour objet d’entrainer une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité.

Afin de transposer l’accord européen du 26 avril 2007, les partenaires sociaux se sont réunis le 29 octobre dernier pour engager des négociations sur la violence et le harcèlement au travail. Les organisations syndicales attendent de l’accord qu’il exprime que les formes de management peuvent être par elles mêmes génératrices de harcèlement et de violence. De nombreux salariés se plaignent en effet de plus en plus de la mise en place d’objectifs inatteignables pour lesquels on ne leur donne pas tous les moyens de réussir. La prévention des risques est également mise là encore en avant.

Maître Cécile Bouchaud, quant à elle, observe aussi une dégradation des conditions de travail avec notamment la diminution de certains avantages, une augmentation des tensions et pressions exercées sur les salariés. «  Cette situation est à rapprocher des phénomènes de harcèlement et de stress au travail sachant que, dans ces situations, le problème est et reste la preuve qui est compliquée à rapporter. Il n’y a souvent pas de témoins extérieurs et les salariés qui pourraient attester de ces faits ne veulent pas parce qu’ils craignent pour leur emploi » indique Cécile Bouchaud. Il existe souvent un faisceau d’indices (mail, courrier de mise en garde, avertissement …) mais ils ne suffiront souvent pas à établir les faits et emporter la conviction des conseillers prud’hommes. De plus, même quand le harcèlement moral est reconnu, l’indemnisation du salarié est moindre, la réparation du préjudice est insuffisante par rapport à ce qui a été subi.

« C’est pourquoi dans ce type de dossier, il est préférable de se placer sur le terrain de l’exécution déloyale du contrat de travail et non sur celui du harcèlement moral. C’est par exemple le cas quand un salarié se plaint à son employeur de harcèlement de la part de son collègue de bureau et que l’employeur ne fait rien et licencie le salarié alors qu’il est tenu à une obligation de sécurité de résultat. Le stress, le harcèlement, la dégradation des conditions de travail, tout est lié » poursuit Cécile Bouchaud.

Il existe beaucoup de dispositions sur l’hygiène et la sécurité dans le code du travail mais pas sur les risques psychosociaux à proprement parler. Mais en même temps le juridique n’est pas le psychologique. Ce sont les DRH qui devraient détecter ces risques à titre préventif.

3. Vers un droit au bien être au travail ?

Le Centre d’analyse stratégique (CAS ) a remis son rapport sur « la santé mentale, l’affaire de tous, pour une approche cohérente de la qualité de la vie » en novembre dernier dans lequel il propose des pistes pour lutter contre les risques psycho-sociaux.

Face à des modes d’organisation du travail, la transmission de messages contradictoires, l’obsession du court-terme, les restructurations et délocalisations, ainsi que les évolutions de la nature même du travail ont été mis en avant par le CAS qui recommande entre autres propositions de promouvoir des modes d’organisation du travail plus respectueux du bien être, ainsi que d’encourager l’évaluation des risques au sein des entreprises.

Cette notion même de « bien être au travail » est revenue régulièrement dans les médias notamment après les débats suscités par les nombreux suicides au sein de l’entreprise France Telecom. Si certaines entreprises, exceptionnelles et exemplaires, ont mis en avant ces dernières années leur approche du « bien être » au travail, avec des bureaux ergonomiques, des salles de créativité, voire des lieux de repos et des cuisines conviviales, pour renforcer la productivité de leurs salariés, et ce souvent dans des secteurs liés à la créativité, l’objectif de la plupart des entreprises est davantage de trouver un équilibre entre les évolutions du marché, de nouvelles formes de travail, l’augmentation des exigences, la réduction des délais et le respect de la santé des salariés.

Au-delà, on voit également se dessiner la notion de sens du travail. Si les sociologues s’étaient intéressés à ces jeunes diplômés en quête de sens, les déclarations des salariés de France Telecom ont montré que cette recherche est de plus en plus décuplée dans notre société.

Suite de ce dossier ici : Les acteurs du droit social

Laurine Tavitian & Stéphanie Garnier

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