L’action de groupe en droit du travail : une nouvelle ère pour la défense des salariés.

Par Rudy Ouakrat, Avocat.

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Explorer : # action de groupe # droit du travail # syndicats # réforme législative

Depuis la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 et ses décrets d’application (n°2025-653 du 16 juillet 2025 et n°2025-734 du 30 juillet 2025), l’action de groupe en droit du travail a changé d’échelle. Longtemps restée marginale, elle devient désormais une arme juridique centrale pour les organisations syndicales.

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Qu’est-ce qu’une action de groupe en droit du travail ?

Une action de groupe est une procédure judiciaire qui permet à un syndicat représentatif d’agir au nom d’un ensemble de salariés placés dans une situation similaire :

  • heures supplémentaires impayées,
  • primes non versées,
  • congés payés non attribués, etc.

L’action de groupe poursuit deux objectifs :

  • contraindre l’employeur à cesser le manquement (ex. non-respect d’un accord collectif, violation des règles de santé et sécurité, application incomplète du Code du travail),
  • obtenir réparation pour les salariés concernés (rappels de salaires, régularisation de primes, dommages-intérêts, etc.).

Pourquoi la réforme de 2025 change tout ?

Introduite en 2016 dans le champ limité des discriminations, l’action de groupe en droit du travail était restée anecdotique : à peine quelques actions en près de dix ans.

La réforme de 2025 la réinvente et la rend enfin opérationnelle :

  • Un champ élargi : désormais, tout manquement d’un employeur peut être contesté collectivement (heures supplémentaires, égalité professionnelle, santé et sécurité, primes, etc.).
  • Un effet interruptif de prescription : dès l’engagement de l’action, la prescription est interrompue pour tous les salariés concernés. Plus besoin que chacun saisisse individuellement le juge.
  • Une procédure claire : mise en demeure préalable, puis éventuelle saisine du tribunal judiciaire qui statue sur la responsabilité et définit le groupe de salariés concernés.
  • Un financement facilité : recours possible à des financements tiers (avec transparence) et création d’un fonds alimenté par une nouvelle sanction civile.

Pour les syndicats et CSE, c’est une véritable révolution procédurale.

Quels avantages pour les syndicats et CSE ?

Pour les représentants du personnel, l’action de groupe devient un outil structurant :

  • Elle protège les salariés sans les exposer individuellement à des risques de rétorsion.
  • Elle permet d’agir collectivement et efficacement contre des pratiques patronales récurrentes.
  • Elle renforce le rapport de force dans la négociation : l’employeur sait qu’un manquement collectif peut avoir des conséquences massives.
  • Elle sécurise les délais grâce à l’interruption de prescription.

Un exemple concret : après les arrêts de la Cour de cassation du 10 septembre 2025 (n°23-22.732 et n°23-14.455) sur les congés payés et les heures supplémentaires, un syndicat pourrait engager une action de groupe pour contraindre l’employeur à se mettre en conformité.

Comment mettre en œuvre une action de groupe en droit du travail ?

La réforme a élargi le champ de la procédure, mais certaines étapes restent incontournables :

1) Mise en demeure préalable : le syndicat adresse une demande écrite à l’employeur pour qu’il mette fin au manquement.

2) Information du CSE : dans le mois qui suit, l’employeur doit informer le CSE et les autres syndicats représentatifs.

3) Délai de régularisation : l’employeur dispose de 6 mois pour corriger la situation (sauf rejet explicite).

4) Saisine du tribunal judiciaire : si le problème persiste, le juge statue sur la responsabilité de l’employeur et définit le groupe de salariés concernés.

5) Adhésion des salariés : les travailleurs éligibles peuvent adhérer au groupe (opt-in). Ils obtiennent alors régularisation et/ou indemnisation.

Un nouvel outil pour renforcer le rapport de force.

Cette réforme transforme en profondeur les équilibres du dialogue social. L’action de groupe met fin à la fragmentation des contentieux, donne un véritable poids collectif aux syndicats et incite les employeurs à régler rapidement les litiges collectifs, sous peine d’une condamnation massive.

L’action de groupe en droit du travail n’est plus un outil théorique : c’est une arme juridique moderne et puissante pour les syndicats et CSE.

Elle ouvre une nouvelle page de la défense collective des salariés : un dispositif clair, efficace et dissuasif, qui place enfin la justice collective au cœur de la relation de travail.

Aux représentants du personnel de s’en saisir. Aux employeurs de comprendre qu’il faudra désormais compter avec elle.

Rudy Ouakrat, Avocat au Barreau de Paris, spécialiste en droit du travail mention droit du Comité Social et Économique
Cabinet 41
r.ouakrat@41-avocats.fr
www.41-avocats.fr

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