Par Céline Rojano, Avocate.
  • 1287 lectures
  • 1re Parution: 26 décembre 2022

  • 4.97  /5

Achats publics responsables : le SPASER.

Extension de l’obligation d’adopter et publier un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) à compter du 1er janvier 2023.

De quoi s’agit-il ?

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a imposé aux acheteurs publics dont le montant annuel des achats dépassait 100 millions d’euros HT d’adopter et publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. Puis un volet environnemental a ensuite été introduit.

Le but était d’encourager les grandes collectivités territoriales à inscrire leur politique d’achat dans une démarche plus responsable.

Aujourd’hui, l’article L2111-3 du code de la commande publique prévoit que le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) détermine les objectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés et des éléments à caractère écologique ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs.

Ce schéma contribue également à la promotion d’une économie circulaire.

Le SPASER répond à plusieurs enjeux :
- l’exemplarité des acheteurs publics ;
- la réalisation d’un état des lieux de l’achat public "responsable" ;
- le travail en transversalité au sein d’une même collectivité (entre le service achats, le service financier, la direction du développement économique par exemple) ;
- la promotion d’une stratégie d’achat auprès des acteurs économiques ;
- la mise en place d’outils permettant un processus d’achat responsable ;
- l’amélioration en continu des pratiques d’achats ;
- la montée en compétences des acteurs économiques du territoire en matière de développement durable.

Quels acheteurs sont soumis à cette obligation ?

Jusqu’au 31 décembre 2022, seuls les collectivités territoriales, les groupements de collectivités, les établissements publics locaux, les EPIC et les entreprises publiques dont le volume d’achat annuel est supérieur à 100 millions d’euros HT devaient adopter et publier un SPASER. Environ 160 entités étaient concernées.

A compter du 1er janvier 2023, le seuil au-delà duquel l’adoption d’un SPASER est obligatoire sera abaissé à 50 millions d’euros HT. Ce qui ferait passer à 320 le nombre d’acheteurs concernés par l’obligation d’adopter un SPASER.

Le montant des achats se calcule en prenant en compte le montant des marchés publics (marchés de partenariat inclus) signés au cours de l’année civile. Pour les accords-cadres (à bons de commandes ou à marchés subséquents), c’est le montant des bons de commande émis et des marchés subséquents conclus sur l’année qui doit être pris en compte. A compter du 1er janvier 2023 la rédaction de l’article D2111-3 du code de la commande publique est modifiée : il conviendra de tenir compte des seules dépenses effectuées au cours d’une année civile.

Pourquoi avoir abaissé ce seuil ? Sur les 160 entités qui avaient l’obligation d’adopter des SPASER [1], seules 34 avaient respecté leur obligation... Très insuffisant pour entrainer une émulation...

Déception relayée par le Réseau des Collectivités Territoriales pour une Économie Solidaire, qui rappelle qu’au 1er décembre 2022, seules 32% des collectivités concernées par l’obligation avaient effectivement adopté un SPASER...

C’est la raison pour laquelle, et conformément aux recommandations des parlementaires Nadège Havet et Sophie Beaudouin-Hubière formulées dans leur rapport remis le 21 octobre 2021, le champ d’application de l’article L2111-3 du code de la commande publique sera élargi à compter du 1er Janvier 2023, en abaissant le seuil du volume d’achats annuels au-delà̀ duquel un SPASER est obligatoire [2].

Bien sûr, rien n’interdit aux acheteurs non concernés par l’obligation d’adopter et publier un SPASER s’ils le souhaitent.

Quel contenu ?

Jusqu’au 31 décembre 2022, les textes se bornent à indiquer que le schéma :

« détermine les objectifs de passation de marchés publics comportant des éléments à caractère social, visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés, ou défavorisés, et des éléments à caractère écologique ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs. Ce schéma contribue également à la promotion d’une économie circulaire ».

A compter du 1er janvier 2023, l’article L2111-3 du code de la commande publique encadrera davantage la rédaction du SPASER qui devra comporter :

« des indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur et publiés tous les deux ans, sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement et écologiquement responsable parmi les achats publics réalisés par la collectivité ou l’acheteur concerné ».

