Lors du symposium de la médiation professionnelle, qui s’est tenu cette année encore à la Bibliothèque Nationale de France, plusieurs Espoirs de la médiation ont été attribués. Il y a eu les Espoirs particulièrement médiatiques, tels que celui attribué au premier président de la Cour d’Appel de Fort de France, monsieur Bruno Steinmann, pour son implication dans le développement de ce nouveau mode de règlement des différends dans les Antilles. Il y a eu aussi celui attribué à Frédéric Lauze, médiateur interne de la police nationale, formé à l’EPMN, pour sa volonté de faire évoluer son dispositif vers le développement de la qualité relationnelle. Ces deux espoirs de la médiation ont été accompagnés de propos engagés sur l’évolution de la citoyenneté. Il y a eu aussi les organisations, telles que le SICOVAL, communauté urbaine de Toulouse, et le CE et le CHSCT de la clinique de Fontvert du groupe CAPIO. Ces deux espoirs de la médiation ont une tonalité professionnelle, avec en perspective des réponses à des préoccupations à la fois légales et éthiques. Ils démontrent tous que la société civile s’empare de ce procédé pour développer une forme de relation qui repose moins sur le rapport à l’autorité de décision et l’esprit de servitude, que sur le perfectionnement des relations humaines, dans une logique de formation permanente.
Le cinquième espoir de la médiation a été attribué à un cabinet d’avocat, celui de Maître Philippe Dabadie, du barreau de Pau, pour son choix et son action dans la promotion du droit à la médiation.
Pour y voir plus clair dans les relations interprofessionnelles avocat/médiateur, il faut commencer par le constat qu’il existe deux types de médiation :
- une médiation qui relève d’une mission d’auxiliaire de justice ;
- et une médiation, la médiation professionnelle, qui se fonde sur le principe de sauvegarde de la liberté de décision et développe à la fois la qualité relationnelle et le droit à la médiation.
La première fonctionne sur le principe de l’appel à un professionnel du droit et d’une procédure déclenchée. La « relation » est devenue une « affaire » et en tant que telle elle doit restée juridicisée ; elle doit rester sous l’emprise des tiers de substitution. C’est ce que Frédéric Lauze, médiateur de la police nationale, a appelé une "vision carcérale du droit" : vous faites appel à un juriste, alors vous ne pourriez plus rien faire sans le juriste. Or, un différend entre des personnes peut se résoudre à tout moment par un changement de manière de considérer certains aspects du conflit de la part d’un seul des protagonistes, ou des deux. Les enjeux et les intérêts évoluent selon la manière dont la relation évolue elle-même. « L’ affaire » peut redevenir une relation dès lors que l’on cesse de considérer les choses d’après les revendications techniques (enjeux et intérêts). La médiation est ici confondue avec la négociation et a des échos de conciliation (voir article du 9/09/2013 de Jean-Louis Lascoux).
Dès lors qu’un avocat recherche la satisfaction de ses clients, il peut travailler en relation avec un médiateur professionnel dans un esprit de complémentarité. Ensemble, ils contribuent à apporter à leurs clients les moyens de mettre un terme à des différends et accompagner les projets issus de l’inventivité des personnes comme ceux issus de la clôture de différends. En termes très simples, l’accord issu de la résolution d’un conflit ne doit pas être considéré comme chargé de plus de soupçon que celui issu de tout accord librement passé, sinon c’est entretenir l’idéologie contraire à la médiation, en tout cas la médiation professionnelle, que « l’homme est un loup pour l’homme ». Un accord issu d’une médiation est un accord de confiance. La déjudiciarisation des différends est au prix du rétablissement de la relation de confiance.
Ainsi, avocats et médiateurs professionnels, plus que des auxiliaires de justice limitant leurs services au système des injonctions et des procédures, peuvent être des partenaires de l’accompagnement des projets d’une clientèle. L’un exerce en tant que facilitateur de la relation et de l’émergence de la définition d’un projet, l’autre intervient pour l’encadrer quand c’est nécessaire et anticiper des aspects déjà énoncés par le droit. Ne nous racontons pas d’histoire, l’avocat n’est pas un « coach », c’est un conseil. En tant que conseil, il a pour obligation d’informer ses clients de l’existence des moyens prévus par la loi qui peuvent permettre le règlement du différend. Et la médiation est l’un de ces moyens. Si l’avocat n’informe pas son client de l’existence de ce moyen, sans chercher à l’en dissuader, il commet une faute déontologique. Il ne sera pas étonnant de constater dans les années à venir une augmentation des plaintes contre des avocats n’ayant pas exercé leur obligation de conseil en recommandant la médiation à leurs clients.
Le Droit change. J’ai déjà eu l’occasion d’insister sur ce point lors de mon précédent article qui n’avait pas laissé indifférent. Le Droit est au service de la citoyenneté, ce n’est pas une « affaire » de conservatisme d’intérêts corporatistes. Et la médiation professionnelle est la seule approche de médiation à proposer le respect de l’article 1er de la déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous les humains naissent libres… ». Dans le champ des risques de judiciarisation des relations, elle entretient le libre arbitre par la reconnaissance d’un droit qui garantit à chacun la liberté de décision. A l’aube de la deuxième décennie du XX° siècle, le droit à la médiation est ainsi le nouveau droit qui s’annonce.
Alors, de ce cinquième Espoir de la médiation professionnelle est en train de naître un réseau de professionnels du droit qui souhaitent échanger sur ces relations tissées entre ceux qui accompagnent les justiciables et ceux qui accompagnent les « médiables », deux statuts qui désignent en fait les mêmes personnes égarées dans des relations dégradées. Ce réseau ViaMediation regroupera tous les professionnels du droit rejoignant les cabinets d’avocats Ax’Avocat, Acta Antilles, Maitre Patrick Wallon.
Pour animer le réseau Viamediation des avocats, Anne Daniel-Richardson pourra compter sur moi, en tant qu’avocate, et Christine Valès, huissier de Justice, toutes les trois partageant l’exercice de la médiation professionnelle.
Plus d’infos sur ce réseau : www.ViaMediation.fr .
Discussions en cours :
Oui, excellent article pour proposer une stratégie de développement à la fois de la médiation auprès de la profession d’avocat et de l’évolution de la conception du règlement des conflits par les parties elles-mêmes. Le temps des justiciables laisse place à celui des médiales. En faisant l’historique ce l’évolution de la profession d’avocat, tout l’oriente vers les ententes plus que vers les procès. Les médiateurs professionnels sont des partenaires naturels de la profession d’avocat.
Excellent article de fond qui permet de comprendre qu’un partenariat est possible entre Avocats et Médiateurs. Chacun peut comprendre l’intérêt de faire partager cet article.
Cela n’est pas un article de fond mais un article de propagande de la "médiation professionnelle " qui est en fait une des diverses appellations initiées par Monsieur Lascoux.
Dans un souci de clarté, il faut le dire afin de ne pas entraîner de confusion avec les autres médiateurs, c’est à dire ceux qui n’appartiennent pas aux organisations de Monsieur Lascoux et donc n’ont pas choisi de se former avec lui.
Cet article ne me semble pas avoir pu être une fois de plus écrit par un avocat et il n’est pas normal d’avoir déjà constaté que sous cette signature, Monsieur Lascoux écrivait dans un précédent écrit sous cette signature, ce qui n’est pas un gage de transparence et de clarté.
Il n’y a pas à distinguer entre deux types de médiation comme il est présenté dans cet article ou alors cela voudrait dire une fois de plus que les médiateurs de Monsieur Lascoux seraient une catégorie à part de médiateurs qui appliqueraient des principes ou des méthodes différentes des médiateurs du monde entier qui n’ont rien à lui envier en termes de compétence et d’expérience.
Les avocats peuvent donc faire appel à des médiateurs indépendants et les avocats médiateurs quant à eux peuvent adhérer aux centres de leur choix qui respectent leur indépendance. Ils peuvent ensuite être choisis pour leur indépendance et doivent afficher clairement leurs appartenances éventuelles pour que le public et les usagers puissent les choisir en toute liberté précisément.
j’aime bien la réponse de ADR-avocat qui relativise la portée de cet article , car en effet au regard en plus du jugement rendu public concernant Monsieur Lascoux et l’EPMN contre Madame Lamoureux et la CEGOS il a été largement démontré par ce jugement que l’EPMN et le président de la CPMN se permettent de déroger aux règles élémentaires des codes de déontologie en bafouant les fondamentaux de la médiation ( impartialité , indépendance et neutralité).
A force de discréditer tous les médiateurs de la planète qui ne sont pas du sérail de Monsieur Lascoux appuyé par sa garde rapprochée , la médiation est malheureusement par ce jeu pervers de vouloir tout s’approprier pour soi en très grande difficulté de légitimité et de crédibilité.
La médiation, quand elle est professionnelle, est une discipline qui vise la "résolution des conflits", quand elle est bien intentionnée, elle vise la "gestion des conflits". Des conflits. Les conflits sont le gagne-pain des acteurs de la médiation. Faut-il alors résoudre les conflits ou les gérer ? C’est toute une conception du service rendu et vendu dans le cadre de l’exercice du contrat social. Mais de quelle médiation s’agit-il ? Il existerait donc vraiment deux types de médiation : la médiation moralisatrice, vitupérante, délatrice (ça serait nouveau... ) et la médiation pour réfléchir. La première fait de la gestion du conflit son fond de commerce et l’autre est citoyenne en visant résolument la résolution des conflits. Curieux mélange en réalité que celui du monde de la médiation. Mais il faut bien s’y résoudre, il est pluriel.
1/ Il serait intéressant que les corbeaux (médiateurs ?) se présentent sous leurs vraies identités.
2/ Quant à la culture de la médiation, merci, notre contributrice tonitruante qui dérape quelque peu, confirme néanmoins par sa démonstration on ne peut plus probante, le fond de l’article d’Agnès qu’elle m’attribue gentiment, il existe deux types de médiation : l’une qui cherche à ce que l’on se conforme, allant jusqu’à nier l’évidence des différences, rejetant l’altérité pour préférer la pensée unique, et l’autre qui conduit à bousculer les marques, taquiner les masques, reculer les limites, définir de nouveaux droits, accompagner une réflexion pour ouvrir sur les voies du discernement.
Bref, félicitations, qu’on parle de la médiation, il restera bien quelque chose du conflit ;-) d’évidence, un sujet embarque l’autre...
Le travail réalisé par les médiateurs professionnels avec les conventions ViaMediation auprès de la profession d’avocat est remarquable. Non seulement de plus en plus d’avocats viennent se former à la médiation professionnelle, mais ils disposent ainsi d’un outil efficace de promotion de leur activité. Donc, entre une information lobbyiste qui empêche la médiation de sortir d’une représentation autoritaire et la médiation professionnelle, il ne faut pas se plaindre qu’une action commerciale diffuse une information de qualité.