Compte tenu de l’entrée en vigueur prochaine de la loi de lutte contre la fraude fiscale et des obligations futures d’échanges de renseignements bancaires entre les différents pays, la régularisation des comptes non déclarés est une évidence, quel que soit le coût de celle-ci et présente de réels avantages. En effet, le coût de la régularisation des avoirs étrangers sera toujours moins élevé face aux risques pénaux et fiscaux qu’encourt le contribuable s’il s’abstient ou tombe dans le piège de solutions alternatives (I).
En effet, dans une circulaire du 21 juin 2013, le Ministère du Budget a exposé les conditions dans lesquelles un contribuable peut régulariser sa situation de manière spontanée auprès de la cellule de régularisation nommée la STDR - Service de Traitement des déclarations rectificatives (amendes et pénalités applicables à un taux plus favorable que celui prévu par la loi en vigueur). Cette circulaire « CAZENEUVE » a soulevé de nombreuses questions auxquelles l’Administration a apporté différentes réponses pragmatiques (II).
1.Les risques en cas de non révélation des avoirs étrangers
En cas de découverte par l’Administration fiscale de l’existence des avoirs étrangers non déclarés, dans le cadre d’un contrôle fiscal ou d’une demande de renseignements à un État tiers, le coût fiscal sera non seulement très élevé, mais le contribuable s’expose à de lourdes sanctions pénales depuis le vote de la loi de lutte contre la fraude fiscale. Quels sont les risques et évolutions législatives en la matière ?
L’obligation d’échanges automatiques de renseignements
La transparence fiscale est en train de devenir une tendance mondiale visant à un échange de renseignements automatique entre les autorités fiscales de nombreux pays. De nombreux centres offshores tels que la Suisse, le Luxembourg, Singapour ou les îles Anglo-normandes ont récemment signé des accords avec la France notamment visant à adopter des lois et des réglementations favorisant les échanges concernant l’identité des clients (mais aussi celle des clients indirects ayant droits dans des structures interposées) et les revenus générés par ces comptes. Les textes sont en cours d’étude et d’élaboration dans les pays concernés et devraient être applicables à horizon 2015.
Les banques étrangères jouent actuellement un rôle prépondérant dans l’accélération du dépôt des dossiers auprès de la cellule de régularisation. En effet, celles-ci, soucieuses de se conformer aux obligations futures d’échanges de renseignements avec la France, participent au renforcement de la surveillance et demandent d’ores et déjà à leurs clients français de régulariser leur situation vis-à-vis de l’Administration fiscale française.
La fiscalité applicable en cas de non révélation
La découverte de comptes non déclarés à l’étranger emporte diverses conséquences en matière fiscale pour le contrevenant si celui-ci fait l’objet d’une procédure de contrôle fiscal ou d’une demande de renseignement auprès de l’établissement étranger :
a. Une amende fiscale sur les 5 dernières années seulement (de 2009 à 2013), par an et par compte, égale, à 1 500 euros ou à 10 000 euros, lorsque le compte ou le contrat est détenu dans un État ou territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’accès aux renseignements bancaires (Suisse et Luxembourg pour les infractions 2009 et 2010). Toutefois, une amende proportionnelle s’applique depuis la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 (à partir de l’amende concernant l’année 2012 sur les comptes utilisés en 2011), lorsque le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l’étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 euros au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la déclaration aurait dû être effectuée, l’amende s’élève à 5 % du solde créditeur de chaque compte non déclaré, sans pouvoir être inférieure aux montants de 1 500 euros ou 10 000 euros par compte.
b. Un rappel en matière d’ISF et autres droits d’enregistrement sur le montant des avoirs dissimulés, pour lesquels le délai de reprise de l’Administration fiscale peut s’exercer jusqu’au 31 décembre de la dixième année suivant celle où l’exigibilité des impôts ou droits relatifs à des avoirs détenus à l’étranger n’a pas été suffisamment révélée dans le document enregistré ou présenté à la formalité. Toutefois, l’année 2006 étant prescrite après l’entrée en vigueur de la loi, le rappel d’ISF et des droits de succession correspondants aux avoirs étrangers non déclarés ne peut se faire qu’à partir de l’année 2007.
c. Un rappel en matière d’Impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux sur les revenus des avoirs dissimulés (intérêts, dividendes et plus-value), pour lesquels le droit de reprise s’exerce dans les mêmes conditions qu’en matière d’ISF (prescription décennale à partir des revenus de 2006 seulement).
d. L’application sur l’impôt dû en principal (IR, prélèvements sociaux, ISF et droits de succession) d’un intérêt de retard au taux de 0,4% par mois de retard, et d’une majoration de 40% pour manquement délibéré (automatique dès lors qu’il y a omission dans la déclaration) ou de 80% en cas de manœuvres frauduleuses.
e. La possibilité de qualifier des approvisionnements ou des retraits du compte étranger en présomption de revenus, sauf à démontrer la preuve contraire (revenus déjà soumis à l’impôt ou correspondant à des sommes exonérés) : le montant des droits correspondants d’IR serait soumis à la majoration de 40 %, à laquelle s’ajouterait l’intérêt de retard. Ces revenus ou retraits seraient également taxés aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine (taux de 15,5%).
f. L’application de la procédure de demande d’informations ou de justifications spécifiques (article L 23C du LPF) : l’administration, dans le cadre d’un contrôle fiscal, peut demander aux contribuables de fournir dans un délai de soixante jours des informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs placés sur leurs comptes ou contrats dissimulés et, en l’absence de réponse, taxer d’office les revenus considérés aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %.
g. L’application de l’article 123 bis en cas de structure interposée : toute personne physique domiciliée en France qui détient, directement ou indirectement, 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique (trust, fondation, société) établie ou constituée hors de France et dont le patrimoine est principalement composé d’actifs financiers et monétaires est imposable en France à raison des revenus correspondants, lorsque cette structure est soumise à un régime fiscal privilégié hors de l’Union européenne (Suisse et Luxembourg). La personne physique est imposée au titre des revenus de capitaux mobiliers réels ou forfaitaires majorés de 25%, même en l’absence de toute distribution ou retrait, sur les bénéfices ou revenus positifs de la structure étrangère. Par ailleurs, les distributions excédant les revenus sont également imposables.
La nouvelle loi de lutte contre la fraude fiscale
La loi de lutte contre la fraude fiscale, votée par l’Assemblée Nationale le 5 novembre 2013, généralise le champ d’application des présomptions caractérisées de fraude et autorise le recours à la procédure judiciaire d’enquête fiscale. Elle redéfinit les circonstances aggravantes du délit de fraude fiscale et renforcent les sanctions applicables : les peines encourues peuvent aller jusqu’à 2 000 000 euros et sept ans d’emprisonnement lorsque les faits auraient été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen notamment de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ; de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, établis à l’étranger ; d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ; ou encore d’un acte fictif ou artificiel ou de l’interposition d’une entité fictive ou artificielle.
Par conséquent, le simple fait pour un contribuable de détenir un compte à l’étranger non déclaré peut permettre à l’Administration de retenir la qualification de fraude fiscale, assortie des sanctions pénales ci-dessus. Le montant de l’amende pouvant désormais atteindre 2 millions d’euros, cela pourrait revenir dans certains cas de fraude caractérisée à une confiscation des avoirs étrangers, voire d’une possibilité de saisir les avoirs français pour couvrir le montant de l’amende.
En outre, il est important de préciser que les solutions alternatives, qui pourraient être proposées aux contribuables et qui viseraient à transférer les avoirs dans des structures écrans ou dans des fiduciaires, ou à transformer les liquidités en bien meubles pour les faire revenir en France sont des faits caractérisant une fraude fiscale en bande organisée, dont les circonstances pourraient permettre au juge pénal d’appliquer les sanctions maximales.
La loi fait actuellement l’objet d’une saisine parlementaire du Conseil Constitutionnel, ce qui retarde son entrée en vigueur à fin novembre 2013. La date d’entrée en vigueur de cette loi a une importance particulière, car lors des débats en Assemblée du jeudi 30 octobre, le Ministre du Budget CAZENEUVE a annoncé qu’il ne serait plus possible de régulariser aux conditions « favorables » de la circulaire du 21 juin 2013, si le contribuable se présentait à la cellule après cette date. A ce jour, aucun communiqué de presse ne confirme ces annonces.
En l’absence de régularisation, outre le risque fiscal et pénal latent pour le contribuable, il faut se rendre à l’évidence que le coût fiscal est reporté sur les héritiers en cas de décès du titulaire du compte. En effet, le compte étranger devient un « cadeau empoisonné » pour les héritiers qui, soit se retrouveront en situation de fraudeurs s’ils décident de ne pas régulariser, soit seront dans l’obligation de s’acquitter de sommes exorbitantes pour régulariser la situation fiscale du défunt. On pourrait même imaginer que le coût fiscal dépasse le montant des avoirs restants après paiement des droits de succession, si le défunt a fait des retraits en capital très importants visant à réduire le montant de ses avoirs.
2.Les pratiques de la régularisation auprès de la nouvelle cellule et le pragmatisme de l’Administration fiscale
Dans une circulaire du 21 juin 2013, le ministre du budget a précisé les conditions dans lesquelles les régularisations d’avoirs étrangers seraient traitées par les services fiscaux. Cette circulaire a soulevé de nombreuses questions pratiques résumées ci-après :
a. L’accès à la cellule est réservé aux contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l’étranger, qui se font connaître auprès de l’administration fiscale et qui rectifient spontanément leur situation fiscale passée, sans que celle-ci n’est fait l’objet d’un contrôle fiscal passé ou que les avoirs étrangers proviennent d’une activité occulte postérieure à 2003 ou d’une opération de blanchiment d’argent.
b. La régularisation des comptes détenus à l’étranger doit nécessairement passer par des déclarations complémentaires ou rectificatives sur les années susceptibles de faire l’objet d’une reprise par l’Administration, tant en matière d’ISF depuis 2007 (si assujettissement) que d’impôt sur le revenu à partir de 2006. Les contribuables devront s’acquitter du paiement intégral des impositions supplémentaires à leur charge augmentées des intérêts de retard au taux de 0,4% par mois de retard, au titre de chacune des années concernées. Afin de tenir compte de la démarche spontanée du contribuable, la majoration pour manquement délibéré calculée sur la base de l’imposition complémentaire et l’amende pour défaut de déclaration des avoirs à l’étranger seront réduites, dans les conditions suivantes :
* si les avoirs ont été reçus dans le cadre d’une succession ou d’une donation ou si les avoirs ont été constitués par le contribuable lorsqu’il ne résidait pas fiscalement en France : le taux de majoration pour manquement délibéré est ramené à 15% et l’amende est plafonnée pour chaque manquement déclaratif à 1,5% de la valeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée ;
* si les avoirs ont une autre origine : le taux de majoration pour manquement délibéré est ramené à 30% et l’amende est plafonnée pour chaque manquement déclaratif à 3% de la valeur des avoirs au 31 décembre de l’année concernée.
Ainsi, l’amende proportionnelle annuelle sera plafonnée à 1,5 % ou 3 % du montant des avoirs sur les cinq dernières années, sans instituer un quelconque plancher à 1.500 euros qui correspond à la règle de droit commun pour les années 2011 et 2012. Cette interprétation, confirmée par l’Administration fiscale, permet ainsi de limiter le montant des amendes sur les petits comptes et la régularisation présente un réel avantage pour ces contribuables. A l’inverse, pour les comptes plus importants (supérieurs à 700 000 euros), l’application de l’amende fixe de droit commun au titre des années 2009 à 2011 pourrait s’avérer plus favorable et ainsi s’appliquer.
c. Il est rappelé que l’article 123 bis du CGI (en cas de structures interposées) s’applique sans restriction en cas de régularisation spontanée : imposition du revenu réel ou forfaitaire majoré de 25%, ainsi que des distributions. Toutefois, la prescription applicable au boni de liquidation de ces structures ou à l’imposition des distributions est ramenée à trois ans.