Le SPASER devra également préciser :

« les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories, notamment ceux relatifs aux achats réalisés auprès des entreprises solidaires d’utilité sociale agréées ... ou auprès des entreprises employant des personnes défavorisées ou appartenant à des groupes vulnérables ».

Les acheteurs publics sont en réalité assez libres sur le contenu du SPASER. Et tout le sujet est là... le contenu du SPASER.

Il y a en effet très peu d’intérêt à faire du SPASER une simple liste de bonnes intentions.

Il semble beaucoup plus intéressant d’en faire un vrai guide pratique à l’usage des services achats, pour une commande publique plus efficace et plus performante.
On pense notamment aux indicateurs et outils suivants : volume des achats réservés à l’économie sociale et solidaire (ESS), part des entreprises ESS dans les entreprises attributaires, suivi des clauses sociales et environnementales mises en œuvre (nombre d’heures réservées aux personnes éloignées de l’emploi notamment), spécifications techniques prenant en compte des objectifs de développement durable, application de critères d’attribution permettant l’insertion de personnes éloignées de l’emploi ou davantage d’inclusion, valorisation des propositions des candidats intégrant des démarches de qualification (recours à l’apprentissage ou aux formations en alternance par exemple), missions des facilitateurs...

... à charge ensuite pour les services achats de s’emparer de ces outils et objectifs, pour générer une commande publique efficace et innovante.

Le SPASER se révèle alors pourvoir être un outil très utile. Un outil qui va évoluer, selon les pratiques qui s’avéreront les plus efficaces pour atteindre les objectifs définis par l’acheteur public sur son territoire.

Pour rappel, le SPASER est indicatif, non contraignant pour l’acheteur public. Il peut être rédigé par thèmes, selon les orientations propres à chaque acheteur public : biodiversité, égalité hommes/femmes, circuits courts, sécurité et qualité de vie au travail etc. Sans oublier l’axe de développement économique souhaité par l’acheteur public sur son territoire.

Sa rédaction nous semble devoir être synthétique et facile à lire.

Les collectivités sont libres dans la détermination de la périodicité, de la durée et des modalités de mise en jour de leur SPASER.

A compter du 1er janvier 2023, le SPASER devra être rendu public « notamment par une mise en ligne sur le site internet, lorsqu’il existe, des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices ».

Limites et prochaines échéances.

Aucune sanction n’est prévue pour les acheteurs qui n’établiraient pas leur SPASER (certains proposent de subordonner l’octroi de financements à l’adoption d’un SPASER, cf. revue Contrats et marchés publics n° 5 mai 2021, doctrine n°165). Il faut donc une réelle volonté politique de l’acheteur public de déployer une stratégie d’achat durable et social adaptée aux enjeux de son territoire.

Au plus tard le 22 août 2024, le Gouvernement devra réaliser un bilan d’évaluation des mesures relatives au SPASER et proposer la rédaction d’un schéma-type.

Sources :
- Code de la commande publique : articles L2111-3 et D2111-3 ;
- Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ;
- Fiche DAJ "Le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables" ;
- Rapport des parlementaires Nadège Havet et Sophie Beaudouin-Hubière pour des achats plus responsables ;
- Dictionnaire permanent commande publique, étude "développement durable", Editions Législatives Lefebvre Dalloz ;
- Vademecum du médiateur des entreprises ;
- Article Etat des lieux sur les SPASER - décembre 2022.

Céline Rojano
Avocate spécialiste en droit public
Barreau de Paris
contact chez rojano-avocat.com
rojano-avocat.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

Notes de l'article:

[1La majorité des régions métropolitaines, une soixantaine de départements, près de 70 établissements publics de coopération intercommunale et une dizaine de communes.

[2Article 1er du Décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique.

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit, certifié 6e site Pro en France: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 154 060 membres, 25195 articles, 126 856 messages sur les forums, 4 410 annonces d'emploi et stage... et 1 400 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• [Podcast] Procès de Monique Olivier : les absents au procès, les conséquences (épisode 1).

• 14ème concours des Dessins de justice 2023, imaginez les "voeux du Droit" !




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs