La Cour de cassation a, dans son arrêt du 8 février 2017 (n°15-28085), confirmé sa jurisprudence précédente (Cass. Soc. 3 février 2016 n°14-18600 et 16 mars 2016 n°14-23589) selon laquelle, dans un cas de demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié, le licenciement prononcé en raison de la saisine du Conseil de prud’hommes par le salarié est nul, en raison de l’atteinte portée à son droit d’agir en justice, qui constitue une liberté fondamentale.
En l’espèce, un salarié, contrôleur de gestion, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, relevant différents manquements de son employeur au titre de l’exécution du contrat de travail (nullité de la convention de forfait-jours, dégradation de ses conditions de travail…).
Peu de temps après sa saisine, le salarié avait été licencié pour faute lourde.
Dans sa lettre de licenciement, l’employeur reprochait au salarié d’avoir délibérément détruit des données figurant sur le système comptable de traitement automatisé de la société, mais évoquait également l’action en résiliation judiciaire intentée par ce dernier.
La cour d’appel avait d’abord examiné la demande de résiliation judiciaire, puis, estimant celle-ci infondée, s’était penchée sur le licenciement pour faute lourde.
En effet, dans cette hypothèse, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée ; c’est seulement s’il ne l’estime pas fondée qu’il doit statuer sur le licenciement (Cass. Soc., 7 février 2007, 06-40250 ; Cass. Soc. 12 juin 2012, n°11-19641).
Le salarié invoquait la nullité de son licenciement, prétendant qu’il s’agissait d’une mesure de rétorsion, consécutive à son action en résiliation judiciaire.
Les juges du fond l’ont débouté de sa demande, considérant que la lettre de rupture ne reposait pas exclusivement sur la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié.
Or, au visa des l’article L. 1121-1 du Code du travail et de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, la Haute Juridiction, cassant l’arrêt d’appel, a affirmé à juste titre que la seule mention de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par le salarié suffisait à entraîner la nullité du licenciement, peu importe que la notification mentionne d’autres motifs.
Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme le principe selon lequel que l’illicéité du grief tiré de la saisine prud’homale, inscrit dans la lettre de licenciement, entraîne à lui seul la nullité du licenciement, de sorte que les autres griefs n’ont pas à être examinés par le juge, et ce peu important qu’ils puissent justifier un licenciement.
De même, les juges n’ont pas à rechercher, contrairement à ce qu’invoquait l’employeur dans son pourvoi, si l’action judiciaire est bien à l’origine du licenciement.
Cependant, le fait que la lettre de licenciement ne fasse pas état de la saisine prud’homale ne suffit pas à protéger l’employeur.
En effet, la Cour de cassation, particulièrement vigilante en la matière, a déjà eu l’occasion de considérer un licenciement attentatoire au droit d’agir en justice, même si la lettre ne faisait aucune allusion à la saisine du conseil de prud’hommes, en raison notamment de la concomitance entre la saisine des prud’hommes et la rupture du contrat de travail par l’employeur (Cass. Soc. 6 février 2013 n°11-11740).
Ce principe a également été adopté par les juges du fond ; en effet, dans un arrêt du 11 octobre 2016 (RG n°16/02541), la cour d’appel de Paris a prononcé la nullité de la rupture d’un ingénieur du son, intermittent du spectacle qui n’avait plus été employé suite sa saisine du Conseil de prud’hommes.
La 4ème Chambre du Pôle 6 de la cour d’appel a considéré que « le seul motif de la rupture des relations contractuelles réside de ce fait, à défaut d’autre motif démontré, dans l’action judiciaire entamée par le salarié ; ce motif méconnaît une liberté fondamentale qui est le droit d’agir en justice, et comme telle cette rupture doit être déclarée nulle ».
Ainsi, les juridictions veillent à préserver au droit d’agir en justice son rang de droit fondamental, garanti par le droit français et européen. A bon entendeur.