d. Le dossier doit, en outre des documents bancaires, comporter un exposé circonstancié sur l’origine des avoirs détenus à l’étranger accompagné de tout document probant justifiant de cette origine ou constituant un faisceau d’éléments de nature à l’établir. A défaut de justifications de l’origine, l’un des grands avantages de la procédure de régularisation est que le contribuable ne s’exposera pas à une taxation aux droits d’enregistrement de 60% (article L23C du LPF précitée) et sera seulement qualifier d’actif, dès lors que ce texte ne peut être mis en œuvre qu’en cas de démarche spontanée. Toutefois, dans la limite de la prescription, l’Administration pourrait considérer que les approvisionnements non justifiés caractérisent une présomption de revenus ou une activité occulte.
e. En cas de retrait en cash sur les comptes, il n’y aurait aucune taxation de ceux-ci en présomption de revenus si le compte est détenu en direct (pas de structure interposée) et si les retraits ne sont pas qualifiés d’ « importants » pour identifier d’éventuels dons manuels ou pour qualifier le comportement d’actif ou passif. En cas de virement sur des comptes étrangers non identifiés, il faudra révéler l’identité des bénéficiaires à défaut de quoi la procédure de régularisation ne sera pas possible. La situation est totalement différente dans le cas d’une structure interposée, dès lors que les retraits constituent des distributions et sont taxables en tant que telles à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales, après déduction de la taxation afférente aux revenus réels ou revenus forfaitaires.
f. Les successions et les donations : Lorsque le contribuable a hérité du défunt d’un compte bancaire avant le 1er janvier 2007, aucun droit de mutation à titre gratuit n’est exigible du fait de la prescription. En revanche, dans l’hypothèse d’un don manuel, à savoir une remise d’espèces déposés sur un compte étranger ou un virement de compte à compte, et que le donateur n’est pas décédé avant le 1er janvier 2007, la prescription ne court qu’à compter de la date de révélation du don, c’est-à-dire au moment du dépôt du dossier de régularisation ou au moment du décès du donateur après 2007, et le paiement de droits de mutation sur le montant des sommes données est exigible. Pour les successions réalisées après le 1er janvier 2007, les droits de mutation sont également exigibles et la situation du défunt pour la période antérieure au décès doit également faire l’objet d’une régularisation d’IR et d’ISF (seuls les intérêts de retard s’appliqueront). Enfin, il est important quand cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un héritage familial passé de prendre en considération et d’informer les différents membres de la famille concerné (l’Administration pouvant être amenée à faire des recoupements).
Quel que soit le coût fiscal de la régularisation, l’un des grands avantages de la procédure de révélation spontanée est l’exclusion de toute mise en cause pénale pour fraude fiscale, sauf pour les cas particuliers d’activité occulte, blanchiment d’argent ou de montages artificiels en bande organisée où le ministre se réserve le droit de saisir la juridiction pénale.
Compte tenu des dernières annonces du Ministre CAZENEUVE en Assemblée Nationale du 30 octobre, il a été craint que la pérennité du tarif de régularisation selon la circulaire du 21 juin 2013 ne soit plus assurée à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi de lutte contre la fraude fiscale. En effet, la circulaire serait actualisée pour tenir compte de l’augmentation de certaines amendes, mais cette actualisation ne prendra effet que pour les obligations déclaratives souscrites postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi sur la répression de la délinquance financière et fiscale, à savoir principalement les prochaines déclarations d’IR 2013 et d’ISF 2014 qui seront souscrites en mai/juin 2014. Il ne s’agit que d’annonces du Ministre et rien à ce jour n’a été confirmé directement par communiqué de presse.
Par conséquent, les personnes candidates à la régularisation ont alors tout intérêt à révéler au plus vite l’existence de ces avoirs étrangers, tout en se faisant assister d’un conseil qui pourra apprécier rapidement le montant des redressements (10 à 20% des avoirs pour un passif et 20 à 30% pour un actif, en l’absence de régularisation de succession postérieure à 2007 ou de dons manuels) et apprécier la nature des informations initiales à divulguer à l’Administration fiscale.