Quel bilan général peut-on tirer du rapport d’activité de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté ?
Il convient au préalable de rappeler que le rapport d’activité 2015 est le premier à intervenir sous la pleine autorité d’Adeline Hazan ; sa nomination étant intervenue en juillet 2014. L’année 2015 s’est caractérisée par une augmentation des moyens financiers alloués au contrôle général des lieux de privation de liberté et par la création de plusieurs emplois, en raison de l’élargissement du champ de ses compétences. Son activité intègre en effet le contrôle des mesures d’éloignement du territoire des étrangers, dont on devrait percevoir des données tangibles dans le prochain rapport du contrôleur. Durant l’année 2015, ce sont 160 visites qui ont été effectuées, d’une durée moyenne légèrement supérieure à trois jours (491 journées au total). Rappelons également que l’activité du contrôleur général des lieux de privation de liberté doit se mesurer aussi à l’aune des avis et recommandations qu’il formule (par ex., avis du 16 juill. 2015 sur la prise en charge des personnes dans les établissements de santé ou encore avis du 30 juin sur la prise en charge de la radicalisation en milieu carcéral).
La contrôleure relève le difficile équilibre à trouver entre le respect des droits fondamentaux et la sécurité au cours de l’année écoulée. Qu’en est-il en prison ?
Plusieurs préoccupations sérieuses sur le plan du respect des droits fondamentaux ont pu notamment être constatées. Pour certaines, leur caractère est récurrent. D’abord, la surpopulation carcérale est un fléau qui marque un échec patent. Le phénomène est connu depuis plusieurs années. Les constructions de nouveaux établissements pénitentiaires et l’augmentation du nombre de places ces dernières années ne parviennent même plus à endiguer sa progression. Certes, ce ne sont pas tous les établissements qui souffrent de la surpopulation. Chacun sait qu’elle se concentre sur les seules maisons d’arrêt. Mais le rapport pointe une évolution inquiétante dans les maisons d’arrêts de la région parisienne et d’outre-mer. Des établissements présentent des taux d’occupation supérieurs à 160 %, qui nécessitent l’installation de matelas posés à même le sol. Le droit à l’encellulement individuel continue à apparaître comme une gageure.
Plus inquiétant, encore, « on ne perçoit pas de mesure sérieuse destinée à lutter contre la progression régulière de la surpopulation carcérale » (p. 19) alors même que certains établissements fonctionnent dans un contexte de sous-effectifs de surveillants qui rajoutent inéluctablement à la dégradation des conditions de détention pour les détenus, aux conditions de travail pour les personnels en exercice et à un accroissement de la violence. Ensuite, le rapport fait état de dysfonctionnements nombreux dans l’usage des chambres sécurisées (port de menottes ou d’entraves à la vue d’autres patients ou visiteurs ou durant les soins, violations du secret médical, hygiène défaillante, durée de séjour excédant le délai légal de quarante-huit heures...).
De telles situations aboutissent à créer des conditions d’hospitalisation plus restrictives de droits que les conditions de détention et dissuadent parfois des personnes détenues de recourir aux soins. Enfin, il ressort que l’application des dispositions de la loi pénitentiaire relatives aux fouilles des personnes détenues reste un sujet sensible. Nonobstant la diffusion de directives sur la personnalisation des fouilles, les visites font apparaître des pratiques variables d’un établissement à l’autre, avec « une motivation des mesures, la traçabilité des fouilles et l’enregistrement des résultats [qui] demeurent inégalement assurés ». Ainsi, la proportion des personnes soumises à des fouilles intégrales peut varier de 25 à 35 % dans un établissement, de 15 à 25 % dans un autre, quand elle flirte avec les 5 % ailleurs. La recommandation de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté « de procéder à une évaluation des pratiques en cours dans les établissements pénitentiaires en matière de fouilles et d’élaborer les directives nécessaires à une application plus homogène de la loi pénitentiaire » ne peut que susciter l’adhésion.
Et dans les autres lieux de privation de liberté ?
Le contrôle des établissements psychiatriques est annoncé comme une priorité pour la contrôleure générale des lieux de privation de liberté sur la durée de son mandat. L’accent a été mis, en 2015, sur la réception des dispositions nouvelles du code de la santé publique (L. n° 2011-803, 5 juill. 2011 ; L. n° 2013-869, 27 sept. 2013), à savoir la notification des mesures d’hospitalisation sous contrainte, l’information des patients et le contrôle du juge des libertés et de la détention. Cette application se met péniblement en place (par ex., sur l’assistance des patients hospitalisés sans leur consentement par un avocat). Pour ce qui concerne les centres de rétention administratifs, le constat des conditions matérielles de détention est sans appel, certains locaux « mériteraient une réfection complète ». Pour les privations de liberté sur une courte période (garde à vue et rétention douanière), la protection des droits des personnes privées de liberté est encore insuffisamment protégée du fait du nombre, de la dispersion des locaux et de la faiblesse des contrôles dont ils font l’objet